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Loi contre la haine en ligne: un fourre-tout contre-productif, pour les plateformes du Web

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Un texte examiné ce mercredi 3 juin par l'Assemblée nationale forcerait les réseaux sociaux à supprimer les "contenus haineux" sous 24h. Les professionnels craignent une loi qui encadrerait à leurs yeux trop de cas de figure.

Pour dissiper le fléau de la haine en ligne, le gouvernement veut frapper un grand coup. Quitte à serrer la vis sur un trop grand nombre de contenus? D'après trois organisations françaises de professionnels du numérique, les "contenus haineux" mentionnés dans la loi Avia, examinée ce 3 juillet à l'Assemblée nationale, sont trop largement définis.

La mesure phare de la proposition de loi de la députée LaREM Laetitia Avia prévoit d'obliger les plateformes internet à retirer en moins de 24 heures ces mêmes "contenus haineux", dès lors qu'ils seront signalés par les autorités ou par les internautes. Sauf que le texte est revenu plusieurs fois sur la définition de ce concept.

Pornographie et apologie du terrorisme inclus

Alors qu'étaient jusque-là visés les contenus comportant manifestement une incitation à la haine à raison de la race, de la religion, du sexe, de l'orientation sexuelle ou du handicap, la loi cible désormais, après les amendements parlementaires, "un périmètre beaucoup plus large d'infractions, au risque de compromettre son application", d'après un communiqué signé par les associations Tech in France, Syntec Numérique et l'Asic (Association des services internet communautaires). Cette nouvelle exhaustivité "nuira très probablement au traitement des infractions initialement visées", ont-elle indiqué.

Les députés proposent en effet d'étendre l'obligation de retrait en moins de 24 heures à des infractions comme le "harcèlement sexuel, la traite des êtres humains, le proxénétisme, la mise à disposition de mineurs à contenus pornographiques ou encore l'apologie du terrorisme", ont indiqué les associations.

D'une manière générale, les grandes entreprises du numérique affichent leur soutien au renforcement de la lutte contre la haine en ligne, et au principe d'un renforcement de la réglementation en la matière.

Mais l'obligation de retrait des contenus en moins de 24 heures inquiète bon nombre de professionnels. A leurs yeux, elle obligera les plateformes à décider rapidement si un contenu contrevient à la loi, au risque de générer une cascade de polémiques et de conflits juridiques. Facebook en particulier s'oppose à ce délai strict de 24 heures et est favorable à une définition plus souple.

Syntec Numérique (2.000 entreprises adhérentes) est le syndicat professionnel des entreprises de l'informatique et des sociétés de conseil en technologies. Tech In France (400 entreprises adhérentes) est une association de professionnels du numérique et des services internet. L'Asic réunit de grands acteurs de l'Internet en France comme Facebook, Twitter, Google, Microsoft, Deezer, AirBnb, ou Netflix.

Elsa Trujillo avec AFP