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Au bout du 3e arrêt de travail, interdiction pour les entreprises de payer les jours de carence: la proposition choc du Medef pour lutter contre l'absentéisme

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Moins d'une semaine avant la présentation du plan de redressement des finances publiques par le Premier ministre François Bayrou, les organisations patronales ont dévoilé leurs recommandations en matière de santé. Le Medef chiffre à 6,5 milliards d'euros les économies possibles dès le Budget de la Sécu pour 2026.

Serrage de vis en vue sur les arrêts de travail. Moins d'une semaine avant la présentation du plan de redressement budgétaire par le Premier ministre François Bayrou, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et le Medef ont dévoilé, chacun de son côté, leurs propositions pour enrayer le dérapage des dépenses de santé en vue du prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026.

Depuis que le comité d'alerte de la Sécu a sonné le tocsin, le 18 juin, anticipant un dérapage de 1,3 milliard d'euros de l'Objectif national de dépenses d'assurance-maladie (Ondam) pour 2025, le débat sur l'explosion des arrêts maladie et leur coût pour les finances publiques est revenu sur la table. Après la proposition de l'Assurance maladie de limiter la durée des prescriptions d'arrêt de travail à un mois maximum, les organisations patronales ne manquent pas non plus d'idées pour enrayer la dérive structurelle des arrêts maladie. Le Medef identifient pas moins de 6,5 milliards d'euros d'économies réalisables dès le Budget de la Sécu pour 2026.

Un à trois jours de carence ni payé par la Sécu, ni par l'employeur

Les patrons ont notamment relancé le débat des jours de carence dans le secteur privé. Ce mercredi 9 juillet, le Medef a notamment suggéré d'instaurer un ou plusieurs jours de carence d'ordre public, comme il en existe déjà un dans la fonction publique. Pour rappel, un jour de carence dit "d'ordre public" se distingue d'un jour de carence classique car il n'est pas indemnisé par la Sécurité sociale et ne peut pas, non plus, être pris en charge par l'employeur au titre de la loi de mensualisation. Cela reviendrait donc à dire que les salariés ne percevraient aucune rémunération pendant ces jours d'arrêt maladie. Une telle mesure pourrait rapporter jusqu'à 600 millions d'euros à la Sécu selon les calculs du Medef.

A noter toutefois que le paiement des jours de carence par l'employeur n'est pas une pratique systématique dans les entreprises. Dans un rapport dédié à la protection sociale complémentaire d'entreprise, publié par l'Irdes en 2019 sur la base de données collectées en 2017, 63,5% des entreprises privées indemnisent tout ou partie de la carence des arrêts de travail, dont seulement 38% la prennent en charge en totalité.

Encore plus sévère, la CPME propose d'instaurer d'emblée trois jours de carence non rémunérés, ni par la Sécu, ni par l'employeur, sans chiffrer les économies escomptées par une telle mesure. "Notre modèle social est à bout de souffle", affirme l'organisation représentative des petites et moyennes entreprises dans un communiqué diffusé mardi 8 juillet. La CPME s'alarme particulièrement de "l'augmentation spectaculaire des arrêt maladie [...] chez les moins de 30 ans".

D'après le dernier baromètre annuel de l'absentéisme réalisé par Malakoff Humanis et dévoilé le 5 juin, en 2024, 49% des jeunes actifs se sont vu, en effet, prescrire au moins un arrêt de travail, soit sept points de plus que la moyenne des salariés, tous âges confondus. Qui plus est, depuis 2019, le niveau d'absentéisme pour maladie des moins de 30 ans a progressé de trois points alors que celui de l'ensemble des salariés s'est stabilisé à 42%.

Pas de carence payée dès le troisième arrêt de travail de l'année civile

Et ce n'est pas tout concernant la carence. Toujours dans l'optique de lutter contre l'absentéisme dans les entreprises, le Medef propose d'interdire toute rémunération, par les employeurs, de ces jours non indemnisés par la Sécu, à partir du troisième arrêt de travail au cours d'une année civile.

"Pour beaucoup d'entreprise, les arrêts courts et itératifs posent souvent beaucoup de difficultés et sont perturbants en matière d'impacts économiques, a insisté Yves Laqueille, vice-président du Medef et représentant de celui-ci au conseil d'administration de l'Assurance maladie.

"On recense un peu ce qui existe sur les différentes branches professionnelles et vous avez une branche en France - la banque - qui prend en charge le délai de carence sur les deux premiers arrêts de l'année civile, et ne le fait plus sur le troisième arrêt. On se rend compte que les taux d'arrêts de travail sont largement plus maîtrisés dans cette branche que dans d'autres domaines", a-t-il affirmé.

Des indemnités journalières forfaitisées

En plus de la carence, les patrons s'attaquent aussi aux indemnités journalières (IJ), c'est-à-dire les sommes versées par la Sécu aux salariés lorsqu'ils sont en arrêt maladie. Le Medef plaide en effet pour une simplification de leur calcul, qui pourrait générer jusqu'à 150 millions d'euros.

"Les indemnités journalières oscillent aujourd'hui entre 0,5 et 0,7 SMIC", a souligné Yves Laqueille. Constatant cet écart plutôt réduit, l'organisation patronale suggère plutôt de "forfaitiser" le montant des IJ, "par exemple à 0,58 SMIC", alors que le plafond des IJ versées par la Sécu a été abaissé à 1,4 SMIC contre 1,8 auparavant depuis le 1er avril 2025. "Au regard de la complexité" de gestion, "mettre un forfait rendrait les choses plus aisées", a-t-il estimé.

Le Medef met toutefois en garde contre les potentielles "fausses bonnes idées" qui pourraient émerger du gouvernement à partir de cette proposition. "Evidemment il ne faudrait pas que l'Etat impose" un nivellement par le bas à 0,5 Smic, ce qui pénaliserait les salariés n'étant pas couvert par un dispositif complémentaire, du fait notamment leur ancienneté insuffisante, a souligné Yves Laqueille.

Caroline Robin