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Retraites, services publics: quelles seraient les premières orientations économiques de Lucie Castets?

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La candidate déclarée du NFP au poste de Première ministre réaffirme son soutien au programme économique de la gauche. Mais son profil penche aussi pour plus de services publics et une lutte renforcée contre la fraude.

Lucie Castets a déclaré hier soir accepter "en toute humilité mais avec beaucoup de conviction" la proposition du Nouveau Front Populaire, de la nommer à Matignon. Des convictions, sur le plan économique notamment: interrogée ce mercredi sur France Inter, pour sa première prise de parole politique, elle a confirmé que sa première mesure irait à l'abrogation de la réforme des retraites, alors que LFI annonçait hier déposer une proposition de loi pour étudier à la rentrée cette abrogation.

"Parmi nos priorités il y a l’abrogation de la réforme des retraites, car c’est une réforme injuste", a-t-elle estimé.

Alors que le RN a annoncé rejoindre l'initiative, non sans critiquer la méthode - Jean-Luc Mélenchon avait annoncé une abrogation par décret mais c'est finalement un projet de loi (en cas de gouvernement) ou une proposition de loi (si la gauche reste dans l'opposition) qui seront lancés - Lucie Castets botte en touche.

"Sur la méthode, on est encore en train de travailler. La priorité c’est d’abroger et de donner ensuite la main aux partenaires sociaux, pour savoir comment on financera cette abrogation et remettre les sujets de la pénibilité, des petites retraites, sur la table."

Une indication forte sur ce que pourrait devenir le système paritaire sous la gauche. Maltraité par Emmanuel Macron, qui a souvent repris la main dans les négociations entre organisations syndicales, il pourrait être réhabilité. La directrice des finances de la mairie de Paris semble également reconnaître la nécessité de financer des déficits, qui seront présents au moins dans les années à venir, conformément aux dernières projections du Conseil d'Orientation des Retraites (COR).

Revaloriser les salaires... y compris des fonctionnaires

Lucie Castets entend par ailleurs suivre le programme du Nouveau Front Populaire concernant la revalorisation du SMIC à 1.600 euros. Mais pas seulement.

"La priorité est la revalorisation des salaires dans leur ensemble pour bien vivre de son travail: SMIC et point d’indice des fonctionnaires, j’insiste là-dessus."

Les salariés du privé comme du public pourraient ainsi faire l'objet d'un choc positif, au motif du manque d'attractivité de la fonction publique. "Les concours n’attirent plus. 3.200 postes d'enseignants dans le primaire et le secondaire n'ont pas pourvus aux concours de cette année, ce sont des enfants qui n’auront pas de professeur à la rentrée."

Le service public manque pour Lucie Castets de "vision" et de "moyens". "Les moyens sont augmentés à la marge, de façon insuffisante. En termes de vision, on a privé le service public de sa mission de répondre aux besoins des gens. Cela passe par la survalorisation du fonctionnement du privé, et par de l'externalisation."

Elle a co-fondé en 2021 le collectif Nos services publics, marqué à gauche. Il milite pour un renforcement des services publics, critiquant les dernières orientations budgétaires, par exemple, ou le recours à des vacataires et prestataires privés au sein de l'Etat.

Assumer et financer la dette

Lucie Castets se montre enfin engagée dans le domaine de la fraude fiscale, qu'elle chiffre autour de "7 à 27 milliards" d'euros par an pour les particuliers, et autour de "25 milliards d'euros pour les sociétés".

"Il faut lutter pour lutter pour faire revenir de l'argent à l'Etat, mais aussi pour des raisons de justice sociale", souligne-t-elle.

Elle s'oppose là encore à la réduction des effectifs qui a eu lieu sous la mandature d'Emmanuel Macron. Une réduction qu'elle a pu observer de près. Au sein de la direction général du Trésor, rattachée au ministère de l'Economie, d'abord: l'énarque y a fait ses classes, en tant qu'adjointe au chef de bureau dans différentes unités, du financement de l'économie aux sanctions internationales, en passant par la coordination européenne. Elle a aussi dirigé pendant deux ans les affaires internationales de Tracfin, le service de renseignement financier de l'Etat.

Récupérer l'argent de la fraude, c'est faire augmenter les recettes fiscales, qu'elle chercherait en outre à faire fructifier pour financer de nouvelles dépenses. "Nous ne sommes pas des personnes illuminées qui pensent que la contrainte de la dette n’existe pas, surtout dans une période où les taux remontent. On dit simplement qu’il faut regarder comment on dépense l’argent de l’État. Tous les ans, les entreprises reçoivent 200 milliards d’euros d’argent public, la plupart sans condition", expliquait-elle au journal Politis en 2023.

Lucie Castets a ainsi taclé la stratégie du gouvernement, de baisser les impôts et taxes, notamment sur les entreprises. 50 milliards d'euros ont été prélevés ces dernières années par la majorité - autant que les économies désormais réclamées par la Cour des Comptes.

"On fait souvent un procès en responsabilité à la gauche, mais le gouvernement a un bilan négatif. Il a réduit les recettes fiscales, et on se retrouve dans cette situation. Le NFP à l’inverse vise à rétablir l’ISF, à étaler l’impôt en fonction des besoins", assume-t-elle.

En ligne là encore, donc, avec le programme de la gauche, Lucie Castets a en outre déjà défendu son bilan à la tête des finances de Paris. "La dette de Paris n’a aucune commune mesure avec la dette avec l’État. Et je suis fière d’avoir participé au financement des projets de très long terme dans l’écologie", explique-t-elle.

La capitale a atteint 8,2 milliards d'euros de dette en 2023, et ce sera 9,2 milliards en 2026. L'opposition y réclame des économies. Mais l'agence de notation Moody's lui a attribué la meilleure note possible, saluant une dette "croissante" mais "soutenable", et des pratiques budgétaires "prudentes".

Valentin Grille