BFM Alsace
Alsace

Au procès de l'attentat du marché de Noël à Strasbourg, le périple meurtrier de l'assaillant

placeholder video
Ce vendredi 1er mars, deuxième jour du procès de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg devant la cour d'assises spéciale de Paris. Une journée pour retracer le parcours meurtrier de Chérif Chekatt. Les parties civiles se demandent si le passage à l'acte aurait-pu être évité.

Strasbourg, 11 décembre 2018, 19h48: un homme surgit dans la foule et se met à tirer. Au procès de l'attentat du marché de Noël dans la ville alsacienne, un enquêteur a raconté vendredi 1er mars, le périple meurtrier de Chérif Chekatt, un musulman radicalisé, jusqu'à ce qu'il soit abattu deux jours plus tard.

"Sur un parcours de 800 mètres et en dix minutes, le terroriste va tuer cinq personnes et en blesser grièvement 11 autres", résume cet agent de la Sous-direction de l'antiterrorisme (Sdat), en visioconférence, caché derrière un paravent pour préserver son anonymat.

Il est chargé, au deuxième jour de ce procès devant la cour d'assises spéciale de Paris, de retracer le déroulement de l'attaque, minute par minute, et des investigations.

Ce soir-là, "la foule est dense, le marché de Noël bat son plein, il y a énormément de monde dans la rue des Orfèvres", en plein centre de Strasbourg, relate-t-il.

"Calme" et "méthodique"

C'est alors qu'un homme "brun", "d'une trentaine d'années", avec une "barbe naissante", arrive "au milieu de la rue" et se met "à tirer sur les deux premiers passants qui arrivent à sa hauteur", Piotr Orent Niedzielski et Antonio Megalizzi, qui couvraient comme journalistes la session du Parlement européen. Ils succomberont tous les deux de leurs blessures quelques jours plus tard.

L'assaillant continue de tirer sur la foule, en criant "Allah Akbar", puis emprunte une ruelle.

Il blesse d'un coup de couteau à l'abdomen un homme à qui il avait demandé quelle était sa religion et qui lui avait répondu qu'il était catholique, poursuit son cheminement, tire au gré de sa progression, souvent de face et dans la tête, tuant et blessant plusieurs autres personnes.

"L'ensemble des témoignages fait état d'un individu calme et serein, mais surtout méthodique et précis dans ses tirs", précise l'enquêteur.

Alors qu'il vient de tirer dans la tête d'une nouvelle victime, des militaires de l'opération Sentinelle sont alertés et commencent à échanger des tirs avec lui, puis deux civils essaient de l'arrêter et de le désarmer, en vain. L'attaquant leur assène plusieurs coups de couteau, et parvient à prendre la fuite.

Dix minutes plus tard, à 19h58, il s'engouffre dans un taxi, demande au chauffeur de le déposer dans le quartier du Neudorf. Là, il croise une patrouille de motards de la police nationale qui lui demande de décliner son identité, il leur tire dessus et s'enfuit de nouveau. Après quelques échanges de tirs, les policiers perdent sa trace.

Condamné une vingtaine de fois et fiché S

Pendant ce temps, le chauffeur de taxi, Mostafa Salhane, se présente au commissariat de Strasbourg et permet, par son témoignage, d'identifier le meurtrier.

Ce dernier lui a notamment raconté, pendant le trajet, que son domicile avait été perquisitionné le matin même, en son absence.

Les enquêteurs peuvent ainsi faire le rapprochement avec un mandat d'arrêt émis dans la matinée par un juge d'instruction du tribunal de Strasbourg, à la suite d'une perquisition, contre Chérif Chekatt, un homme de 29 ans, multirécidiviste, condamné une vingtaine de fois entre 2003 et 2015 pour des faits de droit commun mais aussi fiché "S" pour radicalisation islamiste.

Un mandat de recherches est diffusé publiquement par le parquet national antiterroriste le lendemain.

Et finalement, deux jours après l'attentat, l'assaillant est repéré lors d'une opération de ratissage dans le quartier du Neudorf, qu'il connaît bien pour y avoir grandi. Après quelques échanges de tirs, il est finalement tué par les forces de police.

L'exploitation des images de vidéosurveillance a ensuite montré que Chérif Chekatt avait effectué des repérages dans le centre de Strasbourg deux heures avant les faits.

La perquisition a-t-elle précipité le passage à l'acte?

Le passage à l'acte aurait-il pu être évité si Chérif Chekatt, avait été arrêté juste après la perquisition à son domicile? C'est une question qui a été très appuyée par les avocats de la partie civile ce vendredi 1er mars.

Les parties civiles se demandent ce qui a été fait, en plein marché de Noël pour retrouver cet homme, dont la trace avait déjà été perdue depuis plusieurs jours. Face à ces questions, l'enquêteur entendu ce vendredi matin a beaucoup de peine à répondre et renvoie la balle à son collègue de la DGSI qui sera entendu ce samedi 2 mars au matin.

Pour l'enquêteur, la perquisition du domicile a précipité le passage à l'acte de Chérif Chekatt.

Léo Fleurence avec Alicia Foricher avec AFP