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Pouvoir d'achat: qui sont les gagnants et les perdants des réformes fiscales?

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Une étude de l'Institut des politiques publiques remet en cause le bilan de l'exécutif sur les réductions des inégalités. Des conclusions que ne partage pas Bercy qui a publié un bilan inverse il y a quelques semaines.

Qui sont les grands gagnants du quinquennat Macron? A quelques mois de la présidentielle, une étude l’Institut des politiques publiques (IPP), un organisme de recherche indépendant partenaire de l'Ecole d'économie de Paris écorne un peu l’image de l’exécutif.

L'institut s'est penché sur les différentes mesures de redistribution prises durant le quinquennat pour mesurer l'impact qu'elles ont eu sur le pouvoir d'achat.

Premier constat: l'ensemble des Français a globalement profité des décisions de l'exécutif. En moyenne, le gain aura été de 1,6% par an entre 2017 et 2022, soit 397 euros par an.

Durant la période, la fiscalité a baissé de 28,1 milliards d’euros (suppression de la taxe d’habitation, réforme du barème de l’impôt sur le revenu, défiscalisation des heures supplémentaires, transformation de l’ISF en IFI...).

De l’autre côté, les prestations sociales ont aussi baissé, mais dans des proportions bien moindres (-4,2 milliards d'euros). Principalement la sous-revalorisation des retraites (en 2019 et 2020) et la réforme de l’assurance chômage. Mais certaines prestations ont augmenté comme la prime d’activité (+2,7 milliards d'euros).

"Président des riches"?

Sauf qu'il s'agit là de moyennes. Il faut rentrer dans le détail pour avoir une vision plus juste. Si on divise la population en 100 groupes de revenus équivalents on voit en gros une classe moyenne qui a profité de la baisse de l’impôt sur le revenu et de la taxe d’habitation.

Ainsi qu'une classe d’actifs modestes qui a profité de la prime d’activité et des hauts revenus qui ont profité de la fiscalité sur le capital plus avantageuse (ISF et "flat tax"). Et tout à gauche, les 5% les plus pauvres qui n’ont pas profité des baisses d’impôts et qui ont subi des hausses de taxes (énergie, tabac). Trois centiles sur cinq aurait ainsi vu leur pouvoir d'achat reculer.

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IPP © IPP

Ce qui donne effectivement l'impression de riches qui gagnent et de pauvres qui perdent…

Des données à prendre avec prudence de l'aveu même de l'Institut, surtout concernant les variations au sein des cinq premiers centiles. Il y a des situations disparates et transitoires. D'autant que si on prend les 10% les moins aisés on observe cette fois une hausse de 1,2% du pouvoir d’achat.

Mais il est vrai malgré tout que la hausse est moindre que pour les aisés et surtout les très aisés, le fameux 1% (ceux qui disposent de 10.500 euros par mois). Eux auraient gagné 2,8% (3500€/an) durant le quinquennat. Et pour les encore plus aisés, le 0,1%, l'augmentation aurait même atteint 4,1%. La baisse de la fiscalité -notamment sur le capital- profitant logiquement à ceux qui paient le plus d'impôt.

Et que pense le gouvernement de ces chiffres? La direction du Trésor avait publié une analyse diamétralement opposée en septembre sur la répartition des gains. Elle estimait que les 10% les plus pauvres avaient plus gagné (+4%) que les 10% les plus aisés (+2%).

Les actifs grands gagnants

Pourquoi de telles différences entre les deux études? D’abord parce que l’IPP a une analyse différente sur la fiscalité du tabac. Elle estime que la hausse de la fiscalité pousse d’avantage les riches à arrêter de fumer. Tout comme Bercy d'ailleurs mais les deux n'accordent pas le même coefficient. Selon l'IPP, les ménages modestes patissent donc plus de la hausse des taxes sur le tabac.

Par ailleurs, l'Institut ne comptabilise dans son étude que les mesures qui contribuent directement et globalement à la redistribution. Sont ainsi exclues du champ d'analyse les réformes sur la santé (100% santé, complémentaire solidaire) ou encore sur la transition énergétique (MaPrimeRenov, prime à la conversion...). Des mesures pour lesquelles l'IPP assure manquer de données mais qui semble davantage profiter aux ménages modestes qu'aux aisés.

Dernière grande différence: l'étude de l'Institut ne prend en compte que les mesures prises durant ce quinquennat. La généralisation du chèque énergie ou la revalorisation du RSA ont bien profité aux plus modestes mais ont été prises avant 2017, donc l’IPP n’en tient pas compte. En revanche, elle prend en compte la suppression de la taxe d'habitation pour les 20% de foyers les plus aisés (ce qui les favorise) alors que cette mesure ne sera effective qu'en 2023.

Une conclusion sur laquelle exécutif et IPP pourront être d'accord, c'est l'évolution du pouvoir d'achat des actifs. Ces derniers semblent les grands vainqueurs du quinquennat actuel avec un gain de 3,5% de pouvoir d'achat. Le chef de l'Etat qui a longuement vanté la valeur travail dans son allocution du 9 novembre dernier est peut-être finalement le "président des actifs".

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco