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Inoxtag: les cinémas indépendants estiment que Kaizen met en danger les petits films

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Les cinéastes de l'ACID estiment que la sortie de Kaizen est contraire à la loi. Sa diffusion massive en salle contribuerait notamment à invisibiliser les films indépendants et donc, menacerait l'écosystème du cinéma français.

Des plans aux drones à tout-va, une musique épique digne des grands films hollywoodiens et des images grandioses. Le documentaire du youtubeur Inoxtag, Kaizen: un an pour gravir l'Everest a tout d'une superproduction.

Et ça se ressent dans les chiffres. Au lendemain de sa sortie sur Youtube, le 14 septembre dernier, le long-métrage avait déjà été visionné plus de 11 millions de fois. Ce qui lui a permis de devenir la vidéo la plus vue en France en 24 heures. Le film de 2h30 cumule plus de 31 millions de vues sur la chaîne du vidéaste de 22 ans, ce qui place le documentaire en 2e position des contenus les plus visionnés de sa chaîne.

Kaizen est également un succès en salle puisqu'il a attiré plus de 340.000 personnes dans les salles obscures lors de sa diffusion en avant-première sur grands écrans le 13 septembre.

"Piétiner" la chronologie des médias

Si ce succès indéniable semble être une bonne nouvelle pour le cinéma français, qui renoue avec un public plus jeune, les cinémas indépendants ne partagent pas cet enthousiasme. Pour l'association du cinéma indépendant pour sa diffusion (ACID) le documentaire "condamne/menace l'écosystème du cinéma".

Le fait qu'un "public plus jeune paye sa place pour aller voir en avant-première une vidéo disponible dès le lendemain sur Youtube (...) ne justifie pas de piétiner les règles soucieuses du respect de tous les regards, tous les désirs, et la place de chaque film sur les écrans", précise l'ACID dans un communiqué du 20 septembre.

En effet, l'association estime, comme d'autres acteurs du milieu, que la chronologie des médias n'a pas été respectée et que la sortie de "Kaizen" au cinéma est contraire à la loi. La législation impose des délais obligatoires entre la sortie d’un film en salles et sa diffusion sur les chaînes de télévision, les plateformes de vidéo à la demande ou encore Youtube afin de préserver la valeur économique des salles. Mais il est possible de demander un visa d'exploitation exceptionnel auprès du Centre national du cinéma (CNC) pour obtenir une autorisation de diffusion pour 500 séances sur une durée maximum de deux jours d'une même semaine.

Le problème, c'est que la limite des 500 séances a été largement dépassée. Selon Les Échos, le documentaire a bénéficié de plus de 800 séances en France. Pour l'ACID, le nombre de séances est encore plus élevé. "Kaizen, qui a bénéficié d'un tel visa, a été programmé dans près de 450 établissements sur plus de 1.000 séances", précise de son côté l'association.

"Invisibilisation massive"

"La diffusion de Kaizen dépasse de très loin les plafonds prévus par la législation (plus du double de la limite légale autorisée) dans le cadre d'un visa exceptionnel", dénonce les cinéastes indépendants.

L'association pointe également la diffusion massive de séances consacrées à Kaizen, certains cinémas ayant réservé la moitié de leurs salles pour le documentaire d'Inoxtag et cela, à un horaire clefs puisque le film a été diffusé un vendredi à 20h.

"Cette exposition hors du commun met en danger des films et des cinéastes qui ont un besoin vital de leur fenêtre d'exposition en salles: Dahomey de Mati Diop ou Le procès du chien de Laëtitia Dosch par exemple", poursuit l'ACID en évoquant une "invisibilisation massive".

Le non-respect de la chronologie des médias pour le documentaire d'Inoxtag contribuerait ainsi à un système qui ne "privilégie que les gros coups éclairs au détriment du travail accompli tout au long de l'année par tous les intervenants du cinéma en France", conclut le communiqué.

Pour rappel, le distributeur du film, MK2, risque une amende de 45.000 euros pour violation des dispositions sur les visas d'exploitation.

Salomé Ferraris