Pédocriminalité via Telegram: la plateforme assure "dépasser ses obligations légales"

"Telegram reste la plateforme privilégiée des pédocriminels." C'est en tout cas ce qu'affirme le commissaire Quentin Bévan, chef du pôle opérationnel de l’Office des mineurs (Ofmin), qui a participé à une vaste opération de démantèlement d'un réseau de pédocriminalité.
En effet, après dix mois d'enquête, l'organisme a interpellé entre le lundi 19 et le jeudi 22 mai 55 hommes soupçonnés d'appartenir à un réseau de pédocriminalité actif. Tous officiaient via la messagerie Telegram. Ils y échangeaient des messages, et surtout, étaient en lien avec des pédocriminels "extrêmement dangereux", incarcérés depuis l'été dernier.
Plusieurs leviers d'action
Et, si Quentin Bevan reconnaît des progrès dans la coopération de la plateforme avec les enquêteurs, il considère que Telegram remplit "à peine le minimum de ses obligations légales" dans ce domaine.
Des affirmations réfutées par la plateforme. L'entreprise assure au contraire, dans une déclaration à BFMTV, "remplir et dépasser ses obligations légales en matière de lutte contre les contenus préjudiciables".
"Depuis 2018, Telegram lutte de plusieurs manières contre la pédocriminalité: bannissement basé sur l’empreinte numérique d’un contenu, équipes de modération dédiées, lignes d'assistance téléphonique pour les ONG et rapports de transparence quotidiens sur les contenus bannis - qui peuvent tous être vérifiés", liste-t-elle.
Historiquement, Telegram - qui n'est pas chiffré de bout en bout par défaut - s'était engagé à ne pas dévoiler d'informations sur ses utilisateurs. Résultat, la messagerie est rapidement devenue la plateforme préférée des criminels, en l'absence de modération et de réelle collaboration avec les autorités. Mais depuis l'été, le réseau social a visiblement opéré un virage de taille.
Fin septembre, Pavel Durov, le PDG du réseau social mis en examen par la justice française en raison de nombreux manquements de modération, a annoncé que la plateforme allait faire davantage d'efforts pour collaborer avec les autorités.
Une collaboration "pas assez rapide"
Elle s'est ainsi engagée à communiquer aux autorités les adresses IP ainsi que les numéros de téléphones, à condition que la demande d'information provienne d'un juge indépendant, comme le prévoit d'ailleurs la loi. Depuis, les requêtes ont explosé.
Selon le rapport de Telegram sur la période de juillet à septembre 2024, la messagerie a donné suite à 210 requêtes formulées par les autorités judiciaires françaises contre seulement quatre au premier trimestre, puis six au deuxième trimestre. Soit une hausse de 5.150%.
Entre janvier et mars 2025, ces requêtes pour la France sont restées stables. Dans son dernier rapport de transparence, Telegram explique avoir communiqué des informations provenant de 668 adresses IP/numéros de téléphones, touchant 1.425 utilisateurs.
Une meilleure collaboration avec les autorités, donc, mais qui reste insuffisante. "Elle n'est encore parfois pas assez rapide, on doit attendre parfois plusieurs jours un retour, contrairement à d'autres plateformes", confie une source policière auprès de BFMTV.
De son côté, Telegram, qui s'est exprimé auprès de Tech&Co, explique ce pic de requêtes par le fait que les autorités n'avaient tout simplement pris en compte "le canal de communication approprié" avant l'automne 2024. Ce canal a été activé dans le cadre du règlement européen sur les services numériques, le DSA.