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Arrêts de travail moins bien rémunérés, médicaments moins remboursés... C'est dans la santé que Bayrou pourrait tailler pour faire des économies

François Bayrou présentera ce mardi 15 juillet son plan de redressement des finances publiques.

François Bayrou présentera ce mardi 15 juillet son plan de redressement des finances publiques. - STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Le Premier ministre doit présenter son plan de redressement des finances publiques ce mardi 15 juillet. Le budget alloué à la santé risque d'être lourdement amputé au nom de la responsablisation des patients comme des soignants.

La potion s'annonce amère pour la santé des Français. Alors que le Premier ministre s'apprête enfin à dévoiler la trajectoire de son plan de redressement des finances publiques ce mardi 15 juillet, tout porte à croire que les mesures d'économies se réaliseront au détriment du portefeuille des patients.

Refusant de résorber le déficit par une augmentation des impôts, François Bayrou devrait logiquement présenter une série de mesures visant à réduire, ou tout du moins freiner la progression des dépenses publiques.

"L'enjeu, dans les trois ou quatre prochaines années, c'est que l'ensemble de nos dépenses publiques n'augmentent pas de 60 milliards mais de 20 milliards d'euros par an", a notamment indiqué la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin, invitée de la deuxième édition des rencontres de la dépense publique, organisée par Acteurs publics en partenariat avec la Cour des comptes jeudi 10 juillet. Et pour ralentir l'envolée des dépenses, la santé semble être la cible privilégiée des pouvoirs publics :

"Ce n'est pas parce que la dépense sociale est importante qu'elle est intouchable", a notamment souligné la ministre des Comptes publics.

Arrêts de travail, affections longue durée (ALD), médicaments... Ces dernières semaines, le gouvernement, l'Assurance maladie et les organisations patronales ont en effet tour à tour préparé les esprits à un sérieux serrage de vis.

Lutter contre l'absentéisme au travail

S'agissant des arrêts de travail en particulier, plusieurs propositions ont émergé dans le débat public pour enrayer leur envolée et en finir avec l'absentéisme au travail. Dans son rapport "Charges et produits", censé éclairer le gouvernement en vue du Budget de la Sécu pour 2026, la Caisse nationale de l'assurance-maladie (Cnam) préconise de limiter la durée des arrêts maladie.

"Les dépenses d'indemnités journalières ont fortement progressé, avec une hausse de 27,9 % entre 2019 et 2023, souligne la Cnam. Si cette progression s'explique à 60% par des facteurs démographiques (augmentation et vieillissement de la population salariée) et économiques (hausse du salaire moyen ou du Smic), la part restante est liée à une augmentation des arrêts et de leur fréquence".

La Cnam suggère alors de limiter à 15 jours maximum, la durée des arrêts de travail primo-prescrits en ville, et à un mois en cas d'hospitalisation. Toute prolongation de l'arrêt de travail nécessiterait ainsi une nouvelle consultation médicale et serait limitée à deux mois.

Pour prévenir la survenue d'arrêts courts évitables, la Cnam évoque la création d'un système de bonus/malus dans les entreprises. Une manière, notamment, d'inciter les employeurs à mettre en place des dispositifs de vaccination pour les salariés, et d'améliorer la qualité de vie au travail.

Plus radical encore, l'Assurance maladie songe à transférer le financement des sept premiers jours d'arrêt de travail à l'employeur avec un maintien du niveau de couverture actuel pour le salarié. En contrepartie, une journée de carence d'ordre publique serait instaurée pour "dissuader les arrêts sans lien avec la maladie".

Pour rappel, un jour de carence dit "d'ordre public" se distingue d'un jour de carence classique car il n'est pas indemnisé par la Sécurité sociale et ne peut pas, non plus, être pris en charge par l'employeur au titre de la loi de mensualisation. Cela reviendrait donc à dire que les salariés ne percevraient aucune rémunération pendant ces jours d'arrêt maladie.

L'idée d'instaurer un ou plusieurs jours de carence d'ordre public dans le secteur privé, comme il en existe déjà dans la fonction publique, plaît bien aux organisations patronales. Le Medef préconise en effet un à trois jours de carence ni payés par la Sécu, ni par l'employeur, une mesure qui rapporterait jusqu'à 600 millions d'euros à la Sécu dès 2026. La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) est même plus catégorique en revendiquant d'emblée trois jours de carence d'ordre public.

Moins rembourser les médicaments

En matière de consommation des soins aussi, les règles pourraient se durcir. Le rapport de la Cnam plaide pour une nouvelle baisse des prix des médicaments alors que les laboratoires pharmaceutiques tirent la sonnette d'alarme face à des prix sensiblement plus bas que ceux pratiqués par les autres pays européens. Sont notamment ciblés les médicaments génériques, c'est-à-dire les copies chimiques de médicaments de marque, dont les tarifs sont en moyenne 30% moins chers.

Le danger pour les Français, c'est que les laboratoires finissent par ne plus produire ces comprimés alors même que ce sont déjà "les médicaments génériques qui sont en pénurie", rappelle Nathalie Coutinet, maître de conférence en sciences économiques à l'Université Paris 13 auprès de BFM Business.

Pour éviter un tel scénario, le gouvernement songe alors à raboter sur les marges des pharmaciens, en abaissant le plafond légal des remises commerciales que les laboratoires accordent aux officines. Une stratégie loin de ravir ces professionnels de santé du quotidien, sachant que plus de 100 officines ont déjà mis la clé sous la porte cette année, après 260 fermetures de pharmacies survenues en 2024.

Néanmoins, pour inciter les labos à se plier aux baisses de prix souhaitées, l'Assurance maladie envisage de conditionner le remboursement des médicaments à faible service médical rendu à des baisses de prix effectives, de l'ordre de "20% minimum par rapport au prix net du comparateur le moins cher".

Autrement dit, si les industriels refusent d'engager ces efforts, alors leurs produits pourraient ne plus être remboursés par la Sécu. Le ministre de la Santé et de l'accès aux soins, Yannick Neuder, n'est d'ailleurs pas fermé à l'option de dérembourser purement et simplement les médicaments aujourd'hui pris en charge par la Sécu à hauteur de 15%.

Toujours dans l'optique de réaliser des économies sur les remboursements de médicaments, le Medef préconise de son côté de développer l'accès à la "pharmacie de premier recours en mettant à disposition davantage de médicaments à prescription facultative", comme c'est le cas pour le paracétamol par exemple. De cette manière, les patients paieraient de leur poche ces médicaments, l'Assurance maladie et les complémentaires santé ne prenant en charge que les traitements listés sur une ordonnance rédigée par le médecin.

Réduire la voilure sur les affections longue durée

Autre cible visée par les pouvoirs publics pour renflouer les comptes de la Sécu : les affections longue durée (ALD). Ce dispositif, qui permet aux patients souffrant de maladies chroniques listées dans un arrêté ministériel de bénéficier d'une prise en charge des soins par l'Assurance maladie à 100% des tarifs servant de base de remboursement - hors dépassements d'honoraires -, est de plus en plus remis en cause.

Le rapport charge et produits de la Cnam suggère en effet de recentrer le statut ALD avec une prise en charge à 100% sur les patients qui ont passé une étape, dans leur maladie, "qui deviendra inévitablement longue et coûteuse, avec un fort recours au système de santé".

Ainsi, un autre statut serait créé pour les patients considérés comme en "risque chronique", lorsqu'ils viennent à peine d'être diagnostiqué par leur médecin traitant d'une pathologie comme l'obésité, l'hypertension artérielle ou un diabète de type 2 sans comorbidité. Pour ces patients-là, le remboursement des soins resterait de droit commun avec une prise en charge partagée entre la Sécu et la complémentaire santé.

L'année dernière, l'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) ont rappelé, dans un rapport transmis au gouvernement en juin 2024, que "le dispositif ALD a été très peu modifié depuis 1986, s'adaptant peu aux évolutions thérapeutiques". Elles avaient notamment chiffré entre 540 millions et 870 millions les économies possibles qui auraient pu être réalisées pour l'année 2025.

Caroline Robin