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"C'est vraiment très bien fait": la vente d'objets liés au Débarquement attire de plus en plus de faussaires

Plusieurs milliers de militaires participent aux célébrations du Débarquement en 2020.

Plusieurs milliers de militaires participent aux célébrations du Débarquement en 2020. - JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP

Alors que des milliers de personnes ont célébré le 81e anniversaire du Débarquement sur les plages de Normandie en juin 1944, la vente d'objets ayant appartenu à des soldats américains, comme allemands, séduit toujours. Quitte à mener parfois à des arnaques.

Le marché du militaria lié au Débarquement du 6 juin 1944 et à la bataille de Normandie, où s'échangent divers objets militaires, connaît un fort engouement depuis une vingtaine d'années, avec, comme revers de la médaille, des faux de plus en plus crédibles en circulation.

"Ça attire beaucoup de monde, beaucoup de faussaires", s'inquiète Emmanuel Delgado, expert agréé en militaria par la chambre européenne des experts-conseils en oeuvre d'art.

L'explosion du marché des objets militaires de la bataille de Normandie n'est pas un hasard: "il y a toujours eu des modes, depuis 15-20 ans on est vraiment sur la mode de la Seconde Guerre mondiale dûe au cinéma, aux séries TV".

Depuis la série de la chaîne américaine HBO "Band of Brothers" sur la 101e Airborne Division, "il y a un énorme engouement sur le parachutiste américain", poursuit Emmanuel Delgado.

"Il y a 20 ans, un uniforme de para américain de la bataille de Normandie pouvait coûter entre 3 et 5.000 euros, maintenant le pantalon ça peut être 20.000 euros", estime-t-il.

"Le parachutiste allemand c'est beaucoup plus rare, c'est ce qu'il y a de plus cher dans le militaria côté Normandie", explique l'expert. Cette différence s'explique par la rareté du matériel allemand, produit dans des quantités bien moindres que les stocks américains.

"Si vous trouvez quelque chose de régimenté (identifié comme ayant appartenu à un soldat d'une unité en particulier, NDLR) comme le casque du sixième régiment des paras allemands à Carentan-les-Marais, il se vend entre 30 et 40.000 euros", d'après Emmanuel Delgado.

"Mais on est confronté à beaucoup de reproductions, c'est assez compliqué maintenant même pour les experts", s'inquiète Emmanuel Delgado. Des objets "vieillis et vendus comme de l'original, c'est vraiment très bien fait", reconnaît-il.

Pour éviter les arnaques, il faut selon lui "un expert agréé, s'entourer de professionnels, acheter des livres, et c'est aussi l'expérience, il faut toucher des pièces".

"Faux de qualité"

Harnachés de la tête aux pieds en paras américains, Simon, Maximilien, Jules et Kevin, la vingtaine, sont venus chiner sur une vente en face du cimetière américain de Colleville-sur-mer (Calvados).

"Ça fait dix ans que je collectionne, l'essentiel de ma tenue est composée de copies, les originaux sont trop chers", regrette Jules, 22 ans, chauffeur routier au Havre. Sa tenue intégrale est estimée à 700 euros, des pièces trouvées sur internet ou dans des bourses, pour une collection totale de 10.000 euros avec quelques originaux.

Il lui arrive "souvent" de se voir présenter des faux, il essaie donc d'acheter "au plus petit prix possible en cas d'erreur".

Matthieu Dumias, directeur du Military classic center à Grandcamp-Maisy (Calvados), est aussi confronté aux faussaires.

"C'est très complexe parfois, il y a eu énormément de modifications, de falsifications dès les années 80, des faux de qualité dont la peinture ou le camouflage ont déjà quarante ans de vieillissement", prévient-il.

Collectionneur depuis 1994, il vend du militaria toute l'année et organise dans son entrepôt deux ventes aux enchères par an. "C'est pour ça que les maisons de vente font un tabac, on a la possibilité de faire appel à plusieurs experts et acheter des pièces garanties, authentifiées, avec commissaire priseur, (cela) sécurise l'acheteur", se rassure-t-il.

Les plus difficiles à authentifier sont les vraies pièces issues de la bonne période mais transformées pour les attribuer à une unité d'élite "pour lui redonner une valeur", selon le vendeur, "des fois ça a été fait avec du fil authentique, la machine outil authentique".

"Les insignes comme ça dans du métal blanc", dit-il en indiquant une casquette SS avec un insigne à tête de mort, "les faussaires en ont fait avec la presse d'origine, la matrice d'origine, qu'est-ce que tu veux faire? C'est compliqué", conclut-il.

L.P. avec AFP