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Daniel Cohen: "La réforme des retraites n’est pas nécessaire"

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L'économiste était l'invité d'Apolline de Malherbe sur RMC et BFMTV. Il a durement critiqué les mesures proposées par Emmanuel Macron.

Daniel Cohen, sur le plateau d'Apolline Matin sur RMC et BFMTV, s'est penché en longueur sur la situation macréconomique en France, en pleine crise inflationniste. Mais l'économiste, président du conseil d'administration de la Paris School of Ecnomics, professeur à l'Ecole normale supérieure, a aussi estimé dispensable une éventuelle réforme des retraites.

On sait que les réformes qui ont déjà été faites, comme la réforme Touraine, l’indexation sur les prix et plus sur les salaires, tout cela entraîne une baisse de la part des retraites dans le PIB. Économiquement, la réforme n’est pas nécessaire, puisque la part des retraites va se rapprocher de 12% du PIB.

Un discours à rebours de celui du président réélu, qui propose d'allonger progressivement l'âge de départ à la retraite à 65 ans, à raison d'un recul de quatre mois, tous les ans dès 2023. Et s'il a ouvert la porte à un aménagement, avec une "clause de revoyure" en 2027, Emmanuel Macron insiste sur la nécessité strictement budgétaire d'une telle réforme, comme il le faisait en avril sur BFMTV.

Je pourrais vous dire si j'étais un démago et que je voulais me faire élire "on va faire la retraite à 60 ans", mais qui la finance? Vous payez plus de cotisation et vous réduisez le pouvoir d'achat, je demande aux retraités de baisser leurs pensions? Je ne suis pas magicien.

Le niveau des pensions en question

Au coeur de la discussion à distance entre les deux hommes, la question de la soutenabilité du système des retraites actuel. Trois leviers permettent de modifier les recettes du régime: outre l'âge de départ, le niveau de cotisation peut être jugulé, ainsi que le niveau des pensions.

Daniel Cohen comme Emmanuel Macron excluent d'augmenter les cotisations, et ne sont pas en phase sur l'âge de départ. Mais, comme l'explique le Conseil d'Orientation des Retraites (COR) dans sa dernière synthèse datée de juin 2021, c'est le dernier levier qui explique la soutenabilité - réelle - du modèle des retraites à long terme. Les projections indiquent en effet un déficit relativement faible, en fonction des scénarios de la croissance imaginés, jusqu'en 2035, avant un retour à l'équilibre... Financé par la baisse des pensions.

Si les ratios de dépenses de retraite dans le PIB diminuent en 2070 par rapport aux niveaux actuels, quel que soit le scénario économique envisagé, c’est que les évolutions démographiques défavorables [le nombre de retraités augmente par rapport au nombre de cotisants, NDLR] seront contrebalancées par la baisse à venir de la pension moyenne rapportée aux revenus d’activité, à législation inchangée."

C'est ce que relèvait ce matin Daniel Cohen, soulignant le fait que l'enjeu de la réforme est un choix politique - laisser les pensions baisser ou non :

La question qui se pose, c’est de savoir si les retraités ne vont pas s’appauvrir trop par rapport au reste de la population.

Selon le COR, en 2018, le niveau de vie moyen des retraités est légèrement supérieur (de l’ordre de 2,9 %) à celui de l’ensemble de la population. Un chiffre stable depuis 25 ans. Le taux de pauvreté des retraités est aussi plus faible, à 8,7% contre 14,8% pour le reste de la population.

Selon les projections, cette différence devrait s'amenuiser : les retraités gagneront en 2040, sans réforme, 90 à 95% du revenu des actifs, et entre 77 et 86% en 2070.

Durée de cotisation

Emmanuel Macron souhaite donc retarder l'âge de départ pour tous -même si l'exécutif en place a assuré vouloir maintenir les dispositifs actuels de carrière longue et de pénibilité. Une façon d'apporter plus de fonds au régime. Ce que conteste sur le fond Daniel Cohen, ancien soutien de François Hollande et Benoit Hamon.

On sait que les réformes d’âge sont inégalitaires; elles allongent de deux ans les durées de cotisation pour ceux qui sont les moins bien dotés. S’il y a des mesures à prendre, c’est sur les durées de cotisation.

Il préfèrerait donc suivre les pistes de la réforme Touraine, qui, en 2014, ne modifiait pas l'âge de départ mais allongeait à 43 ans la durée de cotisation pour les salariés nés après 1973.

Daniel Cohen a également promu une autre idée pour renforcer les caisses du système par répartition, sans mesure d'âge. Et ce, en se basant sur une proposition d'Emmanuel Macron: la sanctuarisation d'un niveau de pension minimal fixé à 1100 euros.

A partir du moment où on fixe un socle, pourquoi ne pas permettre un système par point pour ceux qui veulent continuer à travailler ?" a interrogé l'économiste.

L'idée serait donc de laisser ceux qui le peuvent continuer à travailler et à obtenir des pensions plus importantes, mais plus tardives. Elle sera peut-être soumise au président de la République, qui a déclaré vouloir "bâtir un consensus" concernant une éventuelle future réforme.

Valentin Grille