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L’état-major de Suez en pleine tourmente

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L’offensive de Veolia a provoqué un tremblement de terre chez Suez. Si ce week-end, dans Le Figaro, Bertrand Camus a de nouveau fustigé l'offre de rachat de Veolia, l’opposition du directeur général à ce mariage n’a pas été bien reçue par son conseil d’administration. Les dissensions émergent aussi dans ses équipes de direction. Ce dont espère bien profiter Veolia.

Il y a le feu chez Suez. L’entreprise de gestion de l’eau et des déchets est l’objet depuis une semaine d’une offensive de son rival de toujours, Veolia. Pris de court par cette offre qu’il qualifie de "particulièrement hostile", son directeur général Bertrand Camus tente de mobiliser ses salariés. Tout en réaffirmant son opposition au projet, comme ce dimanche dans une interview au Figaro.

Un appel du directeur général aux salariés

Le corps social du groupe est plutôt opposé à un mariage avec Veolia qui conduirait à un démantèlement des activités en France. D’ailleurs, les syndicats de l’ancienne Lyonnaise des eaux veulent se mobiliser pour s’opposer à cette "OPA hostile". Mais l’ensemble de l’état-major de Suez est, lui, divisé: entre un actionnaire soucieux de vendre ses parts et des équipes déprimées par l’ambiance interne.

"Mercredi, Bertrand Camus a appelé ses salariés, 29.000 en France, à la rescousse pour résister à Veolia. "J’ai besoin de vous", leur a-t-il lancé dans une missive interne. Mais rapidement, il s’est fait recadrer par sa hiérarchie. Selon nos informations, le président de Suez, Philippe Varin, l’a vu dès jeudi pour l’appeler au calme. Le président d’Engie -actionnaire de Suez-, Jean-Pierre Clamadieu, lui, l’a fermement invité à "ne pas insulter l’avenir", explique sobrement un de ses proches."

Tensions avec l'actionnaire Engie et au sein de la direction

En réalité, le cordon est rompu entre Suez et Engie.

"Ils ont l’impression d’avoir été trahi par Engie, explique un proche de Suez. Ils ne s’attendaient pas à être vendu aussi rapidement et surtout à Veolia".

Mais le directeur général de Suez se retrouve face à une opposition plus problématique: celle de ses équipes. Selon plusieurs sources, la direction de Suez est divisée. "Il y a de la rivalité entre les dirigeants, chacun joue sa carte personnelle", explique un ancien cadre qui vient de quitter le groupe. Les plus sévères estiment que "Bertrand Camus n’écoute plus personne", selon un de ses collaborateurs.

Beaucoup sont lassés de l’ambiance interne depuis deux ans. Sur fond de guerres de successions des anciens président et directeur général, Gérard Mestrallet et Jean-Louis Chaussade. Et une situation financière très fragile depuis le rachat de la division "eau" de General Electric en 2017. Le directeur général Bertrand Camus a été contraint de lancer de lourdes cessions d’actifs l’an passé.

Certains dirigeants favorables au mariage avec Veolia

De nombreux dirigeants semblent même favorables à un mariage avec Veolia. "La moitié du comité exécutif n’y est pas hostile", admet un bon connaisseur du groupe. Des noms circulent en interne. Notamment les cadres les plus anciens qui étaient déjà favorables à un mariage avec Veolia quand Suez l’avait proposé en 2012. Ainsi que les dirigeants en charge d’activités internationales.

"Suez est présent dans des zones géographiques où Veolia est moins bon, explique un bon connaisseur du dossier. Ils savent qu’il y a des places à prendre".

Certains auraient même déjà été discrètement approchés par Veolia. Une tactique habituelle dans ces offensives. Lors de sa précédente tentative en 2014, Veolia avait aussi contacté des hauts cadres de Suez. Le groupe multiplie discrètement les appels du pied pour déstabiliser sa cible. "On fera de la place aux dirigeants de Suez", entend-on dans son entourage. La guerre de l’ombre ne fait que commencer.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business