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Calendrier, produits ciblés, mesures de rétorsion... Comment en 2 mois Donald Trump a déclenché une guerre commerciale mondiale

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Depuis l'investiture, la marée de droits de douane promis par Donald Trump ne cesse de grossir - certains sont déjà en vigueur, d'autres sont encore à l'état de menace plus ou moins rapprochée. Tour d'horizon du programme présidentiel, qui évolue quasiment au jour le jour.

Trump en a fait son arme favorite dans ses relations avec les autres pays. Depuis son retour à la Maison Blanche, le chef d'Etat américain multiplie les annonces de droits de douane. Si beaucoup en sont encore au stade de menaces, certains sont déjà entrés en vigueur après la signature de décrets. Pour le président républicain, l’objectif d’une augmentation des droits de douane est de redresser le déficit commercial américain mais aussi de financer de nouvelles baisses d’impôts.

Avant même son investiture, Donald Trump s'est dit prêt à imposer “des droits de douane très élevés sur les produits danois” si le Danemark refusait d’abandonner le territoire du Groënland. Toujours début janvier, il a menacé les BRICS (dix pays membres dont Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) de droits de douane à 100% s'ils créaient une monnaie commune pouvant rivaliser avec le dollar, une proposition qu'ils n'ont pourtant jamais avancée. Il s'en est également servi comme levier de négociation avec Moscou pour obtenir un accord de paix avec l'Ukraine.

Dès la campagne présidentielle, le président américain avait souhaité mettre en place des droits de douane de 10 à 20% sur l’ensemble des produits entrants aux Etats-Unis et avait même promis une surcote douanière allant jusqu’à 60%, voire même 100% de leur valeur pour les produits provenant de Chine. Et ces menaces n'ont pas tardé à être mises à exécution, au moins partiellement.

4 février : surtaxes pour la Chine qui réplique

Moins de deux semaines après son investiture, Donald Trump annonce le 1er février qu'il imposera à partir du 4 février 25% de droits de douane sur les produits provenant du Canada et du Mexique, et 10% supplémentaires sur tous les produits chinois, les trois pays visés promettant aussitôt une riposte. Washington prévoit de moins taxer le secteur énergétique canadien, à hauteur de 10%, vu son importance dans les importations américaines.

Le président accuse les trois pays de favoriser l'entrée de la drogue fentanyl aux Etats-Unis - ses voisins ne sécurisant pas assez à son goût la frontière, et la Chine en hébergeant la production de précurseurs chimiques de cet opioïde de synthèse qui fait des ravages sur le sol américain. Ottawa et Mexico obtiennent à la dernière minute un sursis de 30 jours.

Pas la Chine, qui annonce en représailles de nouvelles barrières douanières sur les produits américains, moins importantes en proportion. Pékin annonce ainsi des droits de douane de 15% sur les importations de charbon et de gaz naturel liquéfié (GNL) américains à compter du 10 février. Par ailleurs, des taxes douanières de 10% sont infligées à cette date aux importations de pétrole américain et à d'autres catégories de biens venant des Etats-Unis : machines agricoles, véhicules de sports de grosse cylindrée et camionnettes. Ces mesures ciblent environ 20 milliards de dollars de biens américains, soit autour de 12% du total des importations en provenance des Etats-Unis.

18 février : alerte sur certains secteurs industriels

Le président américain Donald Trump annonce qu'il prévoit d'appliquer des droits de douane de près de 25% sur les automobiles importées aux Etats-Unis et d'au moins du même niveau sur les semi-conducteurs ainsi que sur le secteur pharmaceutique. Seule chance d'éviter de se faire taxer : investir dans des usines aux États-Unis.

Les puces et autres semi-conducteurs, utilisés dans toutes sortes d'appareils électroniques et dont la demande mondiale grimpe avec les besoins de l'intelligence artificielle, sont souvent fabriqués en Asie et notamment à Taïwan et en Corée du Sud. Concernant les médicaments, l'Irlande, la Chine et dans une moindre mesure l'Italie pourraient être les principales victimes. En revanche, un relèvement des droits de douane sur les voitures auront des répercussions particulièrement vastes.

4 mars : Canada, Mexique, Chine

Le 3 mars, Donald Trump signe un décret qui augmente les droits de douane sur les produits chinois entrant aux Etats-Unis, les portant donc à 20% contre 10% jusqu'ici. Le sursis obtenu par les Mexicains et Canadiens arrive à échéance le 4 mars. Les importations en provenance du Canada et du Mexique sont donc désormais taxées à hauteur de 25%, et 10% pour les hydrocarbures canadiens.

Justin Trudeau réplique avec des droits de douane de 25% sur 30 milliards de dollars canadiens pour une liste de 1.200 produits américains parmi lesquels les appareils électroménagers, le jus d'orange, le vin, la bière, le lait, les vêtements, les cosmétiques ou encore la pâte à papier. 125 milliards de dollars canadiens supplémentaires de marchandise américaine seront ciblés après une période de consultation de trois semaines.

Dans le même temps, plusieurs provinces canadiennes, dont l'Ontario et le Québec, les deux plus peuplées du pays annoncent retirer l'alcool américain de leurs magasins d'Etat. Chaque année, la régie de la province de l'Ontario vend pour près d'un milliard de dollars canadiens d'alcool en provenance des Etats-Unis. Une surtaxe de 25% est aussi instaurée sur les exportations d'électricité de l'Ontario touchant environ 1,5 million de foyers et d'entreprises dans trois Etats américains : le Michigan, New York et le Minnesota.

6 mars : Trump fait machine arrière

La tension commerciale entre les Etats-Unis et ses voisins baisse d'un cran, après que Donald Trump a mis en pause jusqu'au 2 avril les droits de douane de 25% pour les produits mexicains et canadiens respectant le cahier des charges de l'accord de libre-échange Canada-Etats-Unis-Mexique (ACEUM). Parallèlement, il décide de réduire à 10% les droits de douane imposés à la potasse canadienne, utilisée comme engrais par l'agriculture américaine.

De son côté, Ottawa décide de suspendre les droits de douane de 25% qui devaient cibler 125 milliards de dollars canadiens de marchandise américaine. Mais le lendemain, Trump déclare être prêt à mettre en place immédiatement des droits de douane réciproques sur les produits laitiers si le Canada n'abaisse pas les siens sur cette catégorie.

10 mars : riposte chinoise

Décidés en représailles à un dernier décret de Donald Trump visant Pékin, de nouveaux droits de douane chinois s'appliquent sur tout un éventail de produits agricoles américains. Poulet, blé, maïs et coton entrant en Chine seront davantage taxés (15%) que sorgho, soja, porc, boeuf, produits de la mer, fruits, légumes et produits laitiers (10%).

12 mars : acier et aluminium

Le 10 février, Donald Trump a signé des décrets pour imposer 25% de droits de douane sur l'acier et l'aluminium entrant aux Etats-Unis à compter du 12 mars. Il explique vouloir protéger les industries nationales, estimant qu'elles ont été "lésées par des pratiques commerciales déloyales et une surproduction mondiale". Le Canada mais aussi le Brésil, le Mexique et la Corée du Sud sont particulièrement touchés, étant d'importants fournisseurs d'acier.

Le 11 mars, le président américain avait annoncé sur son réseau Truth Social qu'il doublerait même à 50% les droits de douane sur l'acier et l'aluminium canadiens. En réponse, le Canada annonce la mise en place de taxes douanières de 25% sur 29,8 milliards de dollars canadiens (18 milliards d'euros) d'importations américaines. Parmi les marchandises visées par ces nouvelles taxes douanières : des produits en acier pour une valeur de 12,6 milliards de dollars canadiens, de l'aluminium pour 3 milliards et des produits allant des ordinateurs aux équipements sportifs.

Après plusieurs avertissements de responsables en ce sens au cours des dernières semaines, la Commission européenne annonce qu'elle appliquera des droits de douane "forts mais proportionnés" sur une série de produits américains à partir du 1er avril, en réponse à ces nouvelles taxes américaines. L'exécutif européen estime que les mesures américaines affecteront 26 milliards d'euros de marchandises européennes et annonce que sa réplique touchera le même montant de marchandises américaines. Les produits taxés par les Européens visent des exportations américaines emblématiques comme le bourbon, les motos Harley-Davidson, des denrées agricoles comme le soja ou la viande, mais aussi des appareils ménagers comme les réfrigérateurs ou les tondeuses à gazon.

13 mars : menace sur les vins et spiritueux européens

Le lendemain de cette date charnière, Donald Trump surenchérit et menace la France et l'Union européenne d'imposer des droits de douane à 200% sur leurs champagne, vins et autres alcools si les nouveaux tarifs douaniers de l'UE de 50% sur le whisky américain ne sont pas retirés.

20 mars : l'Union européenne temporise

La Commission européenne décide de reporter de deux semaines, à mi-avril, l'entrée en vigueur de ses contre-mesures visant des produits américains en réponse aux taxes de 25% décidées par Donald Trump sur l'acier et l'aluminium. L'Espagne, la France et l'Italie, ont poussé pour gagner un peu de temps, redoutant la menace de Trump d'imposer des taxes sur les vins et autres alcools européens, en réponse aux droits de douane annoncés par Bruxelles contre le bourbon. Ce produit serait même finalement retiré de la liste des produits visés à partir de mi-avril.

La réplique européenne devait s'effectuer en deux temps. Au 1er avril, les contre-mesures de l'UE mises en place en 2018 et 2020 en réponse aux droits de douane américains du premier mandat de Donald Trump étaient automatiquement rétablies, leur suspension arrivant à expiration au 31 mars. Une deuxième salve de taxes devait entrer en application au 13 avril.

26 mars : Trump confirme ses taxes sur les voitures importées

Après l'acier et l'aluminium, et en attendant le bois de construction ou le cuivre, le président américain Donald Trump annonce 25% de droits de douane supplémentaires sur les automobiles, s'attirant de nouvelles menaces de représailles. Ces taxes s'appliqueront à "toutes les voitures qui ne sont pas fabriquées aux Etats-Unis" et entreront en vigueur le 2 avril pour une collecte à partir du 3.

Le taux jusqu'ici appliqué était de 2,5%. Cela signifie que les voitures importées seront désormais taxées à 27,5% de leur valeur. Si les nouveaux droits de douane annoncés sur les produits canadiens ou mexicains, actuellement suspendus, sont appliqués, les voitures provenant de ces pays pourraient donc être taxés à 50%.

2 avril : prochaine échéance

Le président américain a affirmé qu'il comptait toujours imposer des droits de douane "réciproques" aux partenaires commerciaux des États-Unis à partir du 2 avril, lesquels sont évoqués depuis près . Pour lui, cela implique de lisser les disparités : si un produit américain est par exemple taxé 40% en arrivant en Inde, Washington mettra en place le même niveau de taxe dans l'autre sens. Le ministre de l'Economie Scott Bessent a toutefois indiqué que ces droits de douane "réciproques" ne seraient pas appliqués aux Etats qui abandonneraient les taxes qu'ils appliquent aux produits américains et qui abaissent leurs barrières non tarifaires,

Au-delà des taxes sur les importations, Donald Trump vise aussi les barrières non douanières, telles que des réglementations pénalisant les produits américains, ou encore la taxe sur la valeur ajoutée (ou TVA) des Européens, un impôt que les Etats prélèvent sur les achats des consommateurs (quel que soit le lieu de production), généralement plus élevé qu'aux États-Unis.

Timothée Talbi avec AFP