Immigration, sécurité et droits de douane: l'entente controversée de Donald Trump et du président du Salvador

Accueil en grande pompe pour celui qui se qualifie de "dictateur le plus cool au monde". Nayib Bukele, 43 ans, président d’un pays de six millions d’habitants est devenu le partenaire de choix de l’administration Trump.
Depuis mars, le petit pays d’Amérique centrale a accepté d’incarcérer sur son sol plus de 250 prisonniers expulsés des États-Unis. Des hommes, en majorité vénézuéliens, présentés comme des membres de gangs.
Donald Trump se dit jusqu’ici extrêmement satisfait de la collaboration. Dans le Bureau ovale, il a félicité son homologue pour ses vidéos mises en scène montrant les prisonniers, rasés dès leur descente d’avion, agenouillés et lourdement enchaînés. Et le républicain n’est désormais pas contre l’idée d’y envoyer des détenus américains:
"Nous avons aussi des gens mauvais. J'y suis totalement favorable, car nous pouvons négocier avec le président Bukele pour moins cher et avec une sécurité renforcée", a-t-il déclaré.
Une loi du XVIIIe siècle
Pour expulser ces détenus, Donald Trump a réactivé une loi du XVIIIe siècle, l'Alien Enemies Act datant de 1798, et normalement utilisée en temps de guerre.
Les ONG dénoncent des "disparitions forcées et des détentions arbitraires". Des familles de plusieurs des déportés affirment que leurs proches n'ont aucun lien avec des gangs et qu’ils auraient été ciblés seulement à cause de leurs tatouages.
Lors de sa visite, Nayib Bukele a dit qu'il ne renverrait pas aux États-Unis un immigré salvadorien expulsé par erreur. Une excuse toute trouvée pour Donald Trump qui n’avait pas l’intention de se plier à la décision de la Cour suprême lui demandant de "faciliter" le retour de cet homme.
Intérêt économique
Mais qu’est-ce que le président du Salvador a à y gagner? Il y trouve déjà un intérêt en termes de communication. Le jeune président se présente tout sourire aux côtés de celui qu’il adule. Donald Trump soutient sa politique répressive, là où l'Union européenne la critique.
Il s’affiche aussi aux côtés de poids lourds républicains comme Marco Rubio ou Matt Gaetz. En septembre, il était sur le site de l’usine Tesla; au Texas; avec Elon Musk qui vante sa "méthode" contre la criminalité.
Il y a aussi un enjeu économique. Le Salvador a reçu 6 millions de dollars de la part de Washington dans le cadre de leur partenariat migratoire. "C'est peu pour eux mais beaucoup pour nous", estime Nayib Bukele.
Le dirigeant avait promis que l’immense prison dans laquelle les détenus expulsés ont été conduits ne coûterait rien aux Salvadoriens. Cela lui permet de tenir sa promesse.
Droits de douane
Il était aussi question de droits de douane dans le Bureau ovale. Pas d’annonce à l’issue de la rencontre mais Bukele aurait bien demandé un allègement des droits de douane de 10% imposés par Trump. Selon la Banque centrale du Salvador, près d'un tiers des exportations du pays sont à destination des États-Unis. Cela représente un peu plus de 2 milliards de dollars.
La situation économique du pays est difficile. Près de 30% des Salvadoriens vivraient toujours dans la pauvreté et près d'un sur 10 dans l'extrême pauvreté. 70% des emplois se situent dans le secteur informel. Et l’argent envoyé par les Salvadoriens exilés aux États-Unis représente 23% du PIB.
Alors certes, Bukele a fait de son pays l’un des plus sûrs d’Amérique latine, en sacrifiant au passage les libertés individuelles. Plus de 1% de la population est en prison (taux d’incarcération le plus élevé au monde). Mais les problèmes du pays dépassent largement la question sécuritaire. Redresser l’économie sera son prochain défi. Lui qui envisage de modifier la Constitution pour briguer un troisième mandat.