TOUT COMPRENDRE - Nos smartphones nous écoutent-ils à notre insu?

Une publicité pour un produit apparaissant quelques minutes après avoir discuté de ce même produit avec un ami. De nombreux utilisateurs de smartphone ont déjà rencontré cette étrange situation, laissant imaginer qu’ils peuvent être sur écoute. Ces théories ont pris un nouvel essor avec l'avènement des assistants vocaux (Siri, Google Assistant ou Amazon Alexa), sur nos mobiles comme sur nos enceintes connectées. Auprès de BFMTV et de l’émission Bonsoir Bruce, plusieurs experts font le point.
· Comment nos smartphones nous écoutent-ils?
Les micros de nos téléphones, utilisés pour nos conversations téléphoniques, sont mis à profit par les GAFA pour nous offrir toujours davantage d’interactions vocales. Une porte ouverte vers notre intimité, lorsqu'ils sont activés.
“Nos smartphones sont faits pour nous écouter, pour nous entendre. Comme bien d’autres, Google, Amazon et Apple ont trouvé ce moyen pour garder notre intimité, notre visage, notre voix ou nos recherches sur Internet” résume Damien Bancal, journaliste spécialisé en cybersécurité, auprès de BFMTV.
Les assistants vocaux de nos smartphones sont censés répondre à un ordre dès lors qu’ils sont sollicités: “Ok Google” pour Google Assistant, “Alexa” pour l’assistant du même nom d’Amazon, ou encore “Dis Siri” pour l’assistant d’Apple. Mais par nature, leur possibilité de “s’éveiller” dès lors qu’un terme est prononcé implique qu’ils soient en permanence activés. Tant que le mot-clé n'est pas entendu, aucun enregistrement n'est en revanche envoyé vers les serveurs.
· Pourquoi nos smartphones nous écoutent-ils?
Dans le cadre de l’utilisation d’assistants vocaux, nos smartphones ont de nombreuses raisons de nous écouter. D’abord pour proposer un service supplémentaire, mais aussi pour aider Amazon, Apple ou Google à nous faire passer davantage de temps avec leurs produits. Proposer un assistant vocal est par exemple un bon moyen pour Apple et Google de nous faire apprécier leurs écosystèmes Apple TV ou Android TV.

A la différence d’Apple, dont la vente de publicité ciblée n’est pas le métier, Amazon et Google utilisent par ailleurs les enregistrements liés aux requêtes faites à Alexa et Google Assistant à des fins commerciales.
Par exemple, Amazon va analyser ces demandes pour proposer des produits jugés plus pertinents et que l’utilisateur est davantage susceptible de commander. De son côté, Google utilise les échanges avec son assistant vocal pour mieux cibler les publicités de ses annonceurs, comme il le fait avec l’ensemble de ses services.
· Nos smartphones peuvent-ils nous écouter tout le temps?
Si Amazon et Google indiquent utiliser les requêtes de leurs utilisateurs pour de la publicité ou de la vente ciblée, aucune de leurs conditions générales d’utilisation ne les autorise à le faire en dehors de ce cadre, et écouter l’ensemble de ce qui peut se dire dans une pièce sans en avertir l’utilisateur. Sur le papier, ils en ont toutefois la possibilité technique.
“Si vous avez un appareil électronique qui est placé au milieu du salon, il pourra avoir accès à ces traitements et écouter ce que vous allez dire, y compris vos conversations téléphoniques” rappelle Marc Rees, rédacteur en chef de Next INpact.
· Nos smartphones ont-ils intérêt à nous écouter en permanence?
Apple, Google et Amazon ont donc techniquement la capacité d’activer le micro de nos smartphones - ou enceintes connectées. Il est toutefois peu probable qu’ils aient un grand intérêt à le faire, d’abord car cette pratique serait illégale et lourdement sanctionnée par les autorités européennes si elle venait à être découverte.
Par ailleurs, enregistrer et analyser l’environnement sonore en continu impliquerait d’investir des millions - voire milliards - de dollars dans des serveurs dédiés afin de traiter l’immense quantité d’informations supplémentaires. Ce scénario implique au passage d’être capable d'analyser avec pertinence les conversations et que ces dernières soient suffisamment intéressantes pour apporter une plus-value commerciale par rapport à l’immense quantité de données déjà récupérées au quotidien.
“Le système n’a pas besoin de vous écouter pour vous cibler au plus près. C’est la spécialité de Facebook et Google de récupérer assez de données pour vous profiler au plus près et permettre aux annonceurs d’envoyer des publicités ciblées” rappelle Baptiste Robert, expert en cybersécurité.
Comme l’expliquait un ancien employé de Google en 2019, l’apport de l’écoute de conversations grâce à son assistant vocal est marginal à côté de l’ensemble des informations personnelles récoltées, par exemple par la simple utilisation du moteur de recherche.
Si Google et Amazon analysent, grâce à des intelligences artificielles (ou parfois des humains), des échanges entre l’utilisateur et l’assistant, procéder à cette analyse en continu demanderait donc la mise en place de moyens considérables, avec un taux de conversations inutiles probablement très élevé. Et en prime un scandale d’une ampleur historique sur un espionnage aussi massif qu’illégal.
· Comment vérifier ce qu’enregistre son smartphone?
Les plus méfiants ont toutefois des moyens d’encadrer l’usage du micro de leur smartphone. Depuis septembre 2020 et l’arrivée d’iOS 14, Apple permet à l’utilisateur de savoir si le micro est enclenché, grâce à l’apparition d’un point lumineux orange au-dessus de l’écran. Un point vert s’affiche dès lors que la caméra est active. Un système qui dépend d’Apple et non des développeurs: ces derniers ne peuvent le désactiver.

Pour l’heure, Android ne propose pas de système équivalent. Il faut donc se référer à des applications tierces, en acceptant de fait de leur faire confiance. Sur iOS comme sur Android, il est en revanche possible de couper l’accès au micro de toute application qui susciterait le moindre doute, dans les paramètres.
Enfin, Google (via la page MyActivity, en filtrant les recherches liées à Google Assistant) et Amazon (sur le portail Alexa) proposent aux utilisateurs l’historique complet des requêtes effectuées sur leurs assistants personnels respectifs. Une fonction qu’Apple ne propose pas, les requêtes de Siri étant traitées localement sur le mobile et chiffrées avant toute synchronisation sur les serveurs.