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"Comme une deuxième mort": indignation après la profanation du tata sénégalais de Chasselay

La profanation de la nécropole a suscité une vague d'indignation.

La profanation de la nécropole a suscité une vague d'indignation. - BFM Lyon

Le tata sénégalais de Chasselay, au sein duquel 196 tirailleurs morts pendant la Seconde guerre mondiale sont inhumés, a été profané cette semaine. Un acte qui suscite une grande indignation.

Une dégradation révoltante. Ce mercredi 30 janvier, plusieurs tags et dégradations ont été découverts dans le "tâta" ("terre sacré") sénégalais de Chasselay. Unique cimetière africain en France, le site est une nécropole militaire où 196 tirailleurs morts pendant la Seconde guerre mondiale sont inhumés.

Une dizaine de leurs noms ainsi qu'une plaque commémorative ont été recouverts de peinture noire. "S'attaquer au nom, chercher à les effacer... C'est tout simplement chercher à les détruire définitivement", déplore Ya Mutuale Balume, président du collectif Africa 50, au micro de BFM Lyon.

Tombés pour la France lors du massacre de Chasselay

Ces noms sont ceux de soldats tombés dans des conditions extrêmement violentes lors du massacre de Chasselay les 19 et 20 juin 1940. Membres du 25e régiment de tirailleurs sénégalais, ces derniers avaient pour mission de retarder l'arrivée des troupes allemandes, afin de protéger les arrières de l'armée des Alpes.

Cernés de toute part, à court de munition, les tirailleurs sont abattus ou capturés. Galvanisés par la propagande raciste du régime nazi, les soldats allemands séparent les militaires blancs des noirs et tuent ces derniers en les mitraillant.

Une poignée de survivants parvient à s'enfuir, tandis que les habitants de la région, horrifiés, enterrent les corps dans une fosse commune.

À l'initiative de Jean Marchiani, secrétaire général de l'Office départemental des Mutilés, Combattants, Victimes de la Guerre et Pupilles de la Nation du Rhône, les dépouilles seront identifiées puis rassemblées au sein du "tata", inauguré le 8 novembre 1942.

Cette dégradation, "C'est comme mourir une deuxième fois", explique Ya Mutuale Balume. "Cette mort symbolique est beaucoup plus violente. Nous la ressentons ainsi, avec beaucoup de souffrance", poursuit-il.

En plus de la dégradation des plaques, une inscription faisant référence au vaudou a été écrite sur un mur et le drapeau français a été retiré. "Le mot vaudou fait référence à des croyances religieuses africaines (...). Le vaudou a été important dans la conquête de l'indépendance d'Haïti, qui est une référence pour les pays africains", détaille Ya Mutuale Balume, invité de BFM Lyon ce vendredi 31 janvier.

Ce dernier évoque un "acte d'inculture", en expliquant que ces soldats sont venus se battre pour les "valeurs de la république que nous avons en commun: la liberté, l'égalité et la fraternité".

"Honte et indignité"

Présent sur place avec sa maman après avoir entendu parler de la dégradation du cimetière à l'école, Nolan estime que cet acte est "inadmissible, méchant".

"Quand je vois ça, je trouve ça presque traumatisant. Je me dis 'comment on peut en arriver à de tels actes?' Même une personne qui ne connaît pas toute l'histoire savait que c'était un lieu sacré", ajoute sa maman.

"Honte et indignité" a réagi Emmanuel Macron sur X ce mercredi. "Les Français savent ce qu'ils doivent aux tirailleurs sénégalais morts pour la France", a également ecrit le président.

Pour Patricia Miralles, ministre en charge des Anciens combattants, "s'attaquer à nos morts, c'est s'en prendre à la France elle-même". Fabienne Buccio, préfète du Rhône, a quant à elle assuré que tout sera mis en œuvre pour "assurer une remise en état rapide de la nécropole".

Le parquet de Lyon a ouvert une enquête pour profanation de sépulture commise en raison de la race, l'ethnie, la nation ou la religion.

Mathias Fleury