BFM Business
Economie

"Les marchés vont se déchaîner": des dizaines de milliards d’euros de dépenses au programme du Nouveau Front populaire

placeholder video
L'union des partis de gauche a dévoilé son programme électoral en vue des législatives. Entre réforme des retraites, hausse des fonctionnaires et des minimas sociaux, c'est plusieurs dizaines de milliards d'euros qui seraient dépensés en cas de victoire.

Sans doute le programme le plus dépensier de ces élections législatives. Dévoilé ce vendredi matin, le programme du Nouveau Front populaire propose "20 actes de rupture pour répondre à l’urgence sociale" parmi lesquels le mise en place d’un "état d’urgence sociale".

C’est dans cette partie qu’on trouve les mesures économiques. À commencer par la hausse de 10% du point d’indice des fonctionnaires. Ce dernier a déjà augmenté de 3,5% en 2022 puis de 1,5% en 2023 pour un coût total de 9,2 milliards d’euros selon Bercy. Une hausse de 10% d’un coup engendrerait donc des dépenses supplémentaires d’environ 19 milliards d’euros.

Parmi les autres mesures, on peut aussi citer la hausse de 10% des aides au logement. Le budget annuel des APL a été porté à 14 milliards d’euros dans le budget 2024, une hausse de 10% engendrerait donc un surplus de dépenses d’environ 1,4 milliard.

Mais c’est sur la question des retraites que la facture devient très salée. D’abord, avec des mesures sociales comme la revalorisation du minimum contributif (MICO) au niveau du SMIC. Cette aide d’un montant de 746,71 euros permet aux retraités qui ont fait une carrière complète au Smic de bénéficier d’une pension globale qui représente 85% du Smic. Le programme n’est pas très clair sur ce point, il y est écrit: "augmenter le minimum contributif (pension de retraite pour une carrière complète) au niveau du SMIC".

Il s’agit certainement d’augmenter le minimum contributif afin que le retraité puisse bénéficier d’une pension égale au Smic. Les bénéficiaires du MICO touchent aujourd’hui un montant brut de pension égale à 85% du Smic net. Il faudrait donc augmenter le montant de ce minium d’environ 17%, pour un coût estimé à 12 milliards d’euros par l’Institut Montaigne.

Retour de la retraite à 60 ans: "entre 30 et 60 milliards d’euros par an"

Mais de toutes les réformes, c’est évidemment l’abrogation de l’allongement de l’âge de départ à 64 ans et le retour à terme à 60 ans qui serait de très loin la mesure la plus coûteuse. Avec la réforme actuelle, ce sont 300.000 à 600.000 personnes de retraités en moins et de cotisants en plus. L’abrogation de la réforme mettrait donc ces personnes à la retraite. En passant l’âge à 60 ans, on peut estimer entre 600.000 et 1,2 million le nombre de retraités en plus et de cotisants en moins.

"Cela représente entre 2 et 4 points de PIB de production en moins et avec un taux de prélèvement obligatoire d’environ 50%, cela représente entre 1 et 2% de dépenses publiques supplémentaires, estime un économiste. Ce qui fait entre 30 et 60 milliards d’euros par an au bas mot. Et c’est sans compter la durée de pension qu’on paiera plus longtemps avec l’espérance de vie en plus à la retraite ou encore les revalorisations. En une petite décision on rajoute donc au bas mot 40 milliards d’euros de dépenses".

Des mesures que le mouvement compte financer en augmentant les impôts sans toutefois donner de chiffrage. Dans le programme, on peut citer l’accroissement de la progressivité de l’impôt sur le revenu à 14 tranches, la CSG progressive, le rétablissement d’un impôt de solidarité sur la fortune (ISF) renforcé avec un volet climatique, la suppression de la flat tax ou encore une réforme de l’impôt sur l’héritage pour le rendre plus progressif.

Les Experts : Front populaire, quel programme économique ? - 14/06
Les Experts : Front populaire, quel programme économique ? - 14/06
27:21

"Les marchés vont se déchaîner"

Reste à savoir si le programme est réellement applicable et comment réagirait les marchés dont la France dépend pour se financer. Pour rappel, le pays doit emprunter 270 milliards d’euros en 2024 en émettant des obligations d’État pour financer son train de vie.

"Un programme qui creuserait vraisemblablement le déficit public de plusieurs points de PIB est à proscrire dans le contexte actuel", estime Sylvain Bersinger, économiste au cabinet Astéres.

"Pour rappel, à l’automne 2022, une annonce de baisse d’impôts de 45 milliards de livres (soit 1,8 % du PIB) de la Première ministre britannique Liz Truss avait déclenché une crise de la dette qui l’avait contraint à faire machine arrière", rappelle ce dernier.

Alors que les taux de la France ont déjà augmenté dans l’optique de l’échéance électorale, les marchés pourraient se durcir en cas de mise en place d’un programme très dépensier. Le pays est déjà attaqué avec un "spread" (écart de taux d’emprunt sur les marchés) qui atteint déjà 70 points de base avec l’Allemagne.

"Les marchés vont se déchaîner, c’est un coup à se prendre 200 points de base et là ce sera marche arrière toute, anticipe un économiste. Quand on fait des choses aberrantes sur le plan financier, on explose les taux d’intérêt, pour la dette souveraine, mais aussi pour les ménages qui ne peuvent plus emprunter".

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco