Attaques de prison: comment la justice française a fini par faire plier Telegram

Après les attaques, place à l'enquête, classée comme terroriste. Le 15 avril 2025, plusieurs prisons et agents de la pénitentiaire ont été victimes d'attaques de divers ordres, accompagnées d'un tag "DDPF" pour "défense des droits des prisonniers français".
Un nom qui fait référence à une boucle Telegram de plusieurs milliers de personnes dans laquelle certains internautes publiaient des vidéos et messages menaçants. Un sujet pris très au sérieux par Gérald Darmanin, ministre de la Justice, et Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur. Le parquet national antiterroriste a d'ailleurs été saisi.
Telegram a depuis supprimé les messages et les vidéos, "contraires à ses règles" dans ce groupe. Le réseau social a souligné que "la publication d'appels à la violence et de menaces est explicitement interdite par les conditions d'utilisation."
Dans un rare communiqué, Telegram précise aussi que ses modérateurs ont supprimé "tous les messages concernés" après avoir été alerté et que la plateforme continue à "surveiller la situation".
Telegram collabore davantage avec les autorités
Le réseau social est depuis plusieurs années dans le viseur des autorités en raison de ses relations tumultueuses avec l'institution judiciaire. Telegram est rapidement devenue la messagerie préférée des criminels, en l'absence de modération et de réelle collaboration avec les autorités.
Mais l'arrestation et la mise en examen de son fondateur, Pavel Durov, à l'été 2024, a finalement obligé la plateforme à se conformer aux règles européennes. Car Telegram ne jouait pas le jeu de la coopération, comme l'expliquait Laure Beccuau, procureure de la République lors de l'arrestation du patron.
"La quasi-totale absence de réponse de Telegram aux réquisitions judiciaires a été portée à la connaissance de la section de lutte contre la cybercriminalité (J3) de la JUNALCO (Juridiction Nationale de Lutte contre la criminalité organisée, au sein du parquet de Paris), notamment par l’OFMIN (Office national des Mineurs)" expliquait-elle.
"Consultés, d’autres services d’enquête et parquets français ainsi que divers partenaires au sein d’Eurojust, notamment belges, ont partagé le même constat. C’est ce qui a conduit la JUNALCO à ouvrir une enquête sur l’éventuelle responsabilité pénale des dirigeants de cette messagerie dans la commission de ces infractions" a-t-elle encore souligné.
Forte hausse des transmissions d'informations
A l'automne 2024, le patron avait ainsi annoncé un changement dans la manière dont Telegram collaborait avec les autorités, indiquant que la messagerie allait désormais pleinement communiquer les données des utilisateurs dans le cas d'une demande d'un juge indépendant.
C'est précisément cette nouvelle donne qui a permis à la police française de brièvement mettre en garde à vue un homme soupçonné d'avoir proféré des menaces envers les établissements pénitentiaires.
Signe de cette collaboration accrue, les demandes d'informations sur des adresses IP ou des numéros de téléphone auprès de Telegram, par les autorités, ont bondi en l'espace de quelques mois. Au quatrième trimestre 2024, cela représentait, pour la France, 893 demandes pour 1.386 utilisateurs, contre seulement 4 demandes et 17 utilisateurs au premier trimestre de la même année.
Auprès de Tech&Co, Telegram a néanmoins contesté que la mise en examen de Pavel Durov ait eu un lien avec cette meilleure collaboration. "Ce n’est que depuis l’interpellation de Pavel Durov que les autorités françaises ont commencé à adresser leurs demandes judiciaires via le canal de communication approprié qui résulte du règlement européen "Digital Services Act (DSA)" assure l'entreprise.
"Telegram ignore encore à ce jour la raison pour laquelle les autorités judiciaires s’abstenaient de recourir à la procédure prévue par le droit en vigueur, alors que des autorités judiciaires étrangères s’y appliquaient" conclut Telegram.