Privatisation d'Aéroports de Paris: le référendum aura-t-il vraiment lieu?

Le feu vert hier jeudi 9 mai du Conseil constitutionnel à la poursuite du projet de référendum d'initiative partagée (RIP) contre la privatisation d'ADP n'est que la première étape d'un long processus, parsemé d'obstacles, avant la possible consultation de la population mais pas avant 2020. Voici les étapes restant à franchir avant qu'un vote ait lieu selon le dispositif prévu depuis la révision constitutionnelle de 2008.
- Loi pacte: validée ou on par le Conseil constitutionnel?
Dans un premier temps, le Conseil constitutionnel va devoir rendre sa décision sur le projet de loi Pacte, dont un des points saillants est précisément le lancement de la procédure de privatisation d'ADP. Les "Sages" du Conseil vont-il déclarer l'article sur la mise en vente d'ADP non-conforme à la Constitution? C'est peu probable mais ils devront trouver un argumentaire pour justifier qu'à quelques jours ou semaines d'intervalle, ils ont validé à la fois la promulgation d'une loi prévoyant la privatisation d'ADP et une proposition référendaire visant à annuler ce processus.
- Recueillir près de 5 millions de signatures
Avec cette première validation jeudi par les Sages, s'ouvre une nouvelle phase assez longue et cruciale: le recueil des signatures de 10% des électeurs inscrits sur les listes, soit environ 4,717 millions de soutiens individuels à collecter.
Ce nombre devra avoir été atteint en neuf mois même si aucune pétition n'a atteint un tel niveau de mobilisation en France. Les promoteurs du référendum misent sur le fait que l'opinion française est a priori hostile à la privatisation d'ADP. Selon un sondage récent daté du 10 avril 2019 d'Harris Interactive-Epoka pour LCI, près de la moitié des Français (48%) voteraient contre la privatisation d'ADP (ex-Aéroports de Paris) et seuls 20% l'approuveraient si cette question devait être soumise à un référendum.
La procédure prévoit que le recueil des signatures se fasse sous forme électronique et débute dans le mois suivant la publication de la décision du Conseil constitutionnel au Journal officiel. C'est le ministre de l'Intérieur qui gère cette collecte en ligne, sous le contrôle des "Sages".
"Un système d'information a été développé" lors de la création du RIP et "dès la saisine du Conseil constitutionnel, les services ont travaillé sur l'application informatique pour s'assurer notamment de sa sécurité", a-t-on précisé au ministère.
Des points d'accès pour apporter ce soutien en ligne doivent aussi être mis à disposition au moins dans la commune la plus peuplée de chaque canton ou au niveau d'une circonscription administrative équivalente. Enfin, l’électeur pourra faire enregistrer électroniquement son soutien, qu'il aura présenté sur papier, par un agent de la commune ou du consulat (à l'étranger).
- Le Conseil constitutionnel devra valider les soutiens
Le Conseil constitutionnel devra intervenir une nouvelle fois pour valider la légalité des soutiens recueillis par ces trois modes: internet à domicile, internet via un point d'accès communal, et enregistrement électronique d'un soutien présenté par l'électeur à un employé communal ou d'un consulat.
- 6 mois sans aucune proposition de loi au Parlement
Autre difficulté pour voir aboutir ce référendum, il faudra que pendant un délai de six mois aucune proposition de loi sur la privatisation d'ADP n'ait été examinée par chacune des deux assemblées parlementaires. Si l'Assemblée nationale, contrôlée par la majorité LREM, peut tenter de mettre un texte à son ordre du jour dans ce délai de six mois, il faudra que le Sénat repousse tout examen de ce texte pendant ce délai pour que le processus référendaire aille jusqu'à son terme.
- Un référendum... mais pas avant fin 2020 au mieux
Si la proposition de loi référendaire franchit ses nombreux obstacles il se sera donc écoulé au moins 15 mois (9 mois pour recueillir les 4,71 millions de signatures et 6 mois de délai pendant lequel les deux chambres parlementaires prendront ou pas l'initiative d'examiner un texte relatif à la privatisation d'ADP). Compte tenu de ce délai, le président de la République serait tenu de prendre une décision sur l'organisation du référendum au début de l'automne 2020... après les prochaines élections municipales, ce qui risque de ne pas arranger les affaires du gouvernement.
En cas de résultat positif du référendum, la privatisation d'ADP serait annulée et le chef de l'État promulguera la loi dans les quinze jours.