"Quel menteur": pourquoi Elon Musk et Sam Altman se détestent-ils autant?

Ayant cofondé OpenAI ensemble, les deux milliardaires sont devenus rivaux ces dernières années. Un conflit qui remonte à la création de cette entreprise.

Ces dernières heures, Elon Musk n’a cessé de s’en prendre à OpenAI et à son patron, Sam Altman. La raison: l’annonce du projet Stargate, lancé par le créateur de ChatGPT, le spécialiste du cloud Oracle et le géant japonais des investissements Softbank. Il permettra l’investissement "d’au moins 500 milliards de dollars dans les infrastructures d’IA aux États-Unis", comme l’a annoncé Donald Trump à la Maison Blanche le 21 janvier.

Un projet dont OpenAI aura "la responsabilité opérationnelle", ce qui n’a pas manqué de faire réagir Elon Musk. "Ils n’ont pas vraiment d’argent", a-t-il pesté sur X, alors que l’entreprise annonçait qu’elle allait "commencer à déployer 100 milliards de dollars immédiatement" avec Softbank.

Accusations de trahison et de manipulation

Si Sam Altman lui a rapidement répondu, démentant ses propos, Elon Musk n’en est pas resté là, multipliant les attaques contre le cofondateur d’OpenAI. "Altman a littéralement témoigné devant le Congrès qu’il n’obtiendrait pas de compensation de la part d’OpenAI et maintenant, il veut 10 milliards de dollars! Quel menteur", a déclaré le milliardaire sur son réseau social, relayant un message publié par le compte Tesla Owners Silicon Valley.

Celui-ci affirme qu’"OpenAI prend des mesures pour transformer une organisation à but non lucratif en une entreprise à but lucratif", tout en partageant un article de Reuters. "Sam Altman obtient 7% de l’entreprise dans une nouvelle entreprise à but lucratif", a ajouté le compte.

Ce changement de statut est la source du conflit opposant Elon Musk à Sam Altman. Pour rappel, les deux milliardaires ont cofondé OpenAI ensemble en 2015 en tant qu’organisation à but non lucratif. Mais, en 2019, elle est devenue une entreprise à but lucratif plafonné, un changement de statut qui est intervenu un an après le départ d’Elon Musk et qui lui a permis d’obtenir d’immenses investissements de Microsoft.

Le propriétaire de X accuse ainsi Sam Altman de l’avoir manipulé pour qu’il y investisse des millions de dollars, mais aussi de l’avoir trahi lui et l’objectif de l’organisation à but non lucratif, selon une plainte déposée en août dernier contre l’entreprise. Plainte qui est survenue après le retrait d’une première déposée fin février pour des raisons similaires.

Un changement de statut nécessaire

Face à ces accusations, OpenAI s’est défendu dans un long article de blog publié en mars 2024. L’entreprise y revient sur sa mission qui est de "veiller à ce que l’IAG (intelligence artificielle générale, NDLR) profite à l’ensemble de l’humanité". Ils ont cependant réalisé que le développement de cette IAG nécessitait plus de ressources que ce qu’ils imaginaient.

Soit "des milliards de dollars par an, ce qui était bien plus que ce qu’aucun d’entre nous, en particulier Elon, pensait pouvoir lever en tant qu’organisation à but non lucratif", expliquent Sam Altman et les autres cofondateurs dans cet article.

Avec Elon Musk, ils ont ainsi reconnu qu’une entité à but lucratif était nécessaire pour l’acquisition de ces ressources. Mais, le milliardaire voulait être à la tête de celle-ci, qu’il souhaitait d’ailleurs faire fusionner avec Tesla, estimant que c’était le seul moyen qui pourrait aider OpenAI à rivaliser avec Google. Les autres cofondateurs n’étant pas d’accord avec lui, il a quitté l’entreprise, "déclarant que notre probabilité de succès était de 0" et qu’il concevrait son propre concurrent au sein de Tesla.

"Quelqu'un que nous avons profondément admiré"

Quatre ans plus tard, en 2022, OpenAI a pourtant rencontré un sacré succès, avec ChatGPT. Elon Musk, de son côté, a lancé sa propre startup d’IA, xAI, en juillet 2023. Entreprise qui est à l’origine de Grok, une IA moins limitée que ses concurrents et accessible gratuitement sur X depuis quelques semaines.

Mais, il continue d’accuser OpenAI de l’avoir trahi, d’autant plus qu’elle pourrait à nouveau changer de statut pour devenir une entreprise à but lucratif comme une autre et ainsi, générer des profits sans plafonds. Le créateur de ChatGPT affirme pourtant qu’Elon Musk avait compris que sa mission n’impliquait pas que l’IAG soit ouverte, captures d’écran d’échanges de mail à l’appui.

"Au fur et à mesure que nous nous rapprochons du développement de l’IA, il sera logique de commencer à être moins ouvert. L’ouverture dans OpenAI signifie que tout le monde devrait bénéficier des fruits de l’IA une fois qu’elle est développée, mais il est tout à fait acceptable de ne pas partager la science...", avait déclaré Ilya Sutskever, cofondateur de l’entreprise qui a quitté ses fonctions l’année dernière. Ce à quoi Elon Musk avait répondu "Yup" ("oui).

À ses débuts, OpenAI voulait en effet "collaborer librement" avec d’autres, en adoptant une approche open source, d’où le mot "open" dans son nom. Autrement dit, le but était d’offrir des informations sur les données utilisées pour former un système ou encore en rendant le code informatique de ses outils accessible à tous.

En 2023, lorsqu’elle a dévoilé GPT-4, l’entreprise a cependant officiellement reconnu que cette approche n’était pas la bonne pour des raisons de sécurité, mais aussi de concurrence. Cela n’a pas empêché Elon Musk de poursuivre ses attaques contre OpenAI et Sam Altman. Une animosité que la société déplore.

"Nous sommes tristes d’en arriver là avec quelqu’un que nous avons profondément admiré - quelqu’un qui nous a incité à viser plus haut, puis nous a dit que nous échouerions, a lancé un concurrent, puis nous a poursuivi en justice lorsque nous avons commencé à faire des progrès significatifs vers la mission d’OpenAI sans lui", regrettent-ils.

Dans un dernier tweet, publié ce jeudi, Sam Altman résume finalement bien sa position sur Musk: "Je ne pense pas qu'il soit sympa ou qu'il nous traite équitablement, mais il faut respecter ce gars et il nous pousse tous à être plus ambitieux."

Kesso Diallo