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Meurtre d’Asael Hamdani : au procès, les versions s’entrechoquent mais toujours pas de mobile

Un maillet (photo d'illustration)

Un maillet (photo d'illustration) - Pexels

À la cour d’assises de Gap, le quatrième jour du procès pour le meurtre d’Asael Hamdani a commencé ce jeudi 19 juin. Les témoignages divergent, mais le mobile reste toujours inconnu.

Parmi les quatre accusés, le principal est Ibrahim Koné, un jeune homme de 22 ans, de nationalité italienne. Après la rixe de février 2022 dans le bois de Saint-Mens (Hautes-Alpes), il s’est rendu à la police avec son père pour avouer avoir porté un coup de couteau.

Selon les médecins légistes en charge du dossier, la victime, Asael Hamdani, 27 ans, est morte d’un coup porté au thorax. "La plaie de M. Hamdani, profonde de 8 centimètres, est à l’origine de sa mort", a expliqué le médecin légiste auditionné par la cour.

Des versions qui ne collent pas

Ibrahim Koné affirme avoir agi en légitime défense. Selon lui, il aurait été agressé au pied de son immeuble par quatre jeunes parisiens venus de Briançon.

La partie civile, composée de ces quatre jeunes des Hauts-de-Seine, soutient quant à elle être venue dans la cité pour acheter des stupéfiants avant un road trip. Ils disent avoir croisé M. Koné, qui les aurait insultés.

"Il ressemblait à un dealer, alors on lui a demandé. Il s’est énervé verbalement avant d’appeler des amis", explique un Parisien de 23 ans, blessé de trois coups de couteau lors de la rixe.

Des versions jugées encore floues par la cour. Aucune blessure n’a été constatée sur le corps d’Ibrahim Koné pouvant confirmer un passage à tabac par les quatre Parisiens. Par ailleurs, Ibrahim Koné avait déjà eu des altercations avec un rappeur briançonnais, une connaissance des autres jeunes.

Ce rappeur a été entendu à la barre : "je n’ai envoyé personne taper M. Koné", a-t-il déclaré. Les avocats de la défense insistent toutefois sur la préméditation présumée. "Pourquoi n’avez-vous pas de bagages dans le coffre de votre voiture alors que vous partiez en road trip?", a interrogé l'un d'eux.

"Il était seul, nous étions quatre. Si on avait voulu se battre, on l’aurait fait. C’est lui qui s’est énervé et a appelé ses amis", a conclu le témoin.

Une réalité altérée ?

Les experts psychologues ont dressé le profil d’Ibrahim Koné. "Il m’a dit qu’il s’imaginait brûler dans le coffre d’une voiture en feu", a rapporté Brigitte Font-Le Bret, psychologue qui l’a rencontré en mars 2023.

Dans le box, Ibrahim Koné reste immobile, tête baissée. Les jurés lui jettent des regards furtifs entre deux interventions des experts. "Il avait peur de représailles liées à des altercations sur fond de rap. Il m’a confié que des personnes l’intimidaient depuis un moment", a poursuivi la psychologue.

Le jeune homme consommait régulièrement du cannabis. Une substance qui, selon les experts, peut altérer la perception de la réalité et amplifier certaines émotions. La cour a longuement débattu de l’impact de cette consommation sur l’état mental de l’accusé au moment des faits.

Ibrahim Koné aurait déjà eu plusieurs altercations dans le passé, souvent en lien avec le rap ou des trafics. Le jour des faits, il aurait fumé plusieurs joints. La vue des Parisiens dans son quartier aurait déclenché un fort sentiment d’insécurité.

"Il m’a dit avoir donné des coups de couteau au hasard, par instinct de survie", a expliqué l’expert psychologue. Les altercations répétées, la peur de représailles et la consommation de cannabis pourraient avoir contribué à cette explosion de violence.

Des témoignages émouvants

Le père d’Ibrahim Koné est venu témoigner à la barre sur la personnalité de son fils. "Il a voulu grandir trop vite, faire comme les grands", décrit-il. Les regards de toute la cour sont rivés sur ce père très ému, qui explique, la voix tremblante, avoir reçu un appel de son fils: "c’était un vendredi, j’étais au travail, et mon fils m’a appelé: 'Papa, j’ai besoin de toi'", raconte-t-il.

L’émotion est grande. Le père se tient à la barre, les deux mains accrochées, le dos courbé, la tête baissée sous le poids de l’émotion. "Je lui ai dit qu’il fallait aller à la police", explique-t-il à la cour, après un sanglot.

Parmi les jurés, certains laissent couler quelques larmes. Ibrahim Koné est arrivé d’Italie avec sa famille à l’âge de 13 ans. Il aurait mal supporté ce déracinement. "Ma vie a changé. En Italie, j’avais une maison. En France, j’ai vécu dans un HLM", témoigne-t-il à la barre. Ses parents, très pris par leur travail, étaient souvent absents.

Y avait-il des armes ?

Ibrahim Koné est formel sur sa version : "ils avaient des barres de fer. Ils m’ont tabassé en bas de chez moi", raconte-t-il à la cour. De son côté, la partie civile affirme que les agresseurs avaient des "machettes et des barres de fer".

La voiture des victimes présente d’ailleurs un pare-brise nettement tranché. Un coup qui, selon les experts, atteste de la présence d’un objet tranchant. Le corps de la victime témoigne également de cette violence. Des photos du corps d’Ibrahim Koné ont été projetées à la cour. Son visage est profondément entaillé par un objet tranchant.

Dans son témoignage, l’un des accusés, Mathieu Brunet, déclare n’avoir jamais eu d’armes en main ni avoir vu d’armes dans le camp adverse: "ils avaient peut-être des bâtons et des cailloux, mais pas de barres de fer", assure-t-il. De son côté, dans sa déposition, M. Koné décrit totalement l’inverse: "mes collègues avaient des barres de fer", affirme-t-il.

Martin Van Klaveren avec Julie Benmoussa