Affaire Arthur Naciri: prison avec sursis requise pour les deux policiers

Dix mois de prison avec sursis ont été requis jeudi contre deux policiers accusés de violences sur un jeune homme qui avait eu neuf dents cassées lors d'une manifestation contre la réforme des retraites en décembre 2019.
Après quatre renvois, les deux prévenus, membres de la brigade anticriminalité (BAC) lyonnaise, ont comparu pour "violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique" dont l'un pour des faits "ayant entraîné plus de huit jours d'ITT" sur Arthur Naciri, alors âgé de 23 ans.
De passage à Lyon et présent selon lui "par hasard" au sein du cortège réunissant plus de 10.000 personnes, le jeune saisonnier avait eu 21 jours d'ITT, ainsi que des milliers d'euros de frais dentaires.
"Une interpellation n'est pas synonyme de matraquage", a clamé le procureur dans son réquisitoire, ajoutant: "cette technique d'interpellation n'est pas nécessaire, et elle est grave."
"J'en rêvais (du procès) depuis des années, ça fait du bien de vider son sac et de voir qu'il y a consensus sur le fait que ce qui m'est arrivé est complètement anormal" a réagi Arthur Naciri, qui attend désormais "des sanctions exemplaires", auprès de l'AFP.
Des images de l'arrestation diffusées lors du procès
L'avocat du plaignant, Me Fourrey, a souligné l'importance des 180 photos et des vidéos prises par des témoins, éléments-clé de ce procès très attendu, et sans lesquelles "M. Naciri ne serait même pas là."
Ces images clés ont été diffusées lors du procès sur les écrans du tribunal. On peut y voir M. Naciri être agrippé par un policier et être ensuite relâché la bouche ensanglantée.
Aucun des prévenus n'a reconnu les faits durant l'audience, l'un expliquant ne pas avoir porté de coup, l'autre démentant avoir frappé la victime au visage.
"Je suis désolé de vous le dire, mais je ne sais pas comment M. Naciri a perdu ses dents", a ironisé le conseil des prévenus spécialisé dans la défense des forces de l'ordre, Me Laurent-Franck Liénard, en plaidant la relaxe.
C'est après la diffusion dans la presse de photos et de vidéos prises par des témoins montrant le jeune manifestant la bouche ensanglantée que le parquet de Lyon avait ouvert une enquête et que l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) avait été saisie.
"Ils ont fait du mieux qu'ils pouvaient"
À l'issue du procès, l'avocat des policiers de la BAC a reconnu que "des violences illégitimes" avaient "forcément" eu lieu dans la mêlée ayant occasionnée les graves blessures d'Arthur Naciri. Pourtant, Me Laurent-Franck Liénard l'assure au micro de BFM Lyon, ses clients "ne sont pas responsables des violences [...] commises sur monsieur Naciri" et "ont fait du mieux qu'ils pouvaient" lors de l'intervention.
Ce dernier a de son côté confié sur notre antenne être "abasourdi" par la défense des policiers "qui n'assumeront jamais", tout en partageant la réquisition du procureur. "Ce n'est pas lui qui prend la décision, mais je suis en accord avec ce qu'il a préconisé", a déclaré la victime.
"C'est un soulagement de pouvoir parler, de pouvoir être entendu, [...] de voir que la justice peut agir", confie Arthur Naciri au micro de BFM Lyon.
Initialement prévu en décembre 2020, le procès a été renvoyé en février 2021, à cause d'un audiencement trop chargé et de l'indisponibilité de l'avocat de la défense, Me Laurent-Franck Liénard.
La défense a ensuite demandé un second renvoi pour analyser une photographie produite par la partie civile, montrant que l'auteur des coups n'était pas celui désigné par l'IGPN au terme de son enquête.
L'audience suivante, fin septembre 2021, a été repoussée en avril 2022 - l'expertise des images n'étant pas encore disponible. Puis celle d'avril reportée à nouveau pour un "audiencement trop chargé", dont la partie civile dit avoir été informée la veille.
Le jugement a été mis en délibéré jusqu'au 24 novembre prochain.