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Hautes-Alpes: le "sang des glaciers" sous le microscope des chercheurs au col du Lautaret

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Trois scientifiques de l'université de Grenoble ont inspecté ce mardi les traces rouges qui tachettent la neige du massif montagneux. Ils s'interrogent sur le lien entre la prolifération de ces microalgues et le réchauffement climatique.

Les rubans de signalisation installés entre des piquets pour baliser la zone et les fines couches rouges-rosées qui tachettent la neige pourraient donner l'impression d'une scène de crime à 2350 mètres d'altitude. Il n'en est rien. Le dispositif a été installé ce mardi sur le col du Lautaret (Hautes-Alpes) par des chercheurs de l'université de Grenoble. Leur objet d'étude est encore aujourd'hui méconnu: le "sang des glaciers".

Éric Maréchal, directeur de recherche, et ses deux collègues ont déchaussé les skis, planté les bâtons et se sont agenouillés pour observer de plus près ces plaques colorées. Il s'agit en réalité non pas de sang mais de microalgues, de type Sanguina.

"C'est comme des petites cellules microscopiques qui s'agglomèrent et qui sont très, très nombreuses. Si nombreuses qu'elles colorent la neige en rouge comme on le voit autour de nous", déroule Éric Maréchal, microscope à portée de main.

Le rôle du CO2 présent dans l'atmosphère

L'expérience menée par les trois chercheurs vise à mieux comprendre pourquoi ces microalgues tendent à se multiplier sur les neiges des plus hauts massifs quand l'été approche.

"On essaie de savoir si le fait qu'on en voit plus souvent est en effet lié au réchauffement climatique. Mais c'est aussi pour comprendre l'impact sur la neige", résume le directeur de recherche.

Pour ce faire, les scientifiques créent des conditions fictives de réchauffement climatique à l'aide de sprays et réalisent des prélèvements.

Éric Maréchal, auteur d'une étude sur le sujet publiée l'été dernier, avait déjà constaté une propagation des microalgues "grâce au CO2 présent dans l'atmosphère".

"Crème solaire"

"Elles s'en nourrissent. Et la hausse des émissions de dioxyde de carbone liée aux activités humaines nous permet de penser que l'intensification de ce phénomène observé ces dernières années est un marqueur du réchauffement climatique", avait-il détaillé à L'Express.

Selon le scientifique, "si ce phénomène est visible au début de l'été, c'est parce qu'à partir du mois de mai, ces microalgues se fabriquent un bouclier de molécules rouges jouant le rôle de crème solaire. Cela coïncide avec le moment où elles se multiplient et offrent des paysages surréalistes sur les sommets".

Doit-on craindre la propagation de ces microalgues? Éric Maréchal n'a jusqu'ici constaté aucun effet néfaste. Cependant, son impact sur les glaciers n'est pas nul: "La neige réfléchit moins le rayonnement solaire, donc elle chauffe et fond plus rapidement", pointe le chercheur auprès de nos confrères.

Après étude des prélèvements du jour, Éric Maréchal et ses homologues chercheurs reviendront au col du Lautaret à la fin du mois de mai ou au début du mois de juin pour réaliser de nouvelles observations.

Jérémie Cazaux avec Florian Bouhot