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"Je vais essayer d'aller en Europe": le choc des étudiants indiens après le tour de vis de Trump sur les visas

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Donald Trump a donné la priorité aux travailleurs américains en fixant à 100.000 dollars les frais des visas de travail H1-B, très utilisés par les entreprises de la tech pour recruter des jeunes experts étrangers.

Il s'y voyait encore il y a quelques jours, mais la décision brutale de Donald Trump d'augmenter les frais de visas a sonné le glas du rêve américain de Sudhanva Kashyap: c'est sûr, l'étudiant indien n'ira pas finir sa formation en Californie.

"Quand les tarifs étaient plus bas, c'était une espoir que tout le monde pouvait entretenir", décrit le futur ingénieur en aérospatial, 21 ans, en dernière année de formation au BMS College de Bangalore (sud). "Mais maintenant avec cette nouvelle augmentation", soupire-t-il, "ça va être extrêmement difficile".

Fidèle à sa réputation, le président américain a créé la surprise en fixant vendredi à 100.000 dollars les frais des visas de travail H1-B, auxquels les mastodontes de la "tech" recouraient sans compter pour faire provision de jeunes talents.

Ces visas permettent aux scientifiques, ingénieurs et autres programmateurs informatiques venus de l'étranger de parfaire leur formation aux États-Unis et d'y travailler pendant trois à six ans.

L'hôte de la Maison-Blanche n'a pas fait mystère de son but: accorder la priorité à "ses" travailleurs.

L'an dernier, les États-Unis ont approuvé environ 400.000 de ces visas H1-B, dont deux tiers de renouvellements. Les premiers visés par sa décision sont les jeunes Indiens, qui constituent les trois quarts des candidats au précieux sésame. Pour Sudhanva Kashyap, c'est donc une très mauvaise nouvelle.

"Quand je suis entré en première année, j'étais sûr à 100% d'aller aux États-Unis", se souvient le jeune homme. "Mon idée était simple: une fois en troisième année, je devais faire des demandes de bourses et me préparer à partir".

Dans sa ligne de mire, le campus californien de Stanford, puis l'industrie aérospatiale. "Il va falloir que je repense tout ça", grommèle-t-il.

"Le nouveau prix du visa est bien trop élevé pour qu'une quelconque entreprise accepte de parrainer un étranger", abonde Shashwath VS (son patronyme), 20 ans, étudiant en chimie à Bangalore. "Les États-Unis ne sont plus ma priorité".

Grande inquiétude en Inde

C'est peu de dire que l'annonce de Donald Trump a prit de court l'Inde et ses campus. Le gouvernement indien s'est inquiété de ses "conséquences humaines" et la principale association professionnelle de la "tech" eu pays, la Nasscom, de "l'incertitude considérable" qu'elle créait.

L'administration américaine a précisé ensuite que les frais astronomiques annoncées par son chef ne s'appliquaient qu'aux nouvelles demandes.

Mais pour Sahil, 37 ans, qui a préféré taire son patronyme, le mal est fait. Rentré en Inde l'an dernier après sept ans aux États-Unis, il devine que que les nouveaux diplômés indiens n'auront pas sa chance.

"Un Indien sur deux ou sur trois qui travaille dans la 'tech' rêve de partir en Amérique. De moins en moins le feront à l'avenir, ils vont devoir commencer à regarder ailleurs", constate le patron d'une firme de consultants en logiciels.

En outre, fait remarquer Sahil Singla, laisser croire que barrer la route aux ingénieurs étrangers va mécaniquement bénéficier à leurs collègues américains est une erreur. "De nombreuses entreprises américaines dépendent des visas H1-B. Alors penser qu'une telle décision va avantager les Américains est une erreur", dit-il, "de nombreux postes vont rester inoccupés".

"Les Indiens, étudiants ou salariés, contribuent de façon significative à l'économie américaine", renchérit Shashwath VS. "Les États-Unis subiront eux aussi les effets de cette mesure, d'une façon ou d'une autre". Après ceux du Mexique, les migrants - légaux ou clandestins - venus d'Inde constituent le deuxième réservoir de population étrangère sur le sol américain.

Sur son campus indien, Sudhanva Kashyap a déjà commencé à revoir ses projets d'avenir. "Je crois que je vais essayer d'aller aux Pays-Bas, ou ailleurs en Europe", réfléchit-il à haute voix. Mais il se refuse encore à tourner définitivement la page. "Ce serait extraordinaire que la décision soit révoquée", se prend-il à espérer. Avant de revenir à la réalité. "Mais ça paraît très improbable..."

P.La. avec AFP