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Maltraitance, critiques envers Kick, enquête ouverte… Ce que l'on sait sur la mort du streameur Jean Pormanove

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Après une série de lives extrêmes réalisés sur la plateforme Kick, le streameur Raphaël Graven, connu sous le nom de Jean Pormanove, est décédé à l'âge de 46 ans. Une enquête a été ouverte pour comprendre ce qui a pu arriver.

Que s'est-il passé dans la nuit du dimanche 17 au lundi 18 août 2025? Ce soir-là, le streameur Jean Pormanove est, comme depuis une dizaine de jours, en direct sur la plateforme Kick. Concurrente de Twitch, elle dispose d'un règlement bien plus permissif, autorisant des pratiques et des propos extrêmement problématiques.

Devant plusieurs milliers de spectateurs, Jean Pormanove est accompagné de deux autres streamers, qui ont pour pseudos Naruto et Safine. Dans des vidéos visibles sur les réseaux sociaux, on le voit être victime de brimades, forcé de réaliser des défis extrêmes et ingurgitant des produits toxiques. Le matin du 18 août, toujours en direct, on voit ses deux complices le découvrir inanimé, avant de couper le flux vidéo.

• Jean Pormanove, un adepte des défis extrêmes

De son vrai nom Raphaël Graven, Jean Pormanove était très présent sur les réseaux sociaux, notamment sur Tiktok (avec 582.000 abonnés), ainsi que sur la plateforme Kick (avec 193.000 abonnés). Il était un adepte de défis extrêmes.

Il avait quitté Twitch pour éviter le bannissement de sa chaîne, la plateforme d'Amazon ayant des règles très strictes en matière de traitement humain. Sur Kick, il avait pu multiplier les défis comme de la strangulation, des jets de peinture sur le visage, ou encore des coups portés sur son corps et son visage.

Il s'était fait connaître sur Tiktok en 2022, avant d'apparaître en direct accompagné de plusieurs autres streameurs sur sa chaîne Twitch puis Kick, devenant un objet d'attraction et d'audience pour des milliers de personnes.

• Mort dans des circonstances troubles

Le matin du 18 août, Naruto et Safine retrouvent Jean Pormanove inanimé. Les gendarmes dépêchés sur place n'ont pu que constater son décès, alors que le streameur se trouvait seul dans une salle dédiée aux défis qu'il pouvait entreprendre en direct.

Mais peu de temps avant que sa mort ne soit officialisée, des internautes faisaient état de plusieurs sévices dont il était victime depuis une dizaine de jours. Afin de comprendre ce qu'il s'est passé, une enquête a été ouverte par le parquet de Nice et la brigade de recherches. Le procureur a néanmoins indiqué "qu'à ce stade, il n'y a rien de suspect", confirmant au Parisien que "des auditions sont en cours".

Une autopsie, qui permettra de connaître les causes du décès, sera réalisée dans les prochains jours.

• Le gouvernement saisit l'Arcom

Face au drame, la ministre déléguée au Numérique, Clara Chappaz, a pris la parole, parlant d'une "horreur absolue".

"Jean Pormanovea été humilié pendant des mois en direct sur la plateforme Kick (...) j'adresse toutes mes condoléances à sa famille et à ses proches."

Elle a également demandé à l'Arcom d'enquêter sur Kick, la plateforme où la victime est décédée en direct. Mais le gendarme de l'audiovisuel risque de ne pas pouvoir agir: comme l'avait démontré une enquête de Mediapart sur Kick, aucun de ses représentants ne se trouve dans l'Union européenne. Il pourrait néanmoins saisir la justice dans le cas où la plateforme aurait été coupable d'un manquement.

• Kick, une plateforme très controversée

Si Twitch dispose d'une certaine hégémonie dans le milieu du streaming, un concurrent a néanmoins vu le jour il y a deux ans. Kick, fondée par des spécialistes en cryptomonnaie, a attiré des centaines de streamers, dont certains bannis de Twitch après certains comportements ou agissement problématiques, avec des revenus plus attractifs et des règles bien plus souples.

Tellement souples qu'elles permettent par exemple de jouer aux casinos en ligne -ce qui est strictement interdit en France ou sur Twitch, si cela concerne de l'argent réel. Mais on y trouve aussi de nombreuses dérives, comme des propos discriminants, des lives violents, et donc le type de contenu que diffusait la chaîne de Jean Pormanove.

Interrogée par Tech&Co, Kick a néanmoins expliqué être en train "d'examiner les circonstances de manière urgente" et affirme "collaborer avec les parties prenantes concernées".

• Deux autres streameurs mis en cause

On l'a dit, Jean Pormanove était accompagné ces derniers jours, en direct, de deux complices dont les pseudonymes sont Naruto et Safine. Ces derniers ont été mis en cause dans une enquête portant sur des soupçons de maltraitances envers des personnes vulnérables. Ils avaient été placés en garde à vue en janvier 2025, avant d'être finalement relâchés.

Le comportement des deux jeunes hommes pose néanmoins question. Selon les premières constatations, le corps de Jean Pormanove a été retrouvé seul dans cette pièce dans laquelle le trio dormait depuis déjà plusieurs jours. Les deux hommes sont donc pointés du doigt sur les réseaux sociaux.

En réaction à ce qu'il considère comme des "actes de harcèlement en ligne", maître Yassin Sadouni, l'avocat de l'un des mis en cause, explique qu'une plainte va être déposée "dans les prochains jours" afin d'identifier ceux faisant acte de "cyberharcèlement". Auprès de BFMTV, il précise que "juridiquement, à ce jour, mon client n'a pas été mis en cause dans l'affaire du décès".

"Ils étaient tellement proches qu'il le considérait comme un frère. Cela fait six ans qu'ils vivent ensemble. Il est en relation constante avec la mère du défunt."

"Il y a ce qu'on voit dans les vidéos et ce qu'il y a ensuite. Il y a ce qu'ils veulent montrer sur Kick et puis il y a la vraie vie," termine maître Yassin Sadouni.

Sylvain Trinel