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Voiture électrique: pourquoi le superbonus de Joe Biden suscite (entre autres) la colère de Tesla, Mercedes et même du Canada

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Dans le nouveau projet d’aide à l’achat de voitures électriques, une partie de la subvention est directement attachée au caractère "made in USA" de la voiture.

Toyota, Tesla, les marques allemandes, mais aussi le Canada. Le projet de superbonus de l’administration Biden suscite depuis plusieurs semaines des deux côtés de l’Atlantique comme du Pacifique des réactions courroucées. Il faut dire qu’en envisageant de n’accorder la totalité de ce superbonus à l’achat qu’aux véhicules électriques et hybrides rechargeables produits aux Etats-Unis par des salariés qui peuvent se syndiquer, Joe Biden est en passe de redessiner la géopolitique de l’automobile et surtout du protectionnisme américain.

12.500 dollars dont 4500 dollars liés à la syndicalisation des salariés

Comme le précisent Les Echos, le nouveau bonus proposé par les démocrates peut atteindre 12.500 dollars. Mais cette somme rondelette ne pourrait être atteinte qu’en achetant une voiture dont la batterie est fabriquée aux Etats-Unis (500 dollars d’aide), et surtout si ladite voiture est assemblée dans une usine qui dispose d’un accord collectif, donc offre la possibilité aux salariés de se syndiquer. Pour les autres modèles, le bonus se limite donc à 7500 dollars.

Cette nouvelle réglementation favoriserait de facto les "Big Three" (Ford General Motors et Stellantis via ses usines Jeep et Chrysler aux Etats-Unis), dont les salariés sont fortement syndiqués. Elle pénaliserait en revanche les constructeurs étrangers qui produisent hors des Etats-Unis, notamment au Canada et au Mexique, pourtant partenaires privilégiés des Etats-Unis via un accord de libre-échange dans l’automobile.

Elle pénaliserait aussi les constructeurs qui produisent aux Etats-Unis mais dont les ouvriers ne sont pas syndiqués, car les usines sont localisées dans les Etats du Sud. Une situation qui pénalise Volkswagen, BMW ou encore Mercedes.

"Nous sommes aussi une entreprise américaine", rappelle Ola Källenius de Mercedes

Dans le Financial Times ce samedi, le directeur général de Daimler Ola Källenius s’est indigné de cette nouvelle réglementation. "L’économie de marché fonctionne mieux lorsque vous avez des règles claires, et les mêmes règles pour tous les acteurs du marché, des règles du jeu équitables", s’est-il indigné. Avant de jouer la carte de l’emploi:

"Je tiens à rappeler que chez Mercedes-Benz et Daimler Truck, nous employons 22.000 personnes aux Etats-Unis […] et si vous prenez en compte tous les fournisseurs qui travaillent pour nous, ce sont des dizaines de milliers d’emplois qui y sont liés, donc nous sommes aussi une entreprise américaine".

Dans une lettre signée de sa vice-Première ministre Chrystia Freeland et de la ministre du Commerce Mary Ng, le Canada a de son côté vendredi annoncé son intention d’instaurer des tarifs douaniers sur certains produits américains, si la loi était votée. Comme le rappelle le FT, la Commission européenne avait alerté dès octobre les sénateurs sur ce projet, dont le résultat est une "discrimination injustifiée à l’encontre des constructeurs de voitures et de composants automobiles de l’Union européenne"

Le projet américain équivaut "à un tarif de 34% sur les véhicules électriques assemblés au Canada", estime Ottawa, cité par l’AFP. "Les mesures de rétorsion que nous proposons s'étendront à d'autres secteurs que celui de l'automobile", préviennent Chrystia Freeland et Mary Ng, qui précisent que le Canada va clairement indiquer "quelles entreprises et quels travailleurs américains seront touchés".

Toyota était aussi monté au créneau dès début novembre, avançant que ce nouveau bonus ne soutiendrait en rien l’essor du véhicule électrique, en limitant le montant des aides à certains modèles. Pour Toyota, cette législation considère comme "secondaire" la hausse des ventes de voitures électriques par rapport à "la promotion de la syndicalisation des salariés".

Ni les constructeurs allemands, ni Tesla

Les constructeurs allemands et japonais sont rejoints dans leurs critiques par un allié paradoxal: Elon Musk. Tesla ne compte en effet pas de syndicats dans ses usines, et ses véhicules ne pourraient donc pas bénéficier du superbonus.

Elon Musk a aussi critiqué vertement ce projet démocrate. "Il serait préférable que le plan ne passe pas", a résumé Elon Musk dans un évènement organisé il y a une semaine par le Wall Street Journal. De quoi tendre encore un peu plus des relations déjà peu cordiales entre le milliardaire et le nouveau locataire de la Maison-Blanche. Début novembre, Elon Musk avait dans un tweet comparé Joe Biden à une marionnette de l’United Auto Workers, l’un des principaux syndicats du secteur.

Pauline Ducamp
https://twitter.com/PaulineDucamp Pauline Ducamp Rédactrice en chef adjointe web