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"Il nous méprise": des salariées du Mémorial de Caen dénoncent le management mis en place par le directeur

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BFM Normandie a recueilli les témoignages de salariées du Mémorial de Caen, qui dénoncent des propos rabaissants, des licenciements, et des mises au placard. Un audit a été diligenté par la mairie mais des salariés estiment que celui-ci n'a pas été bien mené.

Un climat étrange règne depuis plusieurs mois au Mémorial de Caen. En un an, 13 salariés ont quitté leur poste au sein du musée historique sur un peu plus de 80 employés, alors que plusieurs d'entre eux alertent sur le management mis en place par le directeur général Kléber Arhoul depuis son arrivée au début de l'année 2023.

BFM Normandie a recueilli les témoignages de plusieurs salariées du Mémorial de Caen, qui s'expriment anonymement.

Un management autoritaire dénoncé par des salariées

Dans les témoignages recueillis par BFM Normandie, les salariées dénoncent un management autoritaire, des propos rabaissants, des licenciements, des rétrogradations et des mises au placard, avec des conséquences sur la santé mentale de certaines d'entre elles.

"J'ai été en arrêt pendant neuf mois, sous antidépresseurs, parce que j'ai été mise totalement au placard", témoigne Caroline*, une ancienne employée du musée.

"On est confronté tous les jours à un discours très ferme… Cette année pendant le déjeuner du séminaire d’entreprise, il a répété quasiment une dizaine de fois, l’équipe c’est moi. Le discours c’était tout est nul… Vous êtes des nuls", se rappelle une salariée du Mémorial de Caen.

"Il nous a tous isolés les uns les autres, il nous méprise, nous les salariés… Il n’y a aucune reconnaissance de l’expérience acquise, on est concerté sur rien", déplore une troisième employée.

"Ça fait au moins deux ans que ça dure. Il met de plus en plus de gens au placard. Monsieur Arhoul ne nous donne plus aucune information sur ce qu'il se passe... Par exemple, maintenant, il y a des projections de films de conférence, que l'on apprend dans le journal ou via les visiteurs… C'est les visiteurs qui nous disent il y a tel film dans le musée et nous, on est pas capable de les renseigner", explique une autre salariée.

"J'ai vu ma responsable, revenir dans des états de stress incroyable, qui pleurait. Un soir nous sommes restés pour du travail, elle m'a confié qu'elle suivait un traitement. Elle redoutait que ça se termine mal pour elle", témoigne une autre employée.

Un audit conduit qui conforte le directeur général

Face à ce climat, des salariés affirment avoir tenté d'informer Joël Bruneau, maire de Caen jusqu'à l'été 2024 et désormais député, et l'édile actuel Aristide Olivier. En vain, selon l'une des salariées, qui affirme que si un audit a bien eu lieu, celui-ci n'a pas été bien mené et n'a pas interrogé tous les salariés.

"Quand je suis revenu sous la direction de Kléber Arhoul, c'était la descente aux enfers, il n'y avait plus de limite au mépris, plus de remparts. Les directeurs m'ont enfoncé encore plus et m'ont mise au placard. Le maire a diligenté un audit qui devait interroger sur les pratiques managers du mémorial de Caen. Ils n'ont interrogé que des cadres et pas tous les cadres. Moi je n'ai pas été interrogé et sur les pratiques managériales, il faut interroger toutes les strates d'une organisation", soutient Caroline.

Celle-ci pointe la responsabilité de l'ancien maire, Joël Bruneau. "Le résultat a été pipé d'avance. Le résultat a conforté le directeur général. Donc Joël Bruneau a conforté Kléber Arhoul dans son poste", affirme-t-elle.

Le maire (divers droite) Aristide Olivier, interpellé récemment en conseil municipal par Aurélien Guidi, élu de l'opposition, se dit attentif à la situation du mémorial de Caen mais affirme avoir besoin d'éléments factuels pour agir.

"Mon rôle, c'est de protéger cette institution, mais ma réponse ne peut s'appuyer que sur des choses factuelles et tangibles. Or, à ce jour, nous avons mandaté un audit en décembre 2023 qui n'a pas relevé de choses anormales. Nous avons des représentants du personnel qui n'ont jamais demandé à me rencontrer - je les rencontrerai d'ailleurs à ma demande dans quelques jours - nous avons une cellule de signalement à l'intérieur de l'établissement qui n'a pas reçu de témoignage, et les signalements qui ont été faits auprès de l'inspection du travail et de la médecine du travail n'ont pas donné de suites", affirme Aristide Olivier.

Caroline assure pourtant avoir rencontré Aristide Olivier en octobre 2024. "Il a été alerté par moi et par des directeurs, il était très au fait des choses", assure l'ancienne employée.

Un climat de peur

D'autres salariées qui prennent la parole anonymement avancent une peur des représailles parmi les employés du mémorial.

"Les équipes ne veulent pas parler… Parce que les trois directeurs qui ont parlé, et qui se sont exprimés face à lui… Ces trois personnes sont parties ont été licenciées ou ont été rétrogradées. Donc les salariés ont peur de parler", explique l'une des salariées.

"Il n’a aucun scrupule à dire, c’est moi le directeur, c’est moi qui décide et je vous dégage quand je veux. Les gens n’osent pas réagir, parce qu’ils ont besoin de manger et il peut les licencier sans raison", ajoute-t-elle.

Contacté par BFM Normandie le directeur général Kléber Arhoul n'a pas souhaité s'exprimer. Il a simplement déclaré qu'il choisirait le moment venu pour répondre, souhaitant éviter la précipitation et l'instrumentalisation.

Pour l'heure, aucune condamnation n'a été prononcée contre le directeur général. Une condamnation au Prudhomme a cependant été prononcée pour harcèlement moral contre le Mémorial de Caen.

*Le prénom a été modifié.

Paul Biloquet et Célia Ngatsongo avec Pauline Lecouvé