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Hautes-Alpes: sur les traces du loup dans le Dévoluy, aux côtés des lieutenants de louveterie

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Huit lieutenants de louveterie ont été appelés dans le Dévoluy il y a quelques jours pour protéger des troupeaux de brebis du loup. BFM DICI les a exceptionnellement suivis dans leur nuit d'observation.

C'est à la tombée de la nuit ce jeudi 12 septembre, que les huit lieutenants de louveterie hauts-alpins sont partis protéger quatre troupeaux de brebis. Durant cette nuit, ils ont opéré dans le Dévoluy, près du village de Villard-Joli. Là-bas, des bêtes ont été attaquées quelques jours plus tôt. Au total, le loup y a fait huit victimes.

Des loups dans les Hautes-Alpes, photographiés par piège photo.
Des loups dans les Hautes-Alpes, photographiés par piège photo. © Lionel Raimbault

"On sait que cette nuit, il n’y aura pas d’attaques. On va dormir sur nos deux oreilles", livre l’éleveur, Louis Patras, président du groupement pastoral de Saint-Disdier, qui laisse donc son troupeau de plus de 150 brebis aux mains des louvetiers.

Les lieutenants se mettent en place: ils forment des équipes de deux, et se partagent le territoire. Tous, sont des bénévoles placés sous l’autorité du préfet dont la mission principale est l’exécution de battues administratives de régulation des animaux sauvages, dans un but de protection des activités humaines. Ils sont les conseillers techniques de l’administration sur les problèmes posés par la gestion de la faune sauvage.

Ce sont des personnes privées, commissionnées et assermentées, collaboratrices de l’administration. Ils peuvent aussi intervenir pour abréger les souffrances des animaux sauvages percutés par des voitures qui seraient blessées, par exemple.

Les lieutenants de louveterie existent depuis l'époque de Charlemagne, en l'an 813. Aujourd'hui, ils doivent tous posséder un permis de chasse depuis au moins cinq ans. Ils sont nommés par le préfet, pour une période de cinq ans.

"Il faut être très patient"

Vers 20 heures, les louvetiers arrivent chacun sur place à bord de leur 4X4. Ils se postent près du troupeau, et l'observe d'un côté puis de l'autre. Une phase qui dure plusieurs heures.

Seul mot d'ordre: ne faire aucun bruit. En se faisant le plus discret possible, ils observent également les animaux sauvages: du gibier, des chevreuils ou encore des lièvres. Un aspect de leur travail qui les passionne.

"Il faut être très patient", confirme Robert, lieutenant de louveterie depuis dix ans. "Ce qui est intéressant, c’est de voir tout ce gibier la nuit. Le voir se déplacer, manger. Voir toutes ces bêtes, du renard, du blaireau, un rat qui s’amuse dans l’herbe."

Les lieutenants possèdent également du matériel thermique leur permettant de mieux voir toute cette faune nocturne. "Chacun est habitué à ses jumelles, moi j’aime les monoculaires", confie Lionel Raimbault. "C’est bien d’être habitué pour pouvoir différencier les espèces."

Du matériel utilisé par les lieutenants de louveterie dans les Hautes-Alpes.
Du matériel utilisé par les lieutenants de louveterie dans les Hautes-Alpes. © BFM DICI

Autre équipement: une carabine 7x64 avec viseur thermique qui leur permet de tirer la nuit, afin de si besoin tuer un loup. Selon ces experts, le plus difficile est de savoir différencier le canidé des autres espèces. "C’est l’expérience qui fait que l’on y arrive. Je fais une cinquantaine de nuits dans l’année, en début de saison, on n’a pas forcément l’œil. Mais après, on les voit tout de suite arriver", explique Robert.

En plus d'apprendre à se positionner par rapport au vent, les louvetiers apprennent également à connaître le loup, animal très intelligent. "Il est capable d’arriver de n’importe où", assure Lionel.

19 loups prélevés dans les Hautes-Alpes en 2023

Néanmoins, tous les lieutenants n'ont pas prélevé un loup. C'est une pratique qui reste rare: s'ils effectuent 40 à 60 sorties chacun par an, les louvetiers ne prélèvent qu'un ou deux animaux.

Au niveau des Hautes-Alpes, 815 sorties ont été effectués en 2023 par l'ensemble des 25 lieutenants du département. Au total, 19 loups avaient été prélevés par les louvetiers l'an dernier.

Durant cette soirée de septembre, les louvetiers sont restés trois heures et demie à attendre, tous dans leur secteur. Mais le loup n'aura pas pointé le bout de son nez. "Notre mission est réussie, on a protégé le troupeau", se félicite Michel Bertoli. En dix ans de carrière, Michel a prélevé six loups.

Les huit louvetiers, devenus amis, se sont finalement dit au revoir, avec un sentiment d'un devoir bien accompli et une belle part de tarte. Les bénévoles partent se reposer avant de reprendre le chemin de leurs travails respectifs le lendemain.

Cette année, 11 loups ont d'ores et déjà été prélevés depuis le début de 2024. À la même époque l'an dernier, les lieutenants avaient prélevé 10 loups.

Fanny Pechiney