Le Royaume-Uni pourra bénéficier du prêt européen pour les industriels de l'armement, mais Londres devra payer pour le financer

L'UE muscle son jeu vis-à-vis des Etats-Unis, mais aussi à l'égard du Royaume-Uni. Alors que le bloc a mis en place un fonds de dette baptisé Safe, qui pourrait atteindre 150 milliards d'euros, il va permettre à Londres de participer, mais en l'échange d'une contribution.
Concrètement, ce fonds adopté le 27 mai dernier doit amener au financement de projets d'armement et défense par des prêts à taux réduit. Les prêts seront garantis par le budget de l'UE, et seront remboursables sur une très longue période, jusqu'à 45 ans. D'autres critères doivent assurer la souveraineté des financements et des projets soutenus: ces investissements financés devront être poussés par deux Etats au moins, afin d'assurer une interopérabilité, et 65% des composants devront être issus de l'Union Européenne.
Des pays tiers peuvent s'intégrer au projet, comme le Royaume-Uni, mais Bruxelles veut que ces Etats financent une partie des projets à chaque fois. En somme, ils échangeront l'accès à des financements peu chers, contre une participation financière.
"Ce qui a été écrit dans la réglementation Safe est qu'il faut un équilibre équitable entre les contributions, et les bénéfices retirés du dispositif", explique un diplomate britannique, cité par le Financial Times.
Les membres du dispositif incluent, au-delà de l'UE, l'Ukraine, l'Islande, le Liechtenstein, la Norvège ou la Suisse. Les "candidatures" restent ouvertes, et le Canada pourrait aussi y entrer.
La France est très exigeante
Des officiels britanniques rapportent que les négociations, qui suivent encore leur cours pour fixer le montant exact des participations britanniques, sont tendues du fait notamment de la position française, très stricte. Paris, qui cherche à tirer la contribution maximale de Londres, veut défendre son tissu industriel dans l'armement, et éviter qu'une portion des 150 milliards ne s'évaporent vers des concurrents britanniques, sans contrepartie majeure.
D'autres pays, comme l'Allemagne, ont moins à défendre, et cherchent surtout à assurer une liaison économique et stratégique renforcée avec le Royaume-Uni, dans une période où le soutien des Etats-Unis n'est plus assuré, et où la Russie continue de menacer à l'Est du continent.
Les états-membres de l'UE doivent déposer des dossiers d'ici au 27 juillet prochain, pour cibler les financements réclamés. Ils devront joindre leur force, deux par deux au moins, pour créer des projets communs. Les pays-tiers, eux, devront d'abord signer un accord de sécurité et de défense, puis un accord spécifique à Safe, pour rejoindre le programme.
Un premier accord avec le Royaume-Uni, signé en mai, doit lui permettre de fournir jusqu'à 35% de la valeur d'un projet soutenu par Safe, selon Thomas Regnier, le porte-parole de la Commission Européenne sur les sujets de Défense. Le fonds Safe fait partie d'un effort plus large de Bruxelles, dans le cadre de son plan Readiness 2030, un plan de réarmement qui pourrait mobiliser jusqu'à 800 milliards d'euros.