Tech&Co
Données personnelles

Avant de partir, Eric Ciotti a mis la main sur la précieuse base de données des adhérents LR

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Auprès de Tech&Co, LR reconnaît que l'ancien président a reçu les données personnelles des adhérents, mais dément toute opération illégale.

C'est un butin de guerre particulièrement précieux, récupéré en plein cœur du psychodrame concernant l'alliance entre Eric Ciotti et le RN lors des dernières législatives. Quelques heures avant d'être exclu des Républicains (décision actuellement suspendue par la justice), Eric Ciotti a reçu, par le biais de son chef de cabinet, un mail de la part de la directrice générale (toujours en poste) du parti.

Dans cet échange daté du 11 juin et révélé par le Canard Enchaîné, on trouve un fichier Excel baptisé "Adhérents et non renouvelants". Autrement dit: la base de données contenant les nom, prénom et adresse mail des milliers d'adhérents LR. Des informations particulièrement utiles pour tenter d'inviter certains militants à suivre Eric Ciotti, mais aussi très sensibles, s'agissant de données à caractère politique.

Un problème de consentement

Auprès de Tech&Co, Daniel Fasquelle, trésorier actuel des Républicains, confirme l'information. Mais il estime qu'Eric Ciotti étant toujours président du parti à la date du 11 juin (l'exclusion a été prononcée le lendemain), il avait "le droit" d'accéder à ces informations.

"La directrice générale se serait mise en faute si elle ne lui avait pas donné" estime-t-il, auprès de Tech&Co, rappelant toutefois que n'étant plus président des Républicains, Eric Ciotti (qui a finalement annoncé sa démission le 22 septembre) n'a "plus le droit d'utiliser cette base".

La réalité pourrait être plus complexe que cela, estime Alexandre Archambault, avocat spécialisé en droit du numérique. Juridiquement, les adhérents ayant consenti à ce que LR utilise leur mail à des fins de communication n'ont pas pour autant consenti à ce que cette donnée soit utilisée par Eric Ciotti comme bon lui semble.

"La règle de base du consentement, c'est qu'il ne vaut que pour une finalité, pas pour une personne donnée, quelles que soient ses fonctions" résume Alexandre Archambault, auprès de Tech&Co.

Bien que toujours président des Républicains, Eric Ciotti n'avait donc pas le droit d'utiliser cette base de données à des fins personnelles, notamment pour inviter les adhérents LR à le rejoindre dans un nouveau mouvement politique.

"Amis d'Éric Ciotti"

Selon des captures d'écran publiées sur Twitter, des adhérents LR ont pourtant reçu un message signé Eric Ciotti, les redirigeant vers un site hébergeant une pétition créée par ses soins, appelant au "rassemblement des droite" et à une alliance avec le RN lors du second tour des législatives.

S'il était confirmé que la base de données des adhérents LR a été utilisée pour les inviter à signer la pétition d'Eric Ciotti, la pratique pourrait donc être qualifiée d'illégale par la justice: malgré la présence du logo "Les Républicains" sur la plateforme, les mentions légales précisent bien qu'elle est éditée par l'association À droite! Les Amis d'Éric Ciotti, baptisée depuis le 4 septembre 2024 Union des droites pour la République (UDR).

Le 13 juin, Eric Ciotti s'est félicité d'avoir obtenu 60.000 signatures, soit autant de données personnelles pour se constituer sa propre base de données. Dans un premier temps, la signature de la pétition impliquait d'ailleurs le consentement à voir son adresse mail utilisée à des fins de communication par Eric Ciotti.

Une pratique là encore illégale, qui a déjà mené à des sanctions contre le parti d'Eric Zemmour: une case à cocher, pour récolter le consentement d'un internaute, ne peut être utilisée pour deux finalités différentes (signer une pétition et s'inscrire à une newsletter, par exemple).

Comme le rappelle Alexandre Archambault, la collecte frauduleuse de données personnelles est punie de cinq ans de prison et 300.000 euros d'amende, avec une peine complémentaire d'inéligibilité lorsqu'il s'agit de données à caractère politique.

Contactés par Tech&Co, Eric Ciotti n'a pas donné suite.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co