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Mort de Lina: premières fouilles, témoins, suspects... Retour sur plus d'un an de recherches jusqu'à la découverte du corps
Un dénouement tragique dans l'affaire de la disparition de Lina. Alors qu'une famille, mais aussi tout un village, vivait depuis plus d'un an dans l'attente de savoir ce qu'il était arrivé à l'adolescente de 15 ans, son corps a été retrouvé le mercredi 16 octobre, mettant fin à 13 mois de recherches.
Adolescente sans histoire, Lina s'est soudainement volatilisée le 23 septembre 2023 alors qu'elle se rendait, comme elle en avait l'habitude, à la gare de Saint-Blaise-la-Roche, dans le Bas-Rhin, pour passer le week-end avec son petit ami. Son corps sera finalement retrouvé dans la Nièvre, à plus de 400km du lieu où elle a été vue pour la dernière fois.
Entre-temps, battues, fouilles, auditions et études de la géolocalisation ont jalonné le travail minutieux des enquêteurs. Il a finalement permis d'identifier un suspect en juillet dernier. Alors que ce dernier s'est suicidé, de nombreuses questions restent encore en suspens.
Disparue sur le trajet de la gare
Samedi 23 septembre 2023, aux alentours de 11 heures, Lina quitte son domicile où elle vit avec sa mère à Plaine, dans le Bas-Rhin, pour se rendre à pied à la gare de Saint-Blaise-la-Roche. L'adolescente est d'humeur joyeuse, elle doit rejoindre son petit ami Tao pour passer le week-end avec lui à Strasbourg.
Le chemin fait 3km de long. "Il n'y a pas trop de maisons et il y a un petit peu de circulation, mais ce n'est pas un coupe-gorge", assure la maire de Plaine.
Vers 11h20, la jeune fille envoie une vidéo à son copain où on la voit en chemin. "Elle était contente de venir", note Tao, interviewé par TF1/LCI. "C'est la dernière fois qu'on a eu des contacts avec elle", racontera ensuite sa mère Fanny.
Lina ne donne ensuite plus de nouvelles, ce qui n'est pas dans ses habitudes, la jeune fille étant très active par message ou sur les réseaux sociaux. Rapidement, Tao s'inquiète et pressent qu'il y a "quelque chose de bizarre".
Il attend malgré tout sa petite amie à la gare de Strasbourg, comme prévu. Sauf que Lina ne descend pas du train et reste introuvable. Tao prévient donc sa famille et la mère de Lina décide d'appeler la gendarmerie le jour même dès 14h15.
Battues et vols en hélicoptère
Les forces de l'ordre se mobilisent rapidement. Lina est mineure, elle n'est pas connue pour avoir de problèmes familiaux et n'a jamais fait de fugue. Après analyse des caméras de vidéosurveillance de la gare de Plaine, les gendarmes établissent rapidement que Lina n'est jamais montée dans le train qui devait l'emmener à Strasbourg.
Dès l'après-midi du jour de la disparition de Lina, un dispositif de recherches est déployé. Des drones et un hélicoptère équipé de caméras thermiques survolent la zone. Une enquête pour "disparition inquiétante" est également ouverte par le parquet de Saverne et confiée à la section de recherches de Strasbourg.

Deux jours plus tard, les habitants se mobilisent à leur tour. Une battue citoyenne est organisée dans les environs du lieu de la disparition de Lina. Trois groupes d'une trentaine de personnes quadrillent une zone boisée située sur le trajet empruntée par la jeune fille. Sa mère, folle d'inquiétude, décide de s'exprimer devant la presse pour encourager la mobilisation.
"Je veux retrouver ma fille, je veux qu'elle soit près de moi", clame Fanny. "C'est une torture de ne plus avoir son enfant près de soi".
Les recherches reprennent le lendemain, avec la participation du père de Lina. Cette fois, en plus des battues menées dans les bois, les étangs des environs sont sondés, mais aucun indice n'est retrouvé. Une semaine après la disparition de Lina, une information judiciaire est ouverte pour "enlèvement ou séquestration de plus de sept jours", comme le veut la procédure.
Un dernier message reçu à 11h22
À ce stade, les principaux éléments recueillis par les enquêteurs proviennent du téléphone de Lina. Les gendarmes établissent qu'il a cessé d'émettre le samedi à 11h22, soit juste après le dernier message envoyé à Tao.
Par ailleurs, deux témoins assurent avoir vu l'adolescente sur le trajet de la gare "entre 11h15 et 11h30", selon la procureure de la République de Saverne Anne Clérot. Cette dernière précise que les deux témoins connaissaient, "semble-t-il", Lina.
"Elle cheminait à pied et était porteuse des vêtements tels que spécifiés ensuite dans les avis de recherche et appel à témoins", indique-t-elle.
Parmi ces deux témoins, on compte l'ancien maire de la commune, Jean-Marc Chipon. Détail important, il note que, après avoir croisé Lina une première fois, lorsqu'il repasse "quelques minutes plus tard" en voiture, l'adolescente n'est déjà "plus au bord de la route". De quoi interpeller l'ancien élu. Jean-Marc Chipon estime peu probable que Lina ait eu le temps de gagner la gare à pied aussi vite et se demande si la jeune fille a été "prise en stop".
Sa mère entre "colère" et "détermination"
Dans les jours qui suivent la disparition de Lina, des rumeurs émergent sur les réseaux sociaux. Des internautes accusent, sans fondement, Tao d'être impliqué dans la mort de sa petite amie.
Au point que le jeune homme de 19 ans se sent obligé de prendre la parole. "Pourquoi je l'aurais enlevée alors qu'elle était en train de venir chez moi?", s'agace-t-il auprès du journal Le Nouveau Détective.
Fanny, la mère de Lina, appelle, elle aussi, à ne pas faire de spéculations. "Arrêtez d'inventer, de supposer des choses qui sont fausses", clame-t-elle. "N'allez pas imaginer des choses, prenez les faits, la réalité", demande-t-elle.

Alors qu'aucune piste sérieuse ne semble s'imposer aux enquêteurs et que les semaines passent, la mère de l'adolescente prend plusieurs fois la parole dans la presse. Elle dit à la fois sa douleur et appelle à ne pas baisser les bras.
"Ma détermination, la colère, la rage, me poussent à ne rien lâcher et à me battre encore plus fort", jure-t-elle, concédant que la disparition de sa fille constitue une "terrible épreuve".
Diverses pistes à l'étude
Les recherches se poursuivent avec l'audition des proches de Lina et de nombreux habitants de Plaine. Parmi eux, une adolescente de 14 ans, prénommée Karine, donne une possible piste aux enquêteurs.
La collégienne affirme avoir été approchée deux fois par un homme au cours de la semaine précédant la disparition de Lina. Freddy, le père de la jeune fille, raconte à BFMTV que Karine a d'abord pris peur après avoir été "klaxonnée trois, quatre fois" par une voiture grise. Trois jours plus tard, elle aurait été importunée par un homme, encore une fois en voiture grise, et avoir eu l'impression qu'il voulait l'emmener avec lui. Cet homme ne sera jamais identifié.
Autre piste explorée par les enquêteurs, celle d'une mystérieuse "voiture bleue". Un témoin, qui préfère rester anonyme, affirme début octobre 2023 dans l'émission 66 Minutes, avoir vu Lina dans un véhicule bleu le jour de sa disparition, vers 11h30, donc peu après sa disparition. "Elle était habillée en clair. Elle a fait un coucou en passant", assure-t-il.
"Il y avait un monsieur à côté", précise le témoin, qui indique que le véhicule allait en direction de Strasbourg, soit "dans le sens inverse de la gare". Une dizaine de voitures au moins sont ensuite analysées par les gendarmes dans l'espoir de trouver un indice. Mais là encore, sans succès.
Une plainte pour viol révélée
Les mois s'écoulent et l'enquête patine, malgré le travail des gendarmes. En janvier dernier, des révélations portant sur la vie de la jeune fille ouvrent cependant une nouvelle piste.
En effet, Lina avait porté plainte pour viol en juin 2022, soit un peu plus d'un an avant sa disparition, apprend-on le 20 janvier, confirmant une information des Dernières Nouvelles d'Alsace et de l'Agence France presse.
Selon le journal local, la plainte a été classée sans suite pour infraction "insuffisamment caractérisée", alors que les deux jeunes hommes suspectés évoquent de leur côté des rapports sexuels "consentis".
Mais plus d'un an après, cette plainte est réexaminée afin de déterminer si elle a un lien avec la disparition de l'adolescente. Une information judiciaire est ouverte, mais le parquet précise qu'elle est "sans lien et distincte de celle actuellement ouverte des chefs d'enlèvement et de séquestration criminelle" concernant Lina. Une nouvelle porte se ferme.
Un suspect enfin identifié
L'enquête fait enfin un bond en avant quelques mois plus tard. En juillet dernier, le profil génétique de Lina est découvert dans une voiture volée Ford Puma gris clair, immatriculée en Allemagne, mais retrouvée dans le Languedoc-Roussillon.
C'est une "avancée majeure" qui "devrait permettre de localiser" Lina, souligne d'emblée la procureure de la République de Strasbourg Yolande Renzi.
La découverte s'est faite grâce au travail minutieux des gendarmes. Ces derniers avaient étudié le profil des véhicules qui étaient passés à proximité du lieu de la disparition de Lina le jour où elle a été vue pour la dernière fois.
Parmi eux, se trouve la Ford Puma dans laquelle l'ADN de Lina est ensuite retrouvée. Une fois cette découverte faite, les gendarmes acquièrent rapidement la certitude que celui qui conduisait la Ford le 23 septembre 2023 est à l'origine de la disparition de la jeune fille.
Dans les jours qui suivent, l'enquête s'accélère. Le Parisien révèle que le conducteur de la voiture grise s'est suicidé un mois plus tôt, après la saisie du véhicule par les gendarmes. Plusieurs questions se posent. Cet homme est-il le meurtrier de Lina? S'est-il suicidé parce qu'il sentait que les enquêteurs remontaient sa piste?
Par ailleurs, au moment de son suicide, cet individu devait comparaître peu après, le 22 juillet, pour deux vols avec violence commis l'année précédente à Besançon. Cette comparution pourrait-elle avoir un lien avec sa mort?
Vol de voiture et braquage d'une supérette
Peu à peu, de nouvelles informations émergent sur le profil du suspect. Âgé de 43 ans, il s'appelle Samuel Gonin et s'est donné la mort à son domicile, à Besançon. Connu des services de police pour vol avec violence et pour le braquage d'une supérette, il avait aussi été interpellé en début d'année pour conduite sous l'emprise de stupéfiant et pour la conduite d'un véhicule volé.

Instable, le quadragénaire a fait des séjours en établissement psychiatrique. Peu avant sa mort, il a aussi connu une "séparation difficile", selon une source proche du dossier à BFMTV. À cette heure, aucun lien n'a formellement été établi entre son suicide et la saisie de la voiture.
Derrière lui, Samuel Gonin laisse une lettre d'excuses et des courriers, dans lesquels il évoque un sentiment de culpabilité, mais sans jamais faire mention de Lina.
"J'ai perdu mon honneur, ma dignité, mon humanité, je dois partir. Je ne sais pas me contrôler, ça va trop vite. Je souffre trop, c'est mieux ainsi", dit-il.
Il est alors encore trop tôt pour affirmer que Samuel Gonin est lié à la disparition de Lina. Après des mois sans que l'enquête ne connaisse de véritable avancée, les enquêteurs tiennent cependant pour la première fois une piste crédible dans laquelle le quadragénaire fait figure de suspect numéro un.
Le sac à main de Lina retrouvé
Avec la découverte de la voiture, l'enquête progresse pas à pas. "Nous attendons avec sérénité et inquiétude à la fois", assure l'avocat de la mère de Lina, alors que de nouvelles fouilles sont menées dans les Vosges.
Si ces dernières n'aboutissent pas, mi-septembre, le procureur de la République de Strasbourg par intérim Alexandre Chevrier fait de nouvelles révélations. Il rapporte qu'en plus de l'ADN de Lina, le sac à main de l'adolescente a été retrouvé dans la Ford volée.
"On retrouve également, dans le coffre de la voiture, deux cordes. Sur l'une d'entre elles, on retrouve l'ADN de Lina et l'ADN de Samuel Gonin", révèle le procureur, estimant que cela tend à montrer que Lina a été "ligotée".
Pour le procureur, l'avancée de l'enquête confirme l'intuition des gendarmes. Tout tend "à démontrer l'implication de Samuel Gonin" dans la disparition de Lina, assure-t-il. "Samuel Gonin a tout fait pour se rendre indétectable. Il n'a utilisé aucune ligne téléphonique au moment des faits (...), il a pris soin de désactiver le GPS de la voiture", indique le procureur.
L'analyse des éléments de géolocalisation de la voiture permet d'établir qu'elle s'est arrêtée plusieurs fois dans des secteurs boisés, dont la forêt d'Anould dans les Vosges ou encore dans le Morvan, après la disparition de Lina.
Le corps de l'adolescente immergé dans une zone isolée
Moins d'un mois plus tard, les recherches aboutissent enfin, plus d'un an après avoir débuté. Le mercredi 16 octobre, le procureur annonce en début de soirée que le corps de Lina a été retrouvé dans une zone boisée et isolée à Sermoise-sur-Loire, dans la Nièvre, loin des premiers lieux de recherches.
Le cadavre était "immergé dans un cours d'eau situé en contrebas d'un talus", précise-t-il.
Des tests ADN menés par l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) permettent d'établir avec certitude qu'il s'agit bien de l'adolescente qui était recherchée.

La maire de Plaine Patricia Simoni se dit "effondrée" au micro de BFMTV. "Je pense surtout à la famille qui doit être dans un moment de tristesse profonde. C'est terrible pour eux", se désole-t-elle.
Les parents de Lina réagissent via leurs avocats, assurant que "leur douleur est immense". "Avant de faire place au recueillement, ils restent dans l’attente des rapports des experts dépêchés sur le lieu de la découverte", ajoutent leurs avocats.
Des questions encore en suspens
De fait, malgré cette découverte majeure, l'enquête est encore loin d'être terminée. Les fouilles se poursuivent sur place ce jeudi. Des spécialistes en micro-algue ont notamment été dépêchés sur les lieux.
Ils sont chargés d'analyser la zone pour "savoir si le corps a été mis en amont ou s'il a bougé", explique François Daoust, ancien directeur de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie (IRCGN), au micro de BFMTV.
Les circonstances exactes de la mort de Lina restent pour l'heure inconnues. On ignore également pourquoi Samuel Gonin, qui ne connaissait pas Lina, s'en est pris à l'adolescente ce matin de septembre 2023.