Château-Arnoux-Saint-Auban: un accident industriel a libéré 18 tonnes de gaz cancérigène en janvier 2024

L'usine chimique Kem One à Saint-Auban dans les Alpes-de-Haute-Provence en avril 2025 - BFM DICI
Leader européen de la production de plastique PVC, Kem One garde toujours le silence, 15 mois après l'accident industriel survenu dans son usine de Château-Arnoux-Saint-Auban( Alpes-de-Haute-Provence). Jusqu'à présent, aucune communication n'avait été faite de la part de la préfecture des Alpes-de-Haute-Provence ni même du géant de la chimie.
Ce vendredi 4 avril, nos confrères de La Provence ont rapporté qu'ne enquête a été ouverte et que deux associations viennent de déposer plainte.
Le 25 janvier 2024, près de 18 tonnes de chlorure de vinyle monomère (CVM), un gaz utilisé pour la production du polychlorure de vinyle (PVC), ont été libérées dans l'air.
Ce gaz indolore et incolore est un agent cancérigène certain pour l’Homme selon le centre international de recherche sur le cancer (CIRC) lorsqu'il est respiré à forte dose. Toutefois, les seuils atteints n'ont pas été jugés toxiques.
L'erreur humaine de sous-traitants
Le gaz a fuité depuis l'un des réacteurs du site industriel après une opération de maintenance réalisée par l'un des sous-traitants du groupe chimique. "L'équipe est intervenue sur le mauvais réacteur qui était en début de cycle et chargé en CVM. Il s'agissait de deux employés d'une société extérieure", confie à BFM DICI l'un des membres du syndicat CGT.
Si des mesures de protection comme des rideaux d'eaux ont rapidement été mises en place, quatre employés de l'usine ont également été exposés à ce gaz cancérigène.
"Le nuage s'est propagé. Quand il y a eu l'alerte, tout le monde est parti se confiner dans les salles de rassemblement. Nous, on a vu que quatre salariés situés à 800 mètres de l'incident ont été exposés. Ce jour-là, ils portaient des badges qui permettent de détecter une forte exposition au gaz", explique Julien Amaudric, rapporteur de la commission santé, sécurité et conditions de travail sur le site voisin d'Arkema.
Trois visites de la police de l'environnement
Dès qu'elle a eu connaissance des faits, la police de l'environnement est rapidement intervenue et a mené sur site trois visites.
"Une première inspection le jour même de l'accident pour évaluer les conséquences humaines, matérielles et environnementales. Une deuxième le 27 février 2024 pour contrôler l'organisation de l'exploitant dans la maîtrise de ses procédés", a écrit à BFM DICI la préfecture des Alpes-de-Haute-Provence.
"Une troisième [a eu lieu] le 5 septembre 2024, conjointement avec l'Inspection du travail, pour vérifier les mesures de maîtrise du risque accidentel mises en œuvre par l'exploitant. Des mesures administratives ont été prises, imposant à l'exploitant la réalisation d'actions correctives", ajoutent les services de l'État.
Pas de toxicité avérée
Selon une étude réalisée, les seuils de toxicité pour l'homme n'auraient pas été atteints. Elle "a conclu que les concentrations auxquelles ont pu être exposés les riverains situés hors du périmètre de la plateforme industrielle étaient significativement inférieures aux valeurs toxiques de référence aiguës (de l'ordre de 3 mg/m³ au niveau des premières habitations)", signale la préfecture.
La représentation de l'État dans les Alpes-de-Haute-Provence rappelle que le seuil accidentel de référence le plus bas pour le chlorure de vinyle monomère est de 670 mg/m³.
Lorsqu'il atteint ce niveau, les personnes en contact manifestent "un inconfort notable, une irritation ou certains effets non-sensoriels asymptomatiques".
Un manque de communication assumé
Concernant l'absence d'informations pour les habitants, la préfecture explique qu'"en l'absence de détection significative au-delà des rideaux d'eau, sur site, il n'est pas apparu nécessaire d’alerter la population", indique-t-elle.
Pas de quoi pour autant rassurer les habitants de la commune et du Val de Durance quant aux effets de cet accident industriel sur leur santé. Depuis la révélation de cet accident, la mairie reçoit de nombreux appels de personnes se posant des questions.
"Les habitants sont très inquiets. Ils veulent des explications. Tout le monde découvre ce problème aujourd'hui. On peut regretter que les choses n'aient pas été faites comme il faut. Cela crée de la suspicion. Je ne comprends pas pourquoi le maire n'a pas été informé", regrette René Villard, le maire de Château-Arnoux-Saint Auban.
"Si on l'avait su, on aurait pu demander à la population de se confiner. Je souhaite désormais une réunion avec tous les acteurs pour que cela ne se reproduise plus. J'ai d'ailleurs pris contact avec le directeur de l'usine et le préfet", poursuit l'édile.
La CGT demande plus de sécurité
La CGT de la plateforme de Saint-Auban réclame également une meilleure transparence. "On a échangé avec la direction. Il y a eu des avancées. Plusieurs choses ont été mises en place comme des cadenas à certains endroits afin d'éviter de répandre des produits ou de toucher les réacteurs. On a travaillé sur des codes couleurs pour ne plus se tromper de réacteurs", énumère Fabrice Daumas, élu CSE à Kem One.
Une commission santé, sécurité et conditions de travail élargie devrait prochainement être mise en place. "Cela n'existe pas encore. L'idée est de rassembler tous les acteurs autour de la table pour une vraie transparence, pour rassurer les habitants. On souhaite un vrai lien entre les deux entités que sont Kem One et Arkema", insiste Julien Amaudric.

Une enquête en cours et des plaintes
Le syndicat CGT réclame par ailleurs davantage de moyens pour former les nouveaux arrivants ou encore le recrutement de préventeurs supplémentaires sur le site.
Toujours selon La Provence, plusieurs associations environnementales comme la FNE04 (France Nature Environnement) ont porté plainte. Une enquête, menée par la gendarmerie avec l'appui de l'Unité interdépartementale de la DREAL (Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement), est quant à elle toujours en cours.