Des exportations qui bondissent de 20%: la vague des cosmétiques coréens commence à faire peur au géant français L'Oréal

Campagne Erborian - Erborian
Pendant que les sérums coréens envahissent les rayons de Monoprix et que les routines beauté à dix étapes cartonnent sur TikTok, L’Oréal ralentit et s’interroge. Confronté à l’ascension fulgurante de la K-Beauty, le champion français fait face à de nouveaux defis. Car, derrière les masques en tissu et les routines à rallonge, c’est toute la carte du pouvoir cosmétique mondial qui est en train de se redessiner.
L’Oréal fragilisé sur ses marchés clés
Depuis le second semestre 2024, L’Oréal affiche un net ralentissement en Amérique du Nord. Officiellement, le groupe pointe plusieurs explications: une demande en maquillage moins dynamique, une stabilisation des ventes des produits dermo-cosmétiques post-Covid ou encore des conditions météorologiques peu favorables à l'achat de soins solaires. Pourtant, une note du bureau d'étude d’AlphaValue suggère une réalité plus structurelle: celle de la concurrence face aux produits de beauté coréens.
"La popularité croissante des marques plus jeunes et socialement natives et l'expansion continue de la K-Beauty modifient clairement le marché", observe le rapport.
Pour la multinationale française, il ne s’agit donc plus seulement de rattraper un cycle économique mais bien de composer avec un bouleversement culturel porté par une nouvelle vision de la beauté – celle qui vient de Séoul.

Les leaders de ce marché s'appellent Beauty of Joseon, Yepoda, MiiN Cosmetics, Erborian ou encore LaNeige et les plateformes Oh My Cream, Pibu ou encore Miloon. Sérums à la bave d’escargot, masques en tissu à la niacinamide, soins en dix étapes ou encore patchs décongestionnants, la K-Beauty n’a rien d’une simple mode. Elle est désormais une industrie solide, structurée et en expansion mondiale. Avec son approche ludique, experte et technophile de la beauté, elle séduit une génération avide d’efficacité, de storytelling et de valeurs différentes. Autre raison du succès: les marques coréennes proposent des prix très compétitifs face aux grands noms de la beauté traditionnelle comme Estée Lauder ou Shiseido.
Preuve en est, en 2024, les exportations de cosmétiques sud-coréens ont atteint un record historique de 10,2 milliards de dollars, soit une hausse de 20,6% par rapport à l’année précédente. Fait notable, les États-Unis ont notamment importé pour 1,41 milliard de dollars de produits coréens, soit 22,2% des importations de cosmétiques du pays.
Une percée fulgurante en Europe
Et ce phénomène ne s’arrête pas aux frontières nord-américaines. En 2024, l’Europe – et plus particulièrement la France, a vu une implantation massive et rapide de l’univers K-Beauty. Dans les rues de Paris, Lyon ou Marseille, les boutiques spécialisées en cosmétiques coréens, tout comme les plateformes e-commerce, pullulent. Les Galeries Lafayette et le Printemps ont ouvert des sections permanentes dédiées, le BHV a lancé le Paris Korean Club, tandis que Monoprix s’est mis à distribuer et promouvoir activement ces produits depuis le printemps dernier. Face à ce raz-de-marée, L’Oréal tente de réagir :
"Le groupe continuera à innover en matière de produits et d'emballages afin de reconquérir les jeunes consommateurs de plus en plus tournés vers des marques émergentes et hyperconnectées" souligne le PDG de l'Oréal Nicolas Hieronimus.
Après Jacquemus et Amouage, L'Oréal a également investi, en février dernier, dans Born to Stand Out, une marque de parfumerie de niche coréenne qui connaît un grand succès à l’international.

En effet, c’est à travers une levée de fonds que la société française participe, aux côtés du fonds américain Touch Capital, dans cette griffe premium créée par le Sud-Coréen Jun Lim. Appellations disruptives (Fig Porn, Dirty Rice ou encore Naked Laundry), designs évoquant la porcelaine de l'ère Joseon (1392-1910) et compositions utra-travaillées, cette griffe de parfums se targue d’apporter un souffle nouveau sur un secteur quelque peu conventionnel.
Une nouvelle bataille stratégique pour L'Oréal
Si cette incursion dans la parfumerie de niche est stratégique, cela est pourtant loin de suffire. En effet, ce sont sur les produits de grande consommation que L'Oréal doit se repositionner. Car, si les parfums haut de gamme bénéficient, eux, de barrières élevées à l'entrée grâce à des années d’investissements en recherche & développement et en marketing, le marché de masse est, lui, confronté à une concurrence beaucoup plus féroce de la part des acteurs asiatiques. La situation est d’autant plus critique que la division des produits de grande consommation représente 37 % du chiffre d’affaires total de L’Oréal. Or, ce segment est précisément celui où la K-Beauty est la plus agressive.

Pour conserver son leadership, le groupe L'Oréal devra donc redoubler d’efforts. Accélérer ses acquisitions de marques jeunes et digitales, adapter ses cycles de production aux nouvelles tendances ultra-rapides, et repenser sa communication face à des consommateurs plus exigeants, plus informés et moins fidèles. Pour L’Oréal, cette structuration du marché est à la fois un risque et une opportunité. Il est question de conquête, de flair et, surtout, de ne pas laisser passer la vague coréenne… sans surfer dessus.