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Comment le gouvernement veut obliger Facebook et Twitter à supprimer les contenus haineux

Edouard Philippe, le 12 février à Matignon.

Edouard Philippe, le 12 février à Matignon. - BFMTV

Le gouvernement planche depuis plusieurs mois sur un projet de régulation des contenus haineux en ligne. Edouard Philippe a annoncé la rédaction d'un projet de loi d'ici l'été.

En ces temps troublés sur les réseaux sociaux, et à l'heure où pullulent en ligne les contenus haineux, le gouvernement entame un bras de fer avec Facebook, Twitter ou encore YouTube. Une loi pour les forcer à mieux faire le ménage dans leurs images, vidéos ou commentaires dégradants est attendue pour l'été, a annoncé le premier ministre Edouard Philippe ce 12 février. 

Le texte aura pour objectif d'obliger les réseaux sociaux à être plus transparents dans leurs règles de modération et plus prompts à repérer et supprimer les propos haineux. Il s'appuie sur plusieurs supports de réflexion. En septembre dernier, déjà, un rapport de vingt propositions sur la lutte contre la haine sur internet, commandé par Matignon dans le cadre de son deuxième plan de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, a été remis par la députée Laetitia Avia (LREM). 

Un délai de suppression raccourci

Parmi les propositions saillantes, celle de s'aligner sur une loi allemande, en obligeant les plateformes à retirer les publications signalées et qui apparaissent comme "manifestement" illégales. Le tout dans un délai de vingt-quatre heures. Pour les contenus à caractère terroriste, ce même délai est ramené à une heure. En cas de non-respect de cette disposition, les auteurs du rapport proposent une amende qui pourrait s'élever jusqu'à 37,5 millions d'euros. 

La France entend néanmoins prôner une position plus diplomate que celle de l'Allemagne en la matière. "Nous avons aujourd'hui deux options", complétait en décembre 2018 le cabinet de Mounir Mahjoubi, secrétaire d'Etat en charge du Numérique, auprès de BFM Tech. "Soit on ne fait rien, soit on met en place des règles pour demander à Facebook de censurer tous les contenus dans un délai restreint, sous peine d’écoper d’une amende. Cette deuxième option a été privilégiée par l'Allemagne, où Facebook a tendance à retirer des contenus qui pourraient rester en ligne, par peur de l'amende. Nous préférons quelque chose de plus évolutif et souple", concluait-on à Bercy. 

"Accélérateur de contenus"

Le rapport prévoit également de balayer la vieille distinction entre éditeurs et hébergeurs de contenus, qui faisait jusqu'à présent référence. Pour la remplacer, il avance le statut d'"accélérateur de contenus". L'objectif: rendre pleinement responsables Facebook, Twitter ou YouTube de la propagation de contenus haineux, le cas échéant. Le tout pour renforcer l'efficacité de la régulation des contenus sur ces mêmes plateformes.

La loi prendra par ailleurs en compte les délits de cyberharcèlement de groupe, ou "raids numériques", entrés dans le Code pénal l'été dernier, sur appui de Marlène Schiappa. A la suite de l'affaire de la "Ligue du lol" - un groupe de journalistes et communicants accusés de cyberharcèlement - la Secrétaire d'Etat à l'égalité entre les hommes et les femmes envisage l'allongement du délai de prescription de telles campagnes haineuses.

Dans un article publié sur Medium ce 14 février, Mounir Mahjoubi est venu compléter l’ensemble de ces propositions. Il ajoute notamment la nécessité d’un meilleur signalement humain des contenus suspects, et d’outils de détection plus efficaces. Le ministre envisage de permettre aux plateformes de placer certains contenus "en quarantaine" avant de décider de leur suppression. Il propose enfin que les auteurs des contenus incriminés puissent faire appel, en cas de censure jugée inadéquate. Un volet de "sensibilisation et de formation des citoyens sur le civisme en ligne" est également inclus à ce canevas.

Reciviliser Internet

Pour mieux appréhender l'épineux sujet des contenus haineux en ligne, le gouvernement s'en remet également à l'un des principaux intéressés: Facebook. Le 12 novembre dernier, lors d'une réception tenue à l'Elysée, Emmanuel Macron a fait part d'un partenariat à venir avec le réseau social américain, pour observer ses règles de modération et mieux réguler les contenus illégaux. 

"Nous avons lancé avec Facebook une expérimentation pour concevoir des règles de droit plus innovantes et plus adaptées afin de réguler les contenus sur les plateformes et les réseaux", a rappelé Edouard Philippe ce 12 février. Une dizaine d'experts sont actuellement envoyés en observation chez le géant américain.

Le bras de fer entre le gouvernement et les réseaux sociaux s'annoncent périlleux. Les propositions avancées, en l'état actuel des choses, restent floues. Surtout, l'urgence à supprimer les contenus en ligne fait renaître de ses cendres un serpent de mer, pourtant considéré comme enterré: celui de l'anonymat en ligne. 

Ce 18 janvier, Emmanuel Macron a plaidé en faveur d'une "levée progressive de tout anonymat" sur le Web, dans une volonté d'améliorer la qualité de la démocratie participative. En août 2016, déjà, Eric Ciotti, député LR des Alpes-Maritimes, avait formulé la proposition de soumettre la création de comptes en ligne à la présentation d'une pièce d'identité. 

https://twitter.com/Elsa_Trujillo_?s=09 Elsa Trujillo Journaliste BFM Tech