Fraude fiscale: ces milliards que l'État récupère auprès des grandes entreprises

- - AFP
Du jamais vu. Ce mercredi, la banque suisse UBS a été condamnée par le tribunal correctionnel de Paris à une amende de 3,7 milliards d’euros pour "démarchage bancaire illégal" et "blanchiment aggravé de fraude fiscale". Le tribunal a également condamné solidairement la banque suisse UBS AG, sa filiale française, et trois de ses anciens cadres à payer 800 millions d'euros de dommages et intérêts à l'État français, partie civile. Soit au total 4,5 milliards d'euros. La banque a fait appel cette peine, la plus lourde peine infligée par la justice française dans une affaire d’évasion fiscale. Et de loin.
Comme le rappelait Le Monde en novembre dernier, la moyenne des dix plus lourdes amendes prononcées contre les banques par la justice depuis 2007 atteignait à peine les 90 millions d’euros en France, contre environ 10 milliards de dollars (près de 9 milliards d’euros) aux États-Unis. Parmi les dernières sanctions majeures, le tribunal correctionnel de Paris a condamné en juillet 2017 la banque lettone Rietumu à 80 millions d’euros d’amende dans l’affaire "France Offshore". Fin 2016, la banque suisse Reyl a écopé d’une amende de 1,9 million d’euros dans l’affaire Cahuzac.
Des accords entre Bercy et les entreprises
Mais l’État français a renforcé son arsenal juridique ces dernières années, ce qui a permis paradoxalement de limiter les longues procédures et les condamnations en correctionnelle. En effet, la CJIP (convention judiciaire d’intérêt public) inscrite dans la loi Sapin II et entrée en vigueur en 2016 a permis aux entreprises soupçonnées de blanchiment de fraude fiscale de plaider coupable, et donc de payer pour éviter un procès. En 2018, cette mesure a été étendue aux délits de fraude fiscale. Et ce nouveau dispositif semble avoir fait ses preuves.
Les entreprises soupçonnées de fraude fiscale ont désormais la possibilité d’entamer des tractations avec le Parquet national financier pour ne pas s’enliser dans un long conflit avec un État. Le premier accord de ce type a été conclu entre la justice et la banque HSBC en novembre 2017. Le géant bancaire avait accepté de régler 300 millions d’euros au fisc pour mettre fin aux poursuites engagées pour blanchiment de fraude fiscale. La banque UBS, elle, avait refusé ces tractations.
En février 2018, Amazon, visé par un redressement fiscal, a conclu avec le fisc français un accord amiable tenu secret. Le contentieux qui datait de 2012 portait sur une somme d’environ 200 millions d’euros. Le montant du chèque versé à l'administration fiscale reste toutefois inconnu, Amazon n’ayant fait aucun commentaire à ce sujet, tout comme Bercy qui se retranche derrière le secret fiscal.
Une trentaine de milliards d'euros récupérée en 3 ans
En février dernier, ce fut au tour d’Apple de passer à la caisse. Après des mois de négociations, le géant américain a accepté de verser 500 millions d’euros d’arriérés d’impôts au fisc français. De son côté, McDonald’s chercherait également à échapper à un procès pour fraude fiscale en France et envisagerait d’engager prochainement des discussions avec le parquet financier. Selon nos calculs, l'Etat aura ainsi récupéré une trentaine de milliards d'euros entre 2015 et 2017.
Le fisc, de son côté, ne détaille toutefois pas ce que la lutte contre la fraude lui permet de récupérer chaque année. Il se contente de chiffres globaux regroupant les sommes perçues auprès des entreprises et des particuliers: entre 16 et 17 milliards d’euros attendus pour 2018, 21,2 milliards en 2015 (année record), 19,5 milliards d’euros en 2016 et 17,9 milliards d’euros en 2017.
Sur ces montants qui représentent les redressements fiscaux notifiés, les sommes encaissées réellement sont toutefois en recul depuis trois ans avec 12,2 milliards d'euros en 2015, 11,1 milliards en 2016 et 9,4 milliards en 2017. Cette année, le secrétaire d’État aux Comptes publics Olivier Dussopt a indiqué que Bercy espérait "faire mieux" qu’en 2018.