Coronavirus: comment une application prive des milliers de Chinois de déplacement

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“Code vert, circulez librement. Code jaune ou rouge, reportez vos déplacements immédiatement”. Dans la ville de Hangzhou, qui compte plus de dix millions d’habitants, des bannières s’affichent à l’entrée des gares, des stations de métro, ou des quartiers commerçants. Elles font référence aux couleurs du QR code - équivalent carré du code-barres - affiché par une application baptisée Alipay Health Code, développée par le géant chinois Alibaba en partenariat avec les autorités locales. Le but: rendre impossible les déplacements de tout individu susceptible d’être touché par le coronavirus, rapporte le New York Times.

Installation indispensable
Le programme, qui suit chaque utilisateur à la trace, affiche un QR code - actualisé tous les jours - pouvant arborer trois couleurs, en fonction du risque sanitaire de chaque citoyen: vert, jaune ou rouge. Dans le premier cas, il est possible de circuler librement à travers les nombreux points de contrôle. Dans le second, un confinement au domicile de sept jours est imposé. Dans le troisième, aucun déplacement n’est autorisé pendant deux semaines.
De telles contraintes sont permises par l’évolution technologie du pays, où la plupart des déplacements et paiements se font grâce à des applications pour smartphone. A commencer par Alipay, filiale d’Alibaba en charge des systèmes de paiement, utilisée par 1,2 milliard de personnes dans le monde, dont une large partie en Chine. Dans l’ensemble des endroits contrôlés, des fonctionnaires sont déployés afin de vérifier la couleur du QR code de chaque passant, afin de le laisser circuler ou de le renvoyer chez lui. Ce qui rend, de fait, l’installation de l’application indispensable.
Selon Alipay, l’application Alipay Health Code, analyse les données collectées à très grande échelle afin d’estimer le risque de contamination pour chaque personne. Grâce à l’historique de géolocalisation, la plateforme peut notamment savoir si un utilisateur s’est trouvé dans une zone sensible, ou à proximité d’un malade. Toutefois, les critères retenus afin de déterminer la couleur affichée ne sont pas publics.
Déploiement national
D’abord mis en place dans la ville de Hangzhou au milieu du mois de février, le système est en cours de déploiement dans tout le pays, au rythme d’une nouvelle province par jour, annonce l’agence de presse chinoise Xinhua.
Plus de 50 millions de Chinois avaient installé l’application au 24 février dernier (principalement dans la province de Zhejiang), soit plus de 90% de la population, pour 98,2% de QR codes verts. A cette date, au moins 900.000 personnes étaient donc privées de déplacements pendant une ou deux semaines.
D’après des analyses du code de l’application menées par le New York Times, de nombreuses informations sont partagées en temps réel avec la police chinoise, à commencer par la localisation de l’utilisateur. Et ce à chaque fois que l’écran de smartphone est scanné afin d’autoriser l’accès à une zone géographique contrôlée. “La collaboration entre les secteurs privé et public dans le cadre du contrôle d’une épidémie est une pratique habituelle” se défend un cadre d’Ant Financial, filiale d’Alibaba en charge d’Alipay.
Dans le pays, l’ensemble des acteurs d’Internet sont étroitement liés au Parti communiste chinois. Alors que le pays a banni les réseaux sociaux occidentaux tels que Facebook ou Twitter, les plateformes locales se sont regroupées au sein d’une fédération des société de l’Internet, qui œuvre pour préserver l’intérêt du gouvernement. Pour la Chine, l’épidémie de coronavirus constitue un test à grande échelle de l’efficacité de son système de censure du Web.