"Si Ubisoft tombe...": à la Paris Games Week, les professionnels du jeu vidéo plus inquiets que jamais

Quand on se balade dans les allées - loin d'être remplies - de la Paris Games Week en ce mardi 22 octobre, pendant la soirée d'avant-première, on voit sur tous les visages des professionnels du jeu vidéo une inquiétude palpable.
Il faut dire que le secteur a subi en 2024 l'une de ses années les plus difficiles. Comme dans le secteur de la tech, les licenciements se sont enchainés dans le jeu vidéo, et notamment chez les grands éditeurs et fabricants comme Playstation, Xbox.
La chute d'Ubisoft redoutée de tous
Chez la plupart des professionnels questionnés par Tech&Co, et qui ont voulu rester anonymes, l'heure n'est pas à la fête, et ce, malgré la profusion de champagne et de petits fours pour les invités du soir.
Surtout, on regarde la situation d'Ubisoft avec une grande attention: "Si Ubisoft tombe, c'est potentiellement toute l'industrie française du jeu vidéo qui sera mise à mal," lance le responsable d'un studio de jeux à gros budgets, "on ne peut pas se réjouir de voir qu'Ubisoft va mal."
L'éditeur français, qui a reporté Assassin's Creed Shadows à février 2025, n'a d'ailleurs pas proposé de démonstration de son titre à la Paris Games Week: "C'est un moment désagréable," nous lâche un développeur d'Ubisoft, "ce soir, j'ai pu croiser quantité de collègues d'autres studios qui me demandent donc si on va s'en sortir, la situation est grave."
De fait, les prochains mois s'annoncent compliqués pour Ubisoft, mais aussi pour l'industrie du jeu vidéo en France, qui font face à un mur politique: "On espérait que le nouveau gouvernement allait faire bouger les choses, mais le jeu vidéo n'a jamais été évoqué, notamment par la ministre de la Culture, qui ne nous reçoit pas, et qui ne parle jamais de jeu vidéo," se désole un character designer chez Pullup.
La difficulté de trouver de l'argent pour les indépendants
Plus encore, le secteur du jeu indépendant voit d'un mauvais oeil cette période charnière pour le jeu vidéo: "On a du mal à trouver des financements pour nos projets, les éditeurs sont frileux à l'idée de nous signer, et quand ils le font, les budgets sont ridicules," se plaint le dirigeant d'un studio situé à Montpellier.
Un autre se souvient d'une époque où les relations entre un studio et un éditeur étaient plus détendues: "Aujourd'hui, si on a une idée qui sort de l'ordinaire, que l'on ne rentre pas dans des cases ou qu'on n'a pas une licence forte, c'est difficile de trouver de l'argent."
Même les journalistes spécialisés croisés sur place ne sont guère optimistes: "Honnêtement, la Paris Games Week est le témoignage d'une industrie qui rencontre les difficultés qu'on lui connaît. Il y a peu de vraies avant-premières, les stands sont plus petits, Playstation n'est quasiment pas présent, et les couloirs sont très larges pour compenser le vide de l'offre, désormais complétée par du sport ou des thématiques liées à la pop culture," raconte le rédacteur en chef d'un site français.
Si l'industrie va mal, l'existence même de la Paris Games Week n'est pas pour autant remise en question, comme l'explique à Tech&Co un représentant d'un fabricant: "Ça reste un rendez-vous important, notamment pour les indépendants, car ils vont parfois rencontrer pour la première fois le public qui va peut-être acheter leurs jeux. La Paris Games Week est un moment idéal pour essayer les jeux qui feront Noël, ce n'est pas un salon d'annonces, et c'est très bien comme ça. Ça fait du bien de voir que les joueurs sont là, malgré tout."
Ubisoft, qui continue à garder un sourire de façade face aux difficultés, tente en tout cas de donner le La durant ce salon, avec de la musique et beaucoup de couleur. Un pansement sur une plaie béante, alors que tout le monde regarde ailleurs.