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Gap: le témoignage de Mary, mère de famille nigériane, qui a échappé de peu à son expulsion

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Mary, une femme nigériane sous le coup d'une OQTF, a failli être expulsée de la France alors que ses deux enfants étaient restés seuls à Gap. Elle partage son témoignage avec une forte émotion auprès de BFM DICI. 

Assise sur un banc d'un square gapençais, Mary a le visage inondé de larmes. Elle revit sa journée du jeudi 13 juin, peut-être la pire journée de la vie de cette mère de famille de 29 ans.

Arrivée en France il y a 8 ans comme étudiante, Mary Oderinde Olamide est pourtant sous le coup d'une obligation de quitter le territoire (OQTF) depuis 2020. Enceinte, en plein confinement, elle n'avait pas pu renouveler son titre de séjour, qu'elle n'a pu obtenir de nouveau par la suite.

"Ils m'ont accroché les mains dans le dos"

Depuis, elle vit avec une épée de Damoclès au-dessus de sa tête: être renvoyée au Nigeria. Une situation qu'elle n'envisageait pas, puisque ses deux enfants, âgés de 4 et 7 ans, sont nés en France et y sont scolarisés. Mais jeudi, elle a bien cru devoir les laisser derrière elle.

Ce jour-là, convoquée au commissariat à 7h du matin, au lieu de 10h habituellement, elle comprend que quelque chose cloche. Elle traverse néanmoins à pied la ville endormie pour arriver à l'heure dite, "6h56", tient-elle à préciser.  

Elle raconte avoir alors été enfermée dans une pièce et privée de son passeport avant d'être emmenée menottée en direction de Marignane. De source proche du dossier, elle aurait réagi avec virulence à l'annonce de son expulsion, sans toutefois se montrer violente envers les policiers.

Pour Mary, qui n'a jamais eu affaire à la police autrement qu'en pointant chaque jour au commissariat, c'est un choc immense.

"Le policier m'a dit que je n'avais pas le choix, que je partais immédiatement", raconte-t-elle, en sanglots. "Ils m'ont accroché les mains dans le dos, comme une criminelle. Puis ils m'ont emmené en avion jusqu'à Paris."

La crainte d'être arrêtée

Pendant tout ce temps, la jeune femme ne pense qu'à ses enfants. "Je leur ai dit 's'il vous plaît, j'ai les enfants à la maison, qui dorment'". Finalement, elle n'embraquera jamais dans l'avion qui doit l'emmener sur le continent africain. Face à la situation confuse, notamment avec ses enfants, elle est remise en liberté et parvient à rallier Gap.

Mais une semaine plus tard, elle reste traumatisée. Elle raconte ne plus arriver à manger, elle décrit les nuits d'angoisse où chaque nuit elle craint d'être à nouveau arrêtée et expulsée, pour de bon cette fois.

Pour son avocat, maître Kader Sebbar, la période électorale a favorisé cette expulsion avortée. Pour lui, c'est certain: "On fait de l'étranger, du migrant, un argument électoraliste, et c'est absolument scandaleux."

"Le préfet a privilégié son intérêt personnel plutôt que l'intérêt supérieur d'une famille. Il a pris cette décision pour flagorner devant le futur ministre de l'Intérieur, pour dire 'vous voyez, j'ai reconduit à la frontière une mère de famille'", ajoute-t-il.

La préfecture se défend

L'avocat réclame désormais la régularisation pour cette famille. Mary continue de prendre des cours de français et clame sa volonté de s'intégrer. Elle accompagne régulièrement les sorties scolaires de ses enfants et espère un jour pouvoir exercer comme auxiliaire de vie.

Contactée, la préfecture des Hautes-Alpes a déclaré à BFM DICI: "Madame Oderinde a fait l’objet d’une première obligation de quitter le territoire français (OQTF) en 2020, du fait de sa présence irrégulière sur le territoire national. Elle n'a pas exécuté cette OQTF."

"En conséquence, après un nouvel examen de sa situation, une seconde OQTF lui a été notifiée le 7 mai 2024, assortie d’une assignation à résidence en vue de son éloignement vers son pays d’origine, le Nigéria", termine la préfecture.

Ugo Marseille