Trump pousse-t-il les entreprises de la tech à délocaliser? Son visa à 100.000 dollars coûtera 14 milliards de dollars par an à la Silicon Valley

La Silicon Valley fait grise mine. Donald Trump a annoncé une sévère restriction des conditions d'obtention des visas H1-B, très utilisés dans le secteur technologique pour attirer des experts étrangers, en particulier depuis l'Inde.
Des frais de 100.000 dollars seront désormais appliqués pour les nouvelles demandes. Il s'agit clairement d'un tarif dissuasif. Le ministre du Commerce Howard Lutnick a précisé qu'il visait à "arrêter de faire venir des gens pour prendre nos emplois".
Donald Trump affiche depuis son premier mandat sa volonté de limiter les visas H-1B afin de donner la priorité aux travailleurs américains, malgré la franche hostilité affichée par certains de ses soutiens comme Elon Musk. Les États-Unis ont approuvé environ 400.000 visas H-1B en 2024, dont les deux tiers étaient des renouvellements.
Avec ces nouvelles règles, embaucher des travailleurs qualifiés étrangers coûtera 14 milliards de dollars par an aux entreprises américaines, selon le Financial Times. La compagnie plus touchée devrait être Amazon, qui emploie 14.000 employés détenteurs de visa H1-B. Microsoft, Meta, Apple ou Google figurent également parmi les sociétés y ayant le plus recours. Certaines d'entre elles pourraient introduire un recours en justice, selon le Financial Times, alors que Donald Trump fait déjà face à 135 litiges.
Pour Garry Tan, patron de l'incubateur de start-ups Y Combinator, cette décision est "un cadeau colossal à chaque pôle technologique étranger".
"Des villes comme Vancouver ou Toronto prospéreront, au détriment des villes américaines. En pleine course aux armements de l'IA, nous disons aux bâtisseurs de construire ailleurs", poursuit Garry Tan sur X.
"Si les entreprises américaines ne peuvent pas délocaliser leurs activités sur leur territoire national, elles pourraient chercher à étendre leur présence offshore dans des pays comme l'Inde", note également Bhaskar Rao, PDG de l'entreprise de communication Digital Se, auprès de Bloomberg.
"Cette décision vise clairement à satisfaire les électeurs de Trump, mais il reste à voir si les entreprises parviendront à remplacer les quelque 65.000 à 85.000 cadres juniors et intermédiaires concernés par le plafond du visa H-1B", ajoute-t-il.
Ces visas ont été créés dans les années 1990 face au risque d'une pénurie de main d'oeuvre qualifiée. Une majorité de bénéficiaires travaillent dans la tech, mais d'autres sont employés dans l'enseignement, la santé ou l'industrie.
Ses détracteurs estiment que ces visas sont utilisés pour embaucher des travailleurs étrangers à un salaire inférieur à ceux des employés nés aux États-Unis. Cette pratique, en principe interdite, existe toutefois rappelle le New York Times, qui écrit qu'environ "60 % des postes étaient rémunérés 'bien en dessous' du salaire médian local pour la profession en 2019, selon l'Economic Policy Institute".
Nouveau coup dur pour l'Inde
Le tour de vis de Donald Trump est accueilli comme une mauvaise nouvelle en Inde, alors que 70% des bénéficiaires de ces visas H1-B sont indiens. Le ministère indien des Affaires étrangères a dit redouter les "conséquences humaines" de cette mesure "en raison des perturbations" infligées "aux familles" et "espère" qu'elles "pourront être traitées de manière appropriée par les autorités américaines".
De son côté, la principale organisation indienne du secteur technologique, la Nasscom, craint pour la "continuité" de certains projets, en s'inquiétant de la rapidité de la mise en oeuvre de cette mesure, qui "crée une incertitude considérable pour les entreprises, les professionnels et les étudiants du monde entier".
La stratégie de certaines entreprises indiennes, comme Tata Consultancy ou Infosys, pourrait être sérieusement chamboulée. Ces dernières déploient des milliers d'ingénieurs indiens dans des compagnies américaines. Le secteur informatique indien pèse 280 milliards de dollars rappelle Bloomberg et est un soubassement essentiel aux mastodontes américains.
Le tour de vis de Donald Trump pourrait encore compliquer les relations entre les deux pays, alors que des droits de douane très élevés ont déjà été appliqués par Washington à New Delhi en réaction aux achats de pétrole russe. En Inde, l'opposition reproche au Premier ministre Narendra Modi de ne pas avoir suffisamment défendu les intérêts du pays.