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Le mariage entre Auchan et Carrefour n’emballe pas les fonds

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Les difficultés des hypermarchés et la délicate cohabitation avec les Mulliez rendent une opération très complexe avec des fonds d’investissement. Auchan envisage toutes les options.

Un petit tour et puis s’en vont. Depuis près de deux mois, les plus grands fonds d’investissement ont approché la banque conseil d’Auchan, Lazard, pour participer au projet de rachat de Carrefour. KKR, CVC et CD&R ont été cités début janvier. Selon nos informations, Cinven, Advent ou encore Apollo ont aussi été sollicités mais sont unanimes: "Ce n’est pas une opération pour un fonds d’investissement", résument plusieurs sources.

Auchan cherche un partenaire financier pour apporter environ 4 milliards d’euros de cash afin d’améliorer son offre de rachat de Carrefour d’octobre dernier. Celle-ci proposait près de 17 milliards d’euros dont 70% en cash alors que le premier actionnaire de Carrefour, la famille Houzé (11%) –fondatrice des Galeries Lafayette- en exige 100%.

Les fonds d’investissement se sont tous heurtés aux lourdes difficultés du secteur de la grande distribution. "On nous propose d’être partenaire minoritaire dans un secteur sinistré entre deux groupes très exposés aux hypermarchés qui souffrent, et sans véritables droits de gouvernance", résume le responsable d’un fonds approché. "Ça n’a pas duré plus d’une heure", ironise un autre.

Lâcher du lest sur la gouvernance

Selon nos informations, KKR, Cinven et Advent ne sont plus dans la course. "Nos exigences de rendement sont trop élevées et la famille Mulliez a du mal à partager le pouvoir", précise l’un d’eux. "D’autres sont toujours intéressés", promet pourtant une source proche d’Auchan qui veut continuer à y croire. CVC semblerait encore en train d’étudier le dossier. Les noms de CD&R ou Hellman & Friedman circulent alors qu’ils ont déjà réalisé des opérations en tant qu’investisseur minoritaire en France. Le premier dans Spie et le second dans GTT, filiale commune d’Engie et Total. "Auchan devra faire des concessions surtout sur la gouvernance pour s’entendre avec un fonds", glisse un proche du dossier.

Mais dans tous les cas, l’équation passera inévitablement par une inflexion d’Auchan. "Si les Mulliez veulent trouver un compromis avec un fonds, ils devront lâcher du lest sur la gouvernance", décrypte un acteur du dossier.

La solution d’un fonds d’investissement n’est pas évidente et Auchan réfléchit à d’autres options. La plus simple serait de s’associer à des partenaires financiers moins gourmands. Des banques? Des grandes familles? "Les Mulliez s’interrogent sur la faisabilité d’un mariage avec Carrefour et considèrent toutes les options, explique une source proche de la famille. Même de réinvestir eux-mêmes".

Que veut la famille Mulliez?

Un sujet inimaginable il y a encore quelques mois. Auchan cherche justement un partenaire financier car la famille Mulliez ne voulait pas mettre plus d’argent sur la table. "Dans la famille, certains sont pour, d’autres contre, nuance une source. Il faut faire émerger un consensus et ça prend du temps". Le sujet a été débattu lors d’une réunion de l’Association familiale Mulliez (AFM) qui, s’est tenue il y a dix jours à Lille.

Rien n’a filtré… Les Mulliez veulent retrouver la discrétion qui les caractérise et poursuivre leurs réflexions discrètement. "Le dossier est refermé, il ne se passe plus rien", balaie-t-on dans l’entourage de la famille. "On entre dans la campagne présidentielle, tout le monde a comme message de ne plus parler!, abonde en face un proche de Carrefour. Il faut passer sous les radars et préparer un projet pour l’été".

Dans les deux camps, on sait que ce mariage est aussi "torpillé" par leur concurrent Casino. Son propriétaire et PDG, Jean-Charles Naouri, s’appuie sur les craintes des syndicats de Carrefour pour brandir l’argument de la casse sociale de ce projet: 25.000 postes pourraient être menacés entre la fermeture d’une centaine d’hypermarchés et les fonctions centrales et supports. Un obstacle de plus dans ce dossier très compliqué. Une raison de plus pour l’enterrer… pour le moment.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business