BFM DICI
Alpes du Sud

Un legs de 17 millions d'euros au diocèse de Gap remis en cause dix ans plus tard

placeholder video
À la mort de Blanche Laurens, cette nonagénaire a inscrit dans son testament le diocèse de Gap comme seul légataire au détriment de sa famille. Dix ans plus tard, sa nièce a déposé plainte et accuse le diocèse d'abus de faiblesse.

L'association diocésaine de Gap est sous le feu des projecteurs, plus de dix ans après avoir reçu un legs de plus de 17 millions d'euros. Un héritage au montant incroyable, provenant d'une nonagénaire sans enfant. Toutefois, la légitimité du testament est contestée depuis un an par la nièce de la défunte, comme le révèle une enquête de Libération.

En 2013, Blanche Laurens, fille d’un riche expatrié colombien, meurt à l'âge de 91 ans. Sans descendance directe et à la tête d'un large patrimoine immobilier, elle destinait son héritage à sa nièce, Isabelle Laurens. Pourtant, c'est bel et bien le diocèse de Gap qui s'est vu attribuer les 17 millions d'euros d'héritage.

Auparavant, un legs de 150.000 euros était prévu pour l'entretien du caveau familial situé à Ristolas, dans les Hautes-Alpes. Mais le testament de Blanche Laurens, daté du 7 juin 2012 et dicté sept mois avant sa mort, fait de l'association diocésaine la légataire universelle. Seule consigne: remettre la moitié de son patrimoine au diocèse de Paris.

"Madame Laurens était en situation de démence"

Un changement de dernière minute plus qu'invraisemblable pour Isabelle Laurens, qui a déposé plainte en juillet 2024 pour "abus de faiblesse, faux, escroquerie et vols".

"C'est impossible que ce legs ait été fait par ma tante pour les associations diocésaines de Gap et d'Embrun", insiste-t-elle sur l'antenne de BFM DICI. "Ma tante n'a jamais de sa vie émis le souhait de léguer son patrimoine à un quelconque diocèse."

Sa plainte reçue par le procureur de Paris qui a ouvert une enquête préliminaire, nous confirme à son tour son avocat Maître Christophe Ayela. Pour ce dernier, il est évident que Blanche Laurens n'était pas en capacité à l'époque de dicter la rédaction d'un tel testament. Il évoque "une situation de faiblesse psychologique et physique indiscutable".

"Les médecins de l'époque, déjà deux ans avant et à deux reprises, ont diagnostiqué que Madame Laurens était en situation de démence préfrontale."

Et d'ajouter: "le jour où elle a soit disant dicté un testament à l'insu de sa famille, conduite par un avocat qui l'aurait incité à faire cela, et qui aurait presque tenu sa main ce jour-là, évidemment qu'à ce moment-là tout le monde savait que cette dame n'avait pas la capacité de décider de choses aussi graves que ça."

"Le diocèse n'a strictement rien à se reprocher"

Monseigneur Di Falco est directement pointé du doigt par la nièce de la défunte. À cette époque, l'évêque dirigeait le diocèse de Gap et d'Embrun.

Après ce legs important, plusieurs travaux d'envergure ont été entrepris par le diocèse, notamment la rénovation du centre diocésain Pape-François à Gap. Le centre épiscopal et la maison personnelle de Monseigneur Di Falco seraient également concernés par des travaux financés par cet argent.

La nièce de Blanche Laurens indique s'être rendu à Ristolas en 2019 pour se recueillir sur le caveau familial dont une partie du legs initiale devait être consacré à son entretien. "Le diocèse n'avait même pas pris la peine d'inscrire sur la plaque le nom de ma tante, ni la date de naissance, ni la date de son décès. J'ai été scandalisée", déplore-t-elle.

Contacté par BFM DICI, l'évêque conteste les accusations d'Isabelle Laurens.

"Le diocèse n'a strictement rien à se reprocher", assure-t-il. "Nous avons eu ce legs de manière tout à fait régulière. Tout ça est maintenant dans les mains de mon avocat et de l'avocat du diocèse de Gap."

Il précise "ne même pas connaître" Blanche Laurens, ce que confirme sa nièce. "Notre famille n'a jamais fréquenté le diocèse de Gap, nous ne l'avons jamais rencontré."

La réponse de l'évêque reste insuffisante pour l'avocat d'Isabelle Laurens. "C'est écœurant de voir qu'aujourd'hui, tout le monde se défile", déclare-t-il sur BFM DICI. "On se renvoie la patate chaude. (...) Au lieu de faire un mea culpa et d'essayer de réparer le mal qui a été fait, aujourd'hui ces gens-là persistent et signent."

La nièce de Blanche Laurens et ses proches espèrent un renvoi au tribunal et une condamnation des personnes suspectées d'avoir abusé de la faiblesse de la nonagénaire. "L'objectif, c'est de laver l'honneur de la famille", tranche Isabelle.

Juliette Moreau Alvarez