Carrefour et Auchan continuent de se tourner autour

L’idée d’un mariage entre les deux empires de la distribution n’est pas abandonnée. Les familles actionnaires Moulin et Mulliez maintiennent des contacts. Auchan réfléchit à une solution financière pour satisfaire Carrefour.

Le mariage entre Carrefour et Auchan n’est pas mort. Deux mois après l’échec des négociations entre les enseignes de distribution, les réflexions continuent de part et d’autre. Selon plusieurs sources proches des deux groupes, "il n’y a plus de discussions entre les directions des deux groupes mais les contacts sont maintenus entre les familles actionnaires". Les Moulin, premier actionnaire de Carrefour avec 12,5 % de son capital, et les Mulliez, propriétaire d’Auchan continuent à communiquer. Les deux familles s’étaient rencontrées fin octobre pour clarifier leur position après l’échec des négociations menées par le PDG de Carrefour quelques semaines plus tôt.

La famille Moulin, menée par le président des Galeries Lafayette Philippe Houzé, a posé ses conditions. "Les Moulin sont vendeurs de leurs parts mais ils veulent du cash" confirme un proche de la famille. En octobre, ils avaient éconduit les Mulliez dont l’offre de 15 milliards d’euros comprenait 30% de son paiement en actions Auchan. Des titres difficiles à valoriser car ils ne sont pas cotés en Bourse. Le premier actionnaire de Carrefour a fait passer le message à Auchan qu’il ne souhaitait pas s’embarquer dans ce mariage qu’il juge "très risqué et difficile à réaliser", ajoute une source. "Les Moulin sont prêts à vendre leur part dans Carrefour aux Mulliez pour les laisser ensuite mener seuls leur projet" ajoute-elle.

Carrefour-Auchan, la seule alliance possible

En face, "la porte reste ouverte" assurent plusieurs sources proches d’Auchan. L’enseigne de la famille Mulliez continue de croire à un mariage, convaincue qu’une alliance industrielle fait du sens. Tout comme le PDG de Carrefour, Alexandre Bompard, qui pousse à une consolidation du secteur en France. Après avoir échoué à se marier avec Casino en 2018, Auchan reste le seul allié possible face aux trois indépendants Leclerc, Système U et Intermarché. Contactée, la direction d’Auchan n’a pas souhaité commenter. De son côté, Carrefour se borne à répéter que "les discussions sont finies".

Auchan réfléchit à trouver des solutions. Sa problématique est simple: le groupe n’a pas les moyens de mettre davantage de cash que ce qu’il a proposé il y a deux mois. Deux options sont alors possibles. D’abord, apporter dans la corbeille de mariage d’autres activités de l’empire des Mulliez, comme Leroy Merlin ou Decathlon, en plus d’Auchan. "Ce qui permettrait de mieux valoriser les activités apportées par Auchan pour les actionnaires de Carrefour" précise une source proche du dossier. Cette option, poussée par Carrefour, ne suffit pourtant ni à la famille Moulin… ni aux Mulliez. La direction de l’empire familial, logée dans l’Association familiale Mulliez (AFM), y est farouchement opposée. "Notre projet est industriel, on ne participera pas à faire du Monopoly pour les actionnaires de Carrefour", balaie un proche des Mulliez. La famille reste soucieuse de préserver un maximum de filiales dans son giron.

Un investisseur pour aider les Mulliez

Les propriétaires d’Auchan ne veulent pas non plus remettre au pot pour financer une offre plus élevée en cash sur Carrefour. "Les Mulliez ne veulent pas réinvestir dans la distribution" tranche une source proche de la famille. Selon nos informations, ils réfléchiraient à une deuxième option consistant à s’allier à un partenaire financier pour les aider à racheter Carrefour. "La famille n’a pas d’autre choix que d’aller chercher plusieurs milliards d’euros auprès d’investisseurs" précisent plusieurs sources proches du dossier.

Ce co-investisseur pourrait ainsi apporter les 30% de cash manquant à l’offre d’Auchan pour satisfaire la famille Moulin, premier actionnaire de Carrefour. Il investirait ainsi en actionnaire minoritaire aux côtés des Mulliez. Mais cette solution purement financière ne plait pas non plus à tout le monde au sein de la famille.

Le lendemain de la publication de notre article, un porte-parole d'Auchan a déclaré à Reuters: "Les actionnaires de contrôle d'Auchan et Carrefour n'ont aucun contact sur un possible rapprochement". Il avait adressé la semaine dernière à BFM Business ne vouloir faire "aucun commentaire" sur nos informations. Aucun autre commentaire n'a été fait à Reuters sur la nature des autres contacts et la réflexion autour d'un partenaire financier.

Matthieu Pechberty et Pauline Tattevin