"Incertitude élevée": la Fed maintient le statut quo et tient tête à Donald Trump

Le président de la Réserve fédérale américaine, Jerome Powell, lors d'un point presse à Washinton, le 29 janvier 2020 - MANDEL NGAN © 2019 AFP
Comme attendu, la Réserve fédérale (Fed) américaine n'a pas modifié ses taux, qui guident les coûts d'emprunt des entreprises et des particuliers, craignant une hausse de l'inflation dans un contexte marqué par les droits de douane et les crises géopolitiques.
La décision a été prise à l'unanimité selon Reuters. Il s'agissait de la quatrième réunion de la Fed depuis le retour au pouvoir de Donald Trump en janvier. Les trois précédentes se sont déjà conclues par un statu quo sur les taux, situés depuis décembre entre 4,25% et 4,50%.
"L'incertitude concernant les perspectives économiques a diminué mais reste élevée", souligne dans un communiqué la banque centrale.
La hausse des droits de douane cette année va vraisemblablement pousser l'inflation" même s'"il faut du temps pour (qu'ils) fassent leur chemin à travers la chaîne d'approvisionnement", a indiqué Jerome Powell, le patron de la Fed.
Ses responsables disent encore envisager deux baisses de taux cette année, une éventualité dont les analystes doutent de plus en plus alors que la Réserve fédérale a annoncé dégrader ses prévisions pour l'économie américaine.
Elle prévoit désormais une croissance de 1,4% du PIB en 2025 (contre 1,7% prévu en mars et 2,1% en décembre 2024) et l'inflation en accélération à +3% (contre 2,7% en mars). Ils anticipent aussi une progression du taux de chômage à 4,5% (contre 4,4% en mars).
"Le taux de chômage reste faible et les conditions du marché du travail restent solides", a toutefois précisé la Fed.
"Tant que le marché du travail reste en l'état et que l'inflation diminue, la bonne chose à faire est de maintenir les taux inchangés", a ajouté Jerome Powell.
Donald Trump furieux
Avant même cette annonce, Donald Trump avait exprimé sa frustration.
"Il n'y a pas d'inflation" aux Etats-Unis "et donc j'aimerais voir les taux baisser", a déclaré le chef de l'Etat devant la Maison-Blanche.
Et il s'est en pris, une nouvelle fois, au président de la banque centrale américaine, Jerome Powell, qualifié de "personne stupide". Il a aussi aussi affirmé que ce dernier, qu'il avait lui-même désigné pour prendre la tête de l'institution en 2018, était "politisé".
"Peut-être que je devrais aller à la Fed. Est-ce que je suis autorisé à me désigner moi-même ?" a lancé M. Trump.
"L’Europe a subi dix coupes budgétaires, et nous aucune. Et je suppose que c’est un homme politique, je ne sais pas, a déclaré au sujet de Jerome Powell le président américain dans une allocution improvisée devant la Maison blanche. C’est un homme politique qui n’est pas très intelligent, mais il coûte une fortune au pays."
Prudence face à l'inflation
Le président américain avait récemment estimé qu'il faudrait baisser les taux "carrément d'un point" de pourcentage afin de réduire les coûts d'emprunt des particuliers et des entreprises.
Les banques centrales bougent généralement plus lentement leurs taux, d'un quart de point à la fois.
Surtout, les responsables de la Fed ont montré qu'ils tenaient à rester crédibles en matière de lutte contre l'inflation, et que le principal risque était selon eux, pour l'heure, celui d'un déraillement des prix du fait des nouveaux droits de douane.
Nombre d'experts considèrent que le constat d'une modération de l'inflation (à +2,1% sur un an en avril aux Etats-Unis, selon l'indice officiel PCE) aurait pu permettre à la Fed de baisser ses taux ce mois-ci, mais c'était sans compter l'impact redouté des droits de douane sur les prix.
Depuis son retour à la Maison-Blanche, M. Trump a imposé au moins 10% de surtaxe sur la plupart des produits importés aux Etats-Unis et menace d'aller plus loin.
Pour l'heure, l'inflation reste mesurée mais cela pourrait ne pas durer. "Trump a en quelque sorte raison quand il dit qu'il n'y a pas d'impact sur les prix à la consommation", a déclaré à l'AFP Dan North, économiste chez Allianz Trade North America.
"Cela prend quelques mois" avant que les vagues des droits de douane percutent les consommateurs. A moins que ces droits de douane ne soient retirés demain (...) l'inflation va repartir, ce que la Fed veut à tout prix éviter", selon Dan North.
Le consommateur - moteur de l'économie américaine - semble en tout cas plus attentif à son porte-monnaie. Un indicateur publié mardi montre que les ventes au détail (dans les magasins, les restaurants, chez les concessionnaires) ont reflué de 0,9% en mai.
L'escalade militaire au Moyen-Orient brouille davantage le tableau. La modération de l'inflation dont se félicite M. Trump est largement due à la baisse des cours du pétrole. Le conflit menace de le faire flamber.