Et s'il n'y a pas d'accord entre l'UE et Trump le 1er août, il se passe quoi?

Le "conclave" le plus long de l'Histoire. Alors qu'Américains et Européens négocient maintenant depuis des mois un accord commercial, la fumée blanche se fait toujours attendre.
Dans la semaine, des diplomates européens évoquaient pourtant un accord imminent sur les droits de douanes avec une UE prête à signer un "deal" avec des droits de douane réhaussées de 15% (contre 10% aujourd'hui), mais la signature n'a toujours pas eu lieu.
Donald Trump qui pensait lui-même pouvoir signer avec l'Europe au lendemain de l'accord avec le Japon parle désormais ce vendredi d'une chance sur deux de se mettre d'accord avec l'UE.
Pourquoi est-ce que ça traine en longueur? Parce que petit à petit dans les chancelleries de l'UE on prend conscience à coup d'études d'impact chiffrées du danger que constituerait une surtaxe, même de "seulement" 15%.
En France, les douanes viennent de dévoiler un rapport qui chiffre l'impact sur les marges des entreprises exportatrices de la surtaxe de 10% actuellement en vigueur et font une estimation dans un scénario à 30% (celui qui est attendu le 1er août). Actuellement les "tariffs" de Donald Trump amputent déjà leurs comptes de 1,2 milliard d'euros. À 30%, ça grimperait à 3,5 milliards. Mais à 15% ce serait encore très haut, de l'ordre de 1,5 à 2 milliards d'euros pour les quelque 2.000 entreprises françaises qui commercent avec les États-Unis.
L'UE appliquerait les mêmes taxes en retour
Dans ce contexte, personne ne veut se précipiter pour signer et chacun espère faire plier le locataire de la Maison Blanche qui, pour rappel, a signé un "deal" à 10% avec le Royaume-Uni, il y a déjà des semaines de cela.
Bruxelles se prépare donc à un scénario sans accord avec l'espoir sans doute que le président américain change d'avis à la dernière minute comme il en est coutumier.
En attendant, les diplomates européens se sont mis d'accord pour appliquer des représailles à 93 milliards d'euros sur les produits américains si les négociations entre Bruxelles et Washington n'aboutissent pas un accord.
Elles porteraient sur le soja, les jeans, les motos ou encore les avions de Boeing et les voitures, plus des milliers d'autres marchandises. Ces représailles consisteraient à appliquer en retour un taux de 30% sur ces produits américains importés en Europe selon CNBC.
"Dans un scénario sans accord sans un nouveau report des tarifs américains, je vois l’UE opter pour une approche du tac au tac, c’est-à-dire imposer des tarifs de 30% sur certains produits américains, pas sur tous les produits, mais sur certains comme les célèbres motos, voitures, vêtements et alcool", indique Carsten Brzeski, responsable mondial de la macroéconomie chez ING sur l'antenne de CNBC.
L'idée serait donc de se lancer dans un "oeil pour oeil, dent pour dent" mais sans aller dans la surenchère avec des tarifs douaniers supérieurs à ceux imposés par la Maison Blanche.
Un "bazooka commercial" peu probable
Reste l'autre scénario, celui du "bazooka commercial" dont on a beaucoup parlé à Bruxelles depuis quelques jours, surtout sous l'impulsion de la France qui semble avoir rallié l'Allemagne à sa cause ces dernières heures.
"La position de l'Europe doit être une position de négociation mais également une position de fermeté. (...) Nous devons désormais changer de méthode", a déclaré mardi le ministre de l'Industrie, Marc Ferracci, évoquant la nécessité de "déclencher un certain nombre de mesures de riposte" contre les États-Unis en l'absence d'accord.
Cet instrument anti-coercition (ACI) qu'évoque sans le nommer le ministre français est un outil juridique dont s'est dotée l'UE fin 2023 mais qui n'a jamais été utilisé. Il était à l'origine pensé pour se défendre contre des menaces d'ingérences russes ou chinoises dans la politique européenne. Mais pas pour être utilisé contre l'allié séculaire des Européens que sont les Américains.
Cet outil permettrait en plus de l'application de droits de douane, d'imposer des quotas sur plusieurs secteurs, d'interdire l'importation de certains produits américains, de limiter les investissements d'entreprises américaines voire de leur interdire des marchés publics.
C'est "considéré comme l'option nucléaire, rappelle Alberto Rizzi, chargé de recherche au Conseil européen des relations étrangères, mais en réalité, il existe une marge de manœuvre dans son application, tant que les mesures de rétorsion restent proportionnées aux dommages causés par la coercition."
Autrement l'UE pourrait ne pas appliquer le paquet de mesures anti-coercition mais seulement quelques-unes pour faire pression sur les Américains.
Mais telle une "option nucléaire", cet instrument est avant tout brandi comme une arme de dissuasion qui n'a pas vocation à être utilisée. Surtout pas contre un allié économique omniprésent sur le continent européen via des milliers d'entreprises, de travailleurs et des milliards de dollars de capitaux. Autrement dit, l'ACI aurait des conséquences négatives très importantes sur les propres économies européennes déjà fragilisées après des années de flambées des prix de l'énergie et des mois de guerres commerciales avec les États-Unis mais aussi la Chine.
"Les représailles sont considérées comme un outil de négociation par l’UE, donc l’ACI ne sera probablement activée que dans une deuxième phase s’il n’y a pas de réponse des États-Unis après l’entrée en vigueur des paquets tarifaires – l’UE voudrait la conserver comme levier plutôt que de l’utiliser immédiatement", reconnait Alberto Rizzi.
Il reste donc désormais 7 jours aux pays de l'UE pour peser les pours et les contres de ces différentes options.
