Déficit à 3% en 2027: Moscovici estime que "50 milliards d'euros d'économies risquent d'être un minimum"

La récente dégradation de la note de la dette publique française par l'agence Standard & Poor's remet un coup de projecteur sur la situation critique des finances publiques de la France. C'est en tout cas ce que considère le premier président de la Cour des comptes Pierre Moscovici qui a donné une interview à La Tribune Dimanche dans laquelle il rappelle que le pays est "au pied du mur" et qu'"il faut prendre cet avertissement au sérieux" bien que "notre signature reste de très bonne qualité".
Le magistrat de la rue Cambon regrette notamment que les importantes et nécessaires dépenses effectuées pendant la pandémie aient été prolongées lors de la crise inflationniste alors qu'une grande partie des pays de la zone euro en ont profité pour réduire leur dette. "Nous avons d'un côté supprimé 28 milliards d'euros de dépenses exceptionnelles liées à des mesures Covid et à la sortie progressive du bouclier énergétique, indique-t-il. Mais simultanément 29 milliards de nouvelles dépenses ordinaires ont été engagées." Une gestion budgétaire qui n'est pas sans alimenter le scepticisme du premier président de la Cour des comptes quant à la trajectoire portée par le gouvernement :
"Pour revenir à 3% du PIB en 2027, le gouvernement a projeté 50 milliards d'euros d'économies sur trois ans, chiffre qui risque au demeurant d'être un minimum."
Impossible de concilier croissance forte et déficit public sous les 3% en 2027
Pierre Moscovici a ainsi rappelé les trois leviers de réduction des déficits publics. Tout d'abord des réformes structurelles pour favoriser la croissance mais celle de la France ne devrait pas suffire si on en croit les projections autour de 1%. Il ne sera d'ailleurs pas possible de concilier un objectif de croissance élevée en 2026 et 2027 avec une réduction du déficit public sous les 3%. La deuxième piste est la hausse des impôts, mais le Sage de la rue Cambon redoute un "ras-le-bol fiscal". Selon lui, la réduction des dépenses est donc la voie à privilégier et cela peut se faire "sans dégrader notre modèle social et sans sacrifier les dépenses d'avenir".
"La vraie raison pour laquelle nous devons agir, ce n'est pas pour faire plaisir aux agences de notation, c'est pour nous-mêmes, pour renforcer notre souveraineté et investir dans les dépenses utiles, notamment pour le climat."
L'ancien ministre des Finances de François Hollande s'inquiète en particulier de la hausse rapide de la charge de la dette qui a doublé entre 2021 et aujourd'hui, passant de 25 à 50 milliards d'euros, et qui pourrait dépasser les 80 milliards d'euros en 2027. "En sept ans, on passera donc de l'équivalent du budget du logement à celui de la défense puis celui de l'éducation, signale-t-il. Comment l'État pourra-t-il agir si la charge de la dette devient durablement le premier budget de la nation ? Il ne sera pas possible de financer la transition énergétique et réarmer la France avec un tel poids de la dette publique !"
Alerte sur l'Assurance maladie
Alors que les dépenses publiques sont allouées à 50% vers la Sécurité sociale, Pierre Moscovici appelle à reprendre en main celles de l'Assurance maladie. "La dégradation est telle que les déficits deviennent supérieurs à la capacité de reprise de ces derniers par la Cades [Caisse d'amortissement de la dette sociale], alerte-t-il. Ce qui signifie que la dette sociale à horizon 2027 n'a plus de financement durable." Mais il évoque aussi une réduction du plafonnement du crédit d'impôt pour les emplois à domicile, une révision de la politique du logement ou encore de celle consacrée à l'apprentissage.
"L'essentiel pour moi est la qualité de la dépense publique : on peut faire beaucoup mieux sans dépenser plus!"
Dans quelques semaines, les Sages de la rue Cambon remettront à Gabriel Attal trois rapports de revue des dépenses : l'un sur l'Assurance maladie, un autre sur le financement des collectivités territoriales et le dernier sur la sortie des dispositifs pour faire face aux crises Covid et énergétique.