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Finances publiques

Les droits de douane de Trump vont-ils coûter "plus de 0,5 point" de croissance à l'économie française?

Le Premier ministre François Bayrou à Matignon le 1er avril 2025

Le Premier ministre François Bayrou à Matignon le 1er avril 2025 - STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Selon François Bayrou, les droits de douane de 20% visant l'Union européenne pourrait coûter "plus de 0,5% de PIB" à la France.

Les droits de douane de Donald Trump vont-ils porter un coup fatal à la croissance française? Selon François Bayrou, l'offensive protectionniste du président américain qui a annoncé 20% de surtaxes sur les produits venant de l'Union européenne pourrait coûter "plus de 0,5% du PIB" à la France.

"Le risque de pertes d'emplois est absolument majeur, comme celui d'un ralentissement économique, d'un arrêt des investissements", a estimé le Premier ministre dans une interview accordée au Parisien.

Le mois dernier, la Banque de France avait déjà abaissé sa prévision de croissance, de 0,9 à 0,7%. Une révision justifiée par le climat d'incertitude "au niveau international (...), en lien avec ce qui se passe sur les droits de douane américains", avait détaillé le directeur général de la Banque de France Olivier Garnier, au moment où l'ampleur des surtaxes promises par la Maison Blanche n'était pas encore connue.

Une baisse du PIB de la zone euro de 0,3 à 0,4 point?

Si elle s'avère exacte, la prévision de François Bayrou conduirait donc à un niveau de croissance pire que prévu et surtout particulièrement faible: de l'ordre de 0,4 (en partant de prévision du gouvernement toujours à 0,9% pour l'heure) ou 0,2% (à partir de la prévision de la Banque de France) en 2025.

Mais pour certains analystes, l'impact de la politique commerciale américaine sur l'activité tricolore est sans doute surestimé par le Premier ministre. "Le taux d’ouverture de la zone euro (aux États-Unis) est relativement faible. Oui, il y a des filières qui vont être durement touchées avec une activité qui va chuter drastiquement. Mais au final pour l’activité globale, ce n’est pas grand chose. L’essentiel des exportations de la France ou de l’Allemagne, c’est avec les pays de la zone euro", explique sur BFM Business Christophe Boucher, professeur à l'Université Paris-Nanterre et directeur des investissements d'ABN Amro.

En se basant sur un scénario dans lequel Donald Trump imposait des droits de douane de 25% sur les produits européens, la Banque de France avait estimé que ces surtaxes pourraient diminuer le PIB de la zone euro de 0,3% au bout de un à deux ans. "Cela inclut l’impact direct du droit de douane sur les exportations européennes ainsi que les effets indirects par le ralentissement américain et mondial", détaillait l'institution.

Deutsche Bank table de son côté sur une baisse du PIB de la zone euro de "0,4 point de pourcentage ou plus si aucun compromis n'est trouvé sur les droits de douane (...)".

La France moins exposée

Pour le seul cas de la France, l'impact pourrait être moindre. Et pour cause, l'Hexagone est moins exposé que certains de ses voisins, ses exportations de biens vers les États-Unis ne représentant "que" 1,6% du PIB. Soit une exposition au marché américain inférieure d'environ 40% à celle des exportations de l'UE dans son ensemble (2,8% du PIB de l'UE).

À titre de comparaison, l'Allemagne et l'Italie sont bien plus vulnérables avec des exportations vers les États-Unis qui représentent respectivement 3,8 et 3,1% de leur PIB. L'Hexagone reste malgré tout exposé aux déboires de ses voisins.

"Si l'Allemagne plonge, on va plonger aussi", résume François Ecalle fondateur de FipEco.fr.

Toujours est-il que "les chiffres avancées par le gouvernement, qui sont très certainement beaucoup trop négatifs, induisent qu’on mette en application l’intégralité des tarifs douaniers", explique sur BFMTV Christopher Dembik, conseiller en stratégie d'investissement chez Pictet AM.

Or actuellement aux États-Unis, "on est sur une moyenne autour de 20% de tarifs douaniers, précédement c'était 2,5%. On espère arriver après des négociations autour de 10%. À ce niveau-là, cela va peut-être ralentir un petit peu l'économie française mais ce ne sera pas le (scénario) le plus catastrophiste", ajoute-t-il.

Quelles conséquences sur les finances publiques?

Ce ralentissement économique pourrait bien contrarier les plans du gouvernement qui s'est fixé un objectif de déficit public de 5,4% en 2025. François Bayrou a d'ailleurs laissé entendre qu'il ne s'accrocherait pas coûte que coûte à ce seuil expliquant que "si la situation devait se dégrader, on ne va pas demander un effort supplémentaire".

Éric Lombard a lui aussi reconnu vendredi sur BFMTV et RMC que si les droits de douane étaient maintenus, "on sera dans une situation beaucoup plus difficile". "Dans ces cas-là, probablement les recettes baisseraient, puis le PIB baisserait par rapport à ce qui est prévu, ce qui dégraderait (...) le taux de déficit. Et je pense que dans ces cas-là, pour protéger les Françaises et les Français, il faudrait l'accepter", a développé le ministre de l'Économie.

"C'est-à-dire que la priorité, même si la situation se dégrade, c'est de laisser le niveau de dépenses publiques là où il a été prévu, qui représente déjà un effort considérable par rapport à l'année dernière", avec une cinquantaine de milliards d'euros d'économies, a-t-il pouruivi.

Le ministère de l'Économie et des Finances a toutefois précisé par la suite que l'objectif d'un déficit public à 5,4% était maintenu. "Le ministre a clairement indiqué que nous tiendrons la dépense publique, même en cas de conjoncture dégradée en conséquence de la hausse des droits de douane. Tous les efforts seront faits pour minimiser les risques liés à la guerre tarifaire pour l'économie française", a souligné le ministère. "Ainsi, nous préservons l'objectif de 5,4% du déficit public, priorité de l'action du gouvernement pour le rétablissement de nos comptes", selon la même source. Un premier point d'étape sur cette nouvelle donne devrait être établi lors de la conférence des finances publique le 15 avril prochain. "En cas de risque identifié sur la dépense, des mesures de maîtrise seront annoncées", a fait savoir Bercy.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco