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Economie

Pourquoi les négociations commerciales s'annoncent explosives

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On entre déjà dans le dur des négociations commerciales et des industriels craignent que certains distributeurs leur demandent des baisses de prix de 6%.

De part et d'autre, on dégaine déjà les premières flèches. Les fournisseurs ont jusqu'au 30 novembre pour envoyer aux distributeurs leurs conditions générales de vente, qui servent de base à la négociation, mais on a déjà des premiers signaux et les discussions risquent d'être particulièrement salées.

"On sait que des distributeurs veulent des baisses de prix de 6%", s'alarme-t-on du côté d'un gros industriel français, où l'on estime que c'est beaucoup trop par rapport aux coûts avec lesquels il doit composer.

Cette pression "risque de tuer encore des marques", alerte un acteur de l'industrie agroalimentaire, qui raconte avoir du prendre sur ses marges de façon importante, ces dernières années. Une source dans une grande entreprise française assure ainsi qu'elle a absorbé les deux-tiers des hausses de coût ces dernières années.

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"Les fabricants de produits de grande consommation ont absorbé près d'1,5 milliard d'euros sur 4,5 milliards d'euros de hausses de coûts en deux ans", entre 2022 et 2023, ajoute un bon connaisseur du secteur.

Les industriels rappellent qu'ils doivent faire, aussi, avec la transition climatique et ce qu'ils appellent "l'inflation verte". "On est partis sur un cycle structurellement inflationniste", explique un représentant du secteur.

Tension

En ce début d'automne, alors que la tension est déjà vive, donc, entre les différents acteurs des négociations commerciales, des industriels attaquent aussi une nouvelle fois les distributeurs sur leur adhésion à des centrales d'achats à l'étranger. Des mastodontes, dénoncent-ils, qui "aspirent les négociations à l'étranger plutôt qu'en France." Avec le développement de ces centrales, "on risque d'avoir 90% du business qui se négocie à l'étranger", alerte un fournisseur.  

Lors de son discours de politique générale, mardi, à l'Assemblée nationale, Michel Barnier a apporté de l'eau au moulin des industriels en appelant à "renforcer la transparence sur les marges pratiquées par la grande distribution".

"Cette stigmatisation du secteur est insupportable", a rétorqué dans la foulée la déléguée générale de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), Layla Rahhou, dans un message sur le réseau social LinkedIn.

Stigmatisation

Elle y rappelle que les enseignes publient chaque année leurs marges dans le cadre de l'Observatoire de la formation des prix et des marges. Cette année, écrit-elle, "ce rapport montrait une baisse sur un an, de 1,6% de marge en moyenne à 0,9%", avec "plusieurs rayons déficitaires" et "des marges globales pour le secteur comprises en moyenne entre 1% et 2%".

La porte-parole des distributeurs martèle que son secteur a été "le seul à agir pour obtenir des baisses de prix".

Elle dénonce "le jeu opaque des grandes multinationales pour préserver et augmenter leurs marges" et elle estime que "s'il y a de la transparence à faire, elle est au niveau du maillon industriel de [la] chaîne." Elle appelle aussi le gouvernement à supprimer rapidement l'encadrement des promotions sur les produits d'hygiène et de beauté, instauré par la loi Descrozaille.

Cette demande des distributeurs de plus de transparence n'est pas nouvelle. En cause notamment, "l'option 3", prévue dans la loi Egalim. Elle prévoit l'intervention d'un tiers indépendant, chargé de certifier les documents fournis par les fournisseurs.

Se mettre autour de la table

"Cela nous permet de ne pas avoir à livrer nos recettes aux distributeurs et d’éviter qu’ils les utilisent ensuite pour fabriquer leurs produits de marques distributeurs", explique un gros acteur de l’agroalimentaire. 

Dans une interview à LSA, datée de lundi, la délégué générale de la FCD juge que cette "option 3" permet surtout "aux grands industriels de ne pas communiquer la part de la matière première agricole dans leur tarif".

"La façon des industriels de s'en sortir, poursuit Layla Rahhou, c’est de pointer les eurocentrales et de monter le monde agricole contre la grande distribution." Elle estime aussi que tout le monde doit "plutôt se remettre ensemble autour de la table au lieu de polémiquer".

Du côté des industriels que nous avons interrogés, si l’on estime qu'il n'est pas possible de supprimer cette "option 3", certains acceptent l'idée de la réécrire et de "la compléter",  parce qu'elle "est un peu floue", admet un bon connaisseur des négociations commerciales.

Par essence, dit-il, "ces négociations resteront conflictuelles", mais il faut qu'elles le soient désormais le moins possible pour qu'elle ne se soldent pas, à terme,  par des fermetures d'exploitations agricoles et de lignes de production.

Pauline Tattevin