Gap: au procès de la SPA Sud-Alpine, de bonnes intentions mais des actions illégales

Un chien dans un refuge de la SPA à Gennevilliers, en 2007 - Martin Bureau-AFP
Elles sont apparues un peu perdues sur le banc des prévenues. Trois anciennes bénévoles de la SPA Sud-Alpine et la présidente de l'association comparaissaient pour la première fois devant un tribunal ce jeudi 25 septembre, poursuivies pour des faits graves de vol et d'extorsion d'animaux notamment. Elles ont subi près de cinq heures d'audiences, rythmées par le feu roulant des questions à leur encontre, notamment des avocats des parties civiles.
"Vous n'avez aucun pouvoir"
Au fil des échanges, c'est un système illégal, mais que les prévenues ont ressenti comme légitime, qui est apparu. Lors de certaines interventions après des signalements pour mauvais traitements sur des animaux, les bénévoles arrivaient en tenue noire, régulièrement appuyées par les forces de l'ordre, pour contrôler la situation, et au besoin récupérer les animaux. C'est là que le bât blesse.
Les bénévoles l'assurent, lors des interventions chez des particuliers, lorsqu'elles énonçaient les risques pénaux encourus si la situation des animaux ne s'arrangeait pas, c'était uniquement "à but informatif". Les parties civiles n'ont pas eu la même interprétation, dénonçant des pressions et des menaces qui ont poussé certains propriétaires à céder leurs animaux à l'association.
"Je m'étonne que les forces de l'ordre vous aient accompagné hors de tout cadre légal", a relevé Me Henderycksen, avocat des parties civiles. Ajoutant: "Vous êtes une association loi 1901, vous n'avez aucun pouvoir, ni d'enquête ni rien".
Un glissement vers des interventions plus dures
Car au fil du temps, les choses ont dérapé, les interventions se sont durcies. Equipées de caméra GoPro, les jeunes femmes filmaient leurs interventions. "Au départ, on voulait accompagner les personnes", analyse Lucie L., une des bénévoles, à la barre. "On est passées, à mon sens, sur un groupe répressif. À un moment ça ne me semblait plus être en accord avec un accompagnement des personnes". "Je conçois qu'il y a un problème", admet Fanny L. "J'étais la responsable du refuge, certes, mais j'ai beaucoup laissé faire".
Et il y a une coupable toute désignée derrière la dérive de ce groupe. Joanna T. est qualifiée de moteur du groupe, accusée d'avoir exercé une forme d'emprise sur ses camarades. "Au fil du temps, (Fanny L.) et moi-même avons été dépassées", expose Lucie L.
A la barre, Joanna T. ne se défile pas, encaisse les questions et maintient son cap. Si elle reconnait que les interventions pouvaient être impressionnantes pour les personnes visées, elle conteste avoir exercé des pressions volontaires et explique avoir toujours agi pour le bien des animaux. Au mépris de sa santé mentale, face aux scènes parfois difficiles.
Jusqu'à 18 mois de prison requis
"C'est une activité qui ne devrait pas être exercée sans formation et sans accompagnement", dit-elle au tribunal. "Il y a des interventions qui m'ont marquée à vie. J'ai des remords. Je ne pouvais plus faire face à ces situations".
A son tour, la procureure de la République se lève. "Les faits sont extrêmement complexes", commence-t-elle prudemment. "Il faut essayer de comprendre les motivations des personnes".
Dans son réquisitoire, elle rejoint l'idée d'un glissement. "C'est un peu la chronique d'une dérive. On a des personnes qui pensent agir pour l'intérêt général. Mais cette dérive a mené à des infractions pénales. Il n'y avait pas de cadre légal", appuie-t-elle.
Elle requiert 18 mois de prison avec sursis à l'encontre de Joanna T., huit mois contre Fanny L. et quatre contre Lucie L.. Enfin, elle demande 3.000 euros d'amende contre la SPA Sud-Alpine pour l'émission d'une fausse facture.
Le jugement doit être rendu le 13 novembre à 13h30.