Meurtre de Louise: les jeux vidéo rendent-ils violents? Ce n'est pas ce que montrent les études

Le débat est devenu récurrent et ne faiblit pas. Après le meurtre de la jeune Louise, la question des jeux vidéo est revenue, une nouvelle fois, au cœur de l'actualité, lorsque le procureur d'Évry a évoqué le cas du principal suspect.
Le jour de l'agression, "alors qu'il jouait à Fortnite", Owen L. avait eu "une altercation en ligne avec un autre joueur qui l'insultait", a expliqué le magistrat. "Très énervé, il arrêtait de jouer et sortait de la maison comme il le faisait souvent pour se calmer." C'est alors qu'il s'en est pris à la jeune Louise, selon son récit, d'abord en cherchant à la racketter puis finalement en lui assenant des coups de couteau.
"Peut-on tuer un enfant de 11 ans parce qu'on a perdu, parce qu'on a été contrarié, parce qu'on a été frustré à force d'addiction à des jeux vidéo?", questionnait mercredi matin sur France Inter le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau.
Pas de lien démontré
La violence liée au jeu vidéo n'est évidemment pas nouvelle, certains des titres les plus populaires étant effectivement des jeux violents. Fortnite, qui a convaincu des centaines de millions de joueurs, consiste à tuer ses adversaires pour rester le seul survivant. Même si son approche graphique tend plutôt vers le cartoon, il reste en théorie déconseillé aux moins de 12 ans.
La saga GTA, dont le prochain épisode est censé sortir cette année, est probablement la franchise la plus populaire dans laquelle tout ou presque est permis. Et la liste de jeux violents est longue: Call of Duty, Hitman, Far Cry… Tous ces titres ne sont pas destinés aux mineurs même si une bonne part des joueurs ont moins de 18 ans.

Alors faut-il voir dans les jeux vidéo un levier pour passer à une violence bien réelle? En réalité, la plupart des études tendent à ne pas faire de lien de causalité. Une des plus importantes a été publiée par l'université d’Oxford en 2022. Elle porte sur 40.000 personnes. Durant six semaines, les chercheurs ont examiné le comportement des joueurs et ont conclu que le jeu vidéo n'avait pas d'effet particulier sur leur bien-être. L'étude tempère néanmoins ce résultat pour les personnes jouant plus de dix heures par jour, faute de données suffisamment précises.
Une autre étude singapourienne de 2021, réalisée sur 3.000 jeunes, montrait déjà que les jeux violents ne rendaient pas plus anxieux, dépressif et ne provoquait pas un trouble d'hyperactivité. Et les études en ce sens sont en réalité nombreuses.
Une "décompensation psychotique"
"Ayant énormément reçu de jeunes qui jouaient de manière problématique ou excessive à Fortnite, les colères qu'ils pouvaient avoir, étaient plutôt en général liées au fait qu'on leur disait 'ça suffit, tu joues trop'. C'était des coups de gueule, des moments de colère, de frustration", témoigne sur BFMTV-RMC le psychologue et psychanalyste Michaël Stora.
Évoquant l'affaire du meurtre de Louise, il estime que "cette séquence montrerait qu'on est face à une problématique malheureusement de décompensation psychotique voire peut être psychopathique".
"Mais faire une causalité entre le fait d'avoir été insulté par d'autres joueurs, ce qui est assez banal dans Fortnite (…) et se dire qu'on va sortir pour racketter et malheureusement finalement commettre un meurtre, ferait du jeu vidéo une sorte de maladie ou de symptôme en soi" explique-t-il.
Une pratique à encadrer chez les enfants
"Le rapport pathologique au jeu vidéo est souvent un symptôme secondaire. Les jeux vidéo ne créent pas le problème ou l’addiction, il y a déjà une pathologie en amont", soulignait de son côté auprès de Tech&Co Olivier Duris, psychologue-clinicien spécialiste des jeux vidéo.
Cela ne doit pourtant pas empêcher de surveiller la pratique du jeu vidéo chez les enfants. Un système de notation PEGI existe pour guider les parents sur les titres qui conviennent aux jeunes joueurs. De la même manière, le jeu vidéo ne doit pas devenir une échappatoire. "Il arrive que les enfants jouent parce qu’ils n’ont rien de mieux à faire. Ils jouent pour tromper l’ennui, ou parce qu’ils ne peuvent pas rejoindre leurs amis en dehors de la maison", expliquait à Tech&Co Yann Leroux, psychologue et spécialiste du domaine.
"La répétition d’expériences négatives avec les jeux vidéo est problématique, non pas à cause des jeux vidéo, mais parce qu’elle indique que l’enfant ne sait pas répondre d’une manière adaptée aux problèmes qu’il rencontre avec les jeux vidéo", ajoutait-il.
"Il est fort probable qu’il réponde d’une manière inadaptée à tous les problèmes du même type".
Interrogée sur BFMTV, la psychiatre Anne Sénéquier, également chercheure à l'Iris, réfute aussi le lien de causalité dans l'affaire Louis. "Le jeu vidéo a été l'étincelle qui l'a énervé mais il aurait pu regarder Squid Game, Walking Dead ou sortir d'une partie de laser game."
Dans certains cas, le jeu vidéo peut même être une bonne soupape, souligne Mickaël Stora. "Étrangement, chez les jeunes que je reçois, on a plutôt affaire à des personnalités très inhibées: jouer énormément aux jeux vidéo va d'une certaine manière réduire la jauge pulsionnelle. Cela va baisser la violence intérieure car il y a un effet cathartique."
Reste que, comme tout autre évènement d'une intense frustration ou de colère, le jeu peut parfois provoquer des drames. "Il peut arriver chez certains individus, qui ont préalablement de grandes fragilités, que cela déclenche des passages à l'acte meurtrier", reconnait Mickael Stora.
Pour les parents, il existe de nombreuses méthodes pour réguler la consommation de leurs enfants. Pour Fortnite, par exemple, une option parentale permet de contrôler le nombre d'heures possible sur le jeu.