BFM DICI
bfmdici

Migrants: pourquoi le Refuge solidaire de Briançon déménage?

placeholder video
Le maire LR Arnaud Murgia a refusé de prolonger la convention l'occupation du bâtiment liant l'intercommunalité et l'association qui gère l'accueil des migrants. L'association déménage ce mercredi.

C'est la fin de quatre années d'accueil mais aussi de négociations impossibles. "Le Refuge solidaire" de Briançon, qui accueille depuis quatre ans des milliers de migrants de passage après avoir traversé la frontière franco-italienne, va déménager ce mercredi. L'association éponyme l'a confirmé dans un message publié sur Facebook mardi soir.

"Quatre ans que le refuge est né, qu'il a accueilli, nourri, logé, écouté, soigné près de 15.000 exilés. A Briançon la solidarité a déplacé les montagnes, les bénévoles d'ici et d'ailleurs ont permis à ce lieu d'exister, de vivre. Si les murs pouvaient parler ils raconteraient la solidarité citoyenne, ils diraient la joie, la colère et la tristesse aussi, ils montreraient le monde tel qu'il est..."

"Semi-soulagement" pour les bénévoles

Des dizaines d'exilés vont donc déménager dès aujourd'hui aux Terrasses Solidaires (34 Route de Grenoble), un "tiers-lieu briançonnais dédié à l'accueil et l'intégration de personnes exilées, ainsi qu'à l'économie sociale, solidaire et écologique", comme l'écrit l'association Tous Migrants dans un communiqué de presse.

Le bâtiment, un ancien sanatorium de 1600 m2 vide depuis 2020, a été acquis en juin 2021 grâce à des donations privées et l'apport de plusieurs associations et fonds privés. Les associations (Le Refuge solidaire, Médecins du Monde, Tous Migrants...) vont d'abord s'installer sur les trois premiers étages, mais le bâtiment de six étages nécessite encore des travaux pour se conformer aux normes de sécurité.

Invité de BFM DICI mardi soir, Arnaud Murgia, s'est félicité du déménagement de l'association: "Aujourd'hui, de part cette décision, on se retrouve avec une fondation derrière le Secours catholique et une règlementation qui fixe le nombre de personnes qui peuvent y séjourner. On sera à la fois ferme sur le fonctionnement, et surtout on va mettre un cadre très clair", a-t-il déclaré.

De leur côté, les bénévoles décrivent un "semi-soulagement": "l'ancien lieu n'était pas du tout adapté, surtout avec la crise sanitaire, mais la jauge va être fixée à 50 personnes ce qui est encore insuffisant", explique à BFMTV.com Michel Rousseau, co-président de l'association Tous migrants. "Cette ouverture ne dédouane donc pas l'État de créer des places d’accueil d'urgence à Briançon", conclue le communiqué de l'association.

Une longue bataille avec la mairie

Il y a un an, quasi jour pour jour, le maire LR de Briançon, Arnaud Murgia, avait refusé de prolonger la convention liant la Communauté de communes du Briançonnais (CCB), propriétaire du bâtiment, et l'association du Refuge solidaire, qui y gèrait l'accueil des migrants depuis juillet 2017.

"On m'a laissé un lieu sans aucun contrôle, sans bail, et on ne savait pas qui faisait quoi. Il y a des éléments qui règlementent le nombre de personnes qui doivent y être, tout cela doit être fait par des professionnels", a déclaré le maire de Briançon sur BFM DICI.

En octobre 2020, face à la fronde des associations et d'élus politiques, la mairie avait accordé un sursis de six mois au Refuge solidaire. Une commission composée d’élus et de représentants du refuge avait alors été mise en place pour trouver des solutions. Elle avait un temps pensé à racheter le bâtiment des Hirondelles, ancienne maison d’enfants à Villard-Saint-Pancrace, mais le projet a fini par tomber à l'eau. Le rachat du sanatorium en juin 2020 a donc été un soulagement.

Les Afghans, de plus en plus nombreux

De nombreuses nationalités sont passées par le refuge solidaire ces dernières années, y restant entre 1 et 4 jours pour s'y restaurer, après la périlleuse traversée de la frontière italienne par le col de Montgenèvre (1850 m) ou de l’Échelle (1762 m). Après avoir repris des forces, ils repartent souvent en direction de Paris, du sud, ou de Calais pour tenter la traversée de la Manche vers l'Angleterre.

L'année passée, les Afghans sont devenus la première nationalité parmi les migrants refoulés par la police à la frontière franco-italienne de Montgenèvre, auparavant davantage fréquentée par les migrants venus d'Afrique subsaharienne, indique l'AFP.

Depuis janvier 2021, les Afghans représentent 38% des 1.900 non-admissions à la frontière, les Iraniens 14%, a indiqué la préfecture des Hautes-Alpes. La prise de pouvoir des talibans en Afghanistan devrait continuer à alimenter ce flux. Arnaud Murgia s'en est d'ailleurs inquiété dans une tribune publiée dans Le Figaro: "On a une situation qui sera extrêmement difficile à gérer, qui l'est déjà à nos frontières (...) Ce n'est pas au maire de Brançon, de Menton, aux élus locaux ni aux populations locales de gérer cela. Il y a une responabilité qui est celle de l'Etat", insiste l'élu sur BFM DICI.

Louis Chahuneau