PIERRE-OSCAR BRUNET / BFMTV
Émile, 1 an après (2/5): sa famille, un clan discret et soudé
"Tout le monde se met dans la configuration et on essaye de comprendre ce qui a pu se passer puisqu'il était sous la surveillance de ses grands-parents. Il échappe à la surveillance de ses grands-parents et en fait il se volatilise." Pauline Revenaz est la cheffe du service police-justice de BFMTV. Elle travaille depuis le début sur l’affaire de la disparition puis de la mort du petit Émile, 2 ans et demi, dans les Alpes-de-Haute-Provence.
Elle raconte dans la nouvelle série originale de podcasts de BFMTV, "Émile, l’impasse du Haut-Vernet" les coulisses de son travail pour couvrir l'affaire avec Valentin Doyen, chef du bureau de BFM DICI, et Boris Kharlamoff, reporter de BFMTV.
"Plus de monde que prévu"
Émile est le fils de Colomban et Marie. Le couple, âgé d'une vingtaine d’années, vit à la Bouilladisse dans les Bouches-du-Rhône. Le samedi 8 juillet 2023, le petit garçon passe les vacances chez ses grands-parents, Philippe et Anne, les parents de Marie, dans leur maison du Haut-Vernet.
Au cours de l'après-midi, aux alentours de 17, il échappe à la surveillance de ses grands-parents. Après sa sieste, il sort du jardin, pendant que son grand-père est en train de charger des palissades dans sa voiture. Ce dernier veut construire un enclos pour ses chevaux.
"Mais ce qui est assez curieux, c'est qu'au début, on croit qu'il est seul avec eux", explique Pauline Revenaz. "Et puis, au fur et à mesure des heures d'enquête, on se rend compte que dans cette maison, finalement, il y avait plus de monde que prévu. Il y avait des oncles et tantes, il y avait des petits cousins..."
"On a vraiment travaillé plutôt sur la composition de la fratrie", poursuit la cheffe du service police justice de BFMTV. "On a découvert par exemple qu’Émile avait une petite sœur, ce qu'on ne savait pas au départ, que ses parents étaient très jeunes, mais qu'en fait, la famille était surtout gérée par le grand-père et la grand-mère. En l'occurrence surtout le grand-père. Il y avait une sorte de patriarcat dans cette famille."
Une famille discrète et soudée
Qui est la famille d'Émile? "Lorsqu’on s'intéresse à eux, on sait qu'elle est très discrète, très soudée, une grande famille qui a ses habitudes au Haut-Vernet depuis de très nombreuses années, depuis plusieurs décennies", complète Valentin Doyen, chef du bureau de BFM DICI, la chaîne locale de BFM dans les Alpes du Sud.
À ce jour, Colomban et Marie n'ont répondu qu'aux questions d'un seul média: Famille chrétienne, un hebdomadaire catholique qu'ils apprécient. C'est eux-mêmes qui ont téléphoné à Samuel Pruvot, le rédacteur en chef, pour pouvoir prendre la parole. "C’était juste avant un repas familial et je reçois un coup de fil d’un 06 que j’ignore", se souvient ce dernier. Je réponds et j’ai au téléphone la maman du petit Émile. Au départ je me demande si c’est une blague, un canular."
"Elle explique en deux mots: 'Nous avons gardé le silence par choix. C’est un silence qui est difficile pour nous mais qui est voulu. On ne veut pas être médiatisés parce que c’est terrible pour nous d’être au centre de toutes les attentions médiatiques et donc on veut vous solliciter. Est-ce que vous seriez d’accord pour qu’on puisse, ensemble, vous donner notre version des faits?'"
Samuel Pruvot se rend alors dans la maison des grands-parents, au Haut-Vernet: "Je pédale intérieurement. Je me dis que je ne comprends pas bien qui sont ces gens. Je ne sais pas trop comment je vais les interroger parce que j'ai l'impression que chaque question, c'est un peu comme si je posais un geste médical inapproprié et que je fais mal à quelqu'un qui a plusieurs plaies en fait. Je ne sais pas comment faire."
S’ils donnent une interview à Famille chrétienne c’est parce que, comme Colomban le dit: "Nous cherchions un média grand public qui soit aussi capable de comprendre nos motivations de parents chrétiens."
"Un passé politique"
Colomban et Marie sont "des jeunes gens qui ont été parents de bonne heure, se sont mariés de bonne heure, ont eu un passé politique et ont fait partie d'un groupuscule d'extrême droite s'appelant Bastion social, assez répandu dans le sud de la France et dans la région lyonnaise aussi", rapporte Valentin Doyen.
Avant de préciser: "Bastion social est un groupuscule qui a été dissous à l'époque où Christophe Castaner était ministre de l'Intérieur, sur ordre du président de la République, Emmanuel Macron. Colomban a été cité dans une affaire judiciaire et accusé d'avoir participé à une agression raciste à Aix-en-Provence, lors justement d'un rassemblement du groupuscule, il y a quelques années de cela. Il est passé au tribunal et il a été acquitté."
"Il a fallu beaucoup d’inhumanité à certains pour se moquer de la disparition d’Émile, et pour d’autres s’en réjouir sur les réseaux dits sociaux à cause de nos opinions réelles ou supposées", réagit Colomban dans Famille chrétienne.
"On a aussi largement commenté notre adhésion à un mouvement où nous avons fait en effet un bref passage, avant de le quitter car il ne correspondait pas à nos convictions catholiques", répond le père. "Sans jamais y avoir commis quoi que ce soit de répréhensible – comme certains aiment à le faire croire. Mais ce qui est incroyable, c’est que tout cela relevait de notre vie privée, alors que seule comptait la disparition d’Émile. "Ces informations ont été révélées et exploitées pour nous salir."
Le poison de la rumeur
Quant au grand-père, "dans le village, cinq, six personnes nous disent la même chose, qu'il est autoritaire, qu'il a la main facile", raconte Boris Kharlamoff. "Cinq, six personnes, ça fait beaucoup. Surtout qu'à première vue, elles n'ont pas de lien entre elles. Donc on se dit mais d'où vient cette rumeur? On va se pencher sur ça. Mais ça fait partie de pistes multiples et il n'y a pas d'éléments probants sur l'implication de la famille."
Pauline Revenaz se rappelle que la rédaction s'est posée "beaucoup de questions autour du grand-père": "Il n'est pas exclu que les enquêteurs aient réfléchi un moment à le mettre en garde à vue. Ce qu'ils n'ont pas fait. Mais en tout cas, il a été auditionné plusieurs fois. Et c'est vrai qu'il y avait beaucoup de questions qui gravitaient autour de lui."
Auprès de Famille chrétienne, Philippe, le grand-père, affirme que "tout est faux". "Mais je m’en moque", ajoute-t-il. "La presse nous fait du mal, mais les gens autour de nous sont vraiment extraordinaires! La preuve que Dieu existe, c’est la bonté qui nous est témoignée chaque jour."
Dans l’interview à Famille chrétienne, Marie, la maman d’Émile raconte comment leur famille, leur clan tente de rester uni: "Face au drame, nous sommes restés soudés avec nos familles et amis. Tous les cercles ont répondu: professionnel, amical ; des villageois, des inconnus, sans considération d’origine, d’opinion ou de religion…"
La veille de l'anniversaire de leur enfant, ses parents diffusent un message audio dans lequel ils disent vivre entre "l’espoir et l’abattement". Ils reçoivent aussi de l'aide. Notamment de radiethésistes, des personnes affirmant avoir une sensibilité hypothétique des êtres vivants, à certaines radiations, connues ou inconnues.
Est-ce que la clé de l'énigme se trouve ailleurs? Si la rumeur s’est d’abord jetée sur la famille, elle ne va pas tarder à plonger le village dans l’ombre du soupçon. "Ça relance comme dans tous les villages certaines rancœurs qui ont existé", conclut Valentin Doyen.
"Émile, l'impasse du Haut-Vernet": une nouvelle série originale de podcasts en 5 épisodes pour revenir sur le mystère judiciaire qui a agité la France. Un récit enrichi d’entretiens croisés avec la participation des journalistes de BFMTV Pauline Revenaz, Boris Kharlamoff, Maxime Brandstaetter et de Valentin Doyen, chef de bureau de BFM DICI. Ils racontent les coulisses de leur travail et la façon dont ils ont suivi cette histoire hors normes.